mardi, décembre 09, 2014 Adressée à : La Fondation Bill et Melinda Gates [email protected] [email protected] Dr Wendy S White, Université d’État d’Iowa [email protected] Directrice, Human-Institutional Review Board [Comité de contrôle éthique des recherches], Université de l’État d’Iowa [email protected] Madame, Messieurs, Nous, les soussignés représentant diverses instances de toute l’Afrique et du monde, qui œuvrons pour la souveraineté alimentaire, nous opposons vivement aux essais alimentaires sur des humains qui ont lieu actuellement à l’Université de l’État d’Iowa avec la soi-disant “super banane” génétiquement modifiée (OGM), la variété matooke OGM à manger telle quelle ou à griller. Ces essais, financés par la Fondation Bill et Melinda Gates, sont menés, sous la direction du Docteur Wendy White de l’Université de l’État d’Iowa, sur 12 jeunes étudiants, avec l’idée d’introduire la banane OGM d’abord en Ouganda, puis dans d’autres pays d’Afrique de l’Est. La banane OGM qui est actuellement soumise à des essais de terrain en Ouganda, a été mise au point par des chercheurs de l’Université de Technologie du Queensland en Australie ; cette recherche a également été financée par la Fondation Gates. Malgré les dénégations des promoteurs et des développeurs de plantes OGM, et pour reprendre ce que près de trois cents chercheurs mondiaux ont déclaré dans leur Lettre Ouverte de décembre 2013 [i], il n’existe pas de consensus sur la sécurité des plantes OGM pour la consommation humaine. La majeure partie des études réalisées par des chercheurs indépendants sont en contradiction directe avec les résultats des études sponsorisées par l’industrie de la biotechnologie, qui soutient qu’il n’existe pas de preuve de risques ou de dangers. Cette soi-disant “super banane” a été génétiquement modifiée pour y ajouter plus de béta-carotène, un élément nutritif utilisé par le corps humain pour fabriquer la vitamine A. Contrairement aux autres plantes OGM actuellement utilisées pour la production commerciale dans lesquelles les traits agronomiques ont été altérés, les scientifiques ont inséré des gènes dans la banane OGM pour produire des substances que les humains doivent digérer (béta-carotène supplémentaire). La banane OGM est donc une toute autre histoire et soulève de sérieuses inquiétudes quant aux risques encourus par les communautés africaines qui seraient censées la consommer. La production de vitamine A dans le corps est complexe et le processus n’est pas parfaitement compris. Ce qui soulève des questions importantes, notamment, entre autres, de savoir si des taux élevés de béta-carotène ou de vitamine A comportent des risques et quelle peut être la nature de ces risques. Une évaluation des risques est une obligation pour les aliments OGM renforcés dans la législation de nombreux pays, et la nécessité d’une évaluation spécifique et supplémentaire de sécurité sanitaire pour les plantes à nutrition renforcée, comme la banane OGM, est reconnue par la Commission du Codex Alimentarius, car les modifications génétiques de ces plantes entraînent une composition qui peut être sensiblement différente de celle leurs homologues traditionnels [ii]. Nous voulons savoir quelles conclusions solides on peut tirer de ces essais alimentaires : comment peut-on appliquer des observations qui concernent des personnes jeunes vivant aux États-Unis à des paysans et consommateurs pauvres d’Afrique, étant donné les différences de genre de vie et de régime entre ces deux populations? Quels autres aliments ces étudiants vont-ils manger avec les bananes OGM et de quelle manière vont-ils consommer ces bananes ? Auront-elles une autre couleur et le même pourcentage d’eau ? La cuisson des bananes OGM provoquera-t-elle une perte de béta-carotène ? Les participants recevront-ils des portions de graisses et d’huile (du beurre par exemple) pour apporter un complément à la banane, comme ce fut le cas durant les essais alimentaires avec le Golden Rice pour faciliter l’absorption de la béta-carotène ? Dans ce cas, les essais alimentaires avec la banane OGM pourraient ne pas signifier grand-chose pour les Ougandais et autres Africains de l’Est vivant dans les campagnes, qui préparent la matooke en la faisant simplement cuire à la vapeur et en la réduisant en purée. De gros progrès ont été réalisés aux Philippines, un autre pays-cible pour les plantes OGM renforcées, par le biais de programmes gouvernementaux fournissant des suppléments alimentaires et améliorant l’accès à des aliments riches en vitamine A, pour pallier les carences en vitamine A. Ceci se fait sans avoir à supporter d’énormes coûts et les effets à long terme inconnus sur la santé, l’environnement et les systèmes agricoles, qu’implique l’utilisation des plantes OGM. Et cette manière de faire permet aux utilisateurs de garder le contrôle. L’Afrique, les États-Unis et en réalité le reste du monde, n’ont pas besoin d’OGM. Ces plantes détournent les ressources de solutions agricoles aux problèmes nutritionnels qui sont plus adaptées aux conditions locales et permettent aux populations de garder le contrôle. Si le but de ceux qui sont engagés dans le projet est véritablement de combattre les carences en vitamine A, ne devraient-ils pas encourager la consommation de fruits et de légumes plus variés, comme les patates douces qui sont riches en vitamine a et poussent en abondance en Afrique ? Paradoxalement, la promotion d’un aliment OGM de base riche en vitamine A risque de perpétuer des régimes peu variés qui sont précisément la cause des carences en vitamine A à la base. La présente lettre est un geste de solidarité avec les paysans et les communautés d’Afrique et du monde qui ont résisté à la modification génétique de leurs aliments de base, du Ghana, du Kenya et de la Zambie au Mexique, à l’Inde et aux Philippines. Nous ne resterons pas les bras croisés tandis qu’on essaye de modifier génétiquement, de façon systématique, les aliments de base africains et d’en faire en même temps un bon coup publicitaire en prétendant avoir résolu des problèmes de santé publique en soumettant les Africains à des risques inutiles. Dernier point, nous exigeons que le contenu complet de cette lettre ouverte soit partagé avec les sujets humains des essais aux États-Unis. Bridget Mugambe responsable du plaidoyer Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique (AFSA) P.O.BOX 571, Kampala, Ouganda Email: [email protected] Tel: 256 775 692499 [i] Pas de consensus scientifique sur la sécurité des organismes génétiquement modifiés – Déclaration de scientifiques en réaction au Prix mondial de l’alimentation décerné à Monsanto et Syngenta [ii] Voir : ftp://ftp.fao.org/codex/Publications/Booklets/Biotech/Biotech_2009f.pdf Signataires : African Biodiversity Network (Kenya) African Centre for Biosafety (South Africa) Africa Europe Faith Justice Network (Belgium) African Network on the Right to Food (Togo) Agency for Integrated Rural Development (Uganda) AgriculturALMissions Inc (USA) AgriProfocus (Uganda) AGRA Watch/Community Alliance for Global Justice (USA) Alliance Against Hunger and Malnutrition (Nigeria) Alliance for Rural Advancement (South Africa) Biowatch (South Africa) Border Rural Committee (South Africa) Black Farmers and Agriculturalists Association (USA) Centre for Information Policy in Africa (Uganda) Center for Indigenous Knowledge and Organizational Development (CIKOD) (Ghana) Centre for Participatory Research and Development (Uganda) Centro Internazionale (Italy) Civil Society Watch Project (Uganda) Committee on Vital Environmental Resources (COVER) Nigeria Community to Community (USA) Community Development Resource Network (Uganda) Consumer Education Trust (Uganda) Commons for Eco Justice (Malawi) Comparing and Supporting Endogenous Development- Africa CNCD- 11.11.11 (Belgium) CICODEV Africa Earthlife Africa (South Africa) Environmental Management and Livelihoods Improvement (Uganda) Entraide et Fraternite (Belgium) Eastern and Southern Africa Small Scale Farmers Forum (EASAFF-regional network) FAHAMU (Senegal) Farmer Support Group (South Africa) Family Farm Defenders (USA) Farm Workers Association of Florida (USA) Fellowship of Christian Councils and Churches in West Africa (West Africa) Food First/Institute for Food and Development Policy Food Sovereignty Ghana (Ghana) Food Democracy Now! (USA) Food Matters Zimbabwe Food and Water Watch (USA) FOOD Watch (Australia) Friends of the Earth Africa FNQ Sustainability Alliance (Australia) Garden Africa Gaia Foundation (United Kingdom) Gene Ethics (Australia) GRAIN Greenpeace GM Free Australia (Australia) GM-Free Far North Queensland (Australia) Grassroots International (USA) Growth Partners Africa (Kenya) Hawai`i SEED Health of Mother Earth Foundation (HOMEF) Nigeria International Development Exchange (USA) Institute for Culture and Ecology (Kenya) Institute for Research and Promotion of Alternatives (Mali) Institute for Sustainable Development (ISD) Ethiopia Interface Development Interventions (Philippines) Iowa Citizens for Community Improvement jAbL (Germany) JA!FOE (Mozambique) JINUKUN- Coalition to Protect African Genetic Heritage (Benin) Kenya Biodiversity Coalition (Kenya) Kenya Food Rights Alliance (Kenya) Land Loss Prevention Project (USA) La Via Campesina (Africa) La Via Campesina (North America) Legal Resources Centre (South Africa) MADGE Australia Inc (Australia) Mantasa (Indonesia) Melca (Ethiopia) Mississippi State Association of Cooperatives (USA) Maryknoll Office for Global Concerns (USA) National Association for Professional Environmentalists (Uganda) National Family Farm Coalition (USA) Natures Friends Institute Demonstration Site (USA) Ndima Community Service (South Africa) Nkuzi Development Association (South Africa) Navdanya (India) Never Ending Food (Malawi) Network of Farmers and Agricultural Producers’ Organisations of West Africa North East Organic Farming Association of New York (USA) Oakland Institute (USA) Pesticide Action Network- North America Partners for the Land and Agriculture Needs of Traditional Peoples (USA) PELUM Association (Regional network representing 10 countries in Africa) Right to Agrarian Reform for Food Sovereignty Campaign (South Africa) Rural Women’s Assembly (Southern Africa) Slow Food Youth Network (South Africa) Society for International Development (Italy/International) SOS Faim Luxemburg (Germany) Southern Cape land Committee (South Africa) Southern and Eastern Africa Trade Information and Negotiations Institute (Uganda) Sovereign Seeds (Western Australia) Surplus people project (South Africa) The Ecologist Magazine The Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee The Acequia Institute (USA) Third World Network Tanzania Alliance for Biodiversity (Tanzania) Terra Nova (Italy) Tropical Sustainable Foundation (Uganda) Truly Living Well Center for Natural Urban Agriculture (USA) The Committee on Vital Environment Resources (Nigeria) The Young Environmental Network (Nigeria) The Health of Mother Earth Foundation (Nigeria) Trust for Community Outreach and Education (South Africa) Transkei Land Service Organisation (South Africa) Pan-Africanist International (Belgium) Participatory Ecological Land Use Management (Uganda) Platforme Regionale des Organisations d’Afrique Centrale SEARICE (Philippines) Uganda Coalition for Sustainable Development (Uganda) US-Africa Network (USA) US Food Sovereignty Alliance (USFA) Vijiji Foundation (Tanzania) Washington Biotechnology Action Council (USA) Women on Farms (South Africa) World Neighbours Support for Women in Agriculture and Environment (Uganda) Zambia Alliance for Agro Ecology and Biodiversity Conservation (Zambia) Individuals Dr. Vandana Shiva (India) Joanna Stodden (Seattle, USA) Lan Dinh (Philadelphia USA) Dr Jeanne Koopman (USA) Sheila Kinsey (Rome, Italy) Sue Kalicinska (United Kingdom) Sue Edwards Reverend M Dele (USA) Dr. Eva Novotny (United Kingdom) Erik Dalhuijsen (Aberdeen Scotland) Franz Fischer (Zimbabwe) Dr. Michael Antoniou (United Kingdom) Sr. Kumudine Dassanayake (Holy Family of Bordeaux, Sri-Lanka) Dr. Norman Albon (United Kingdom) Frances Moore Lappe Prof. Joseph Cummins (Canada) Dr. Marion Hersh (Scotland) Mellese Damtie Dandi June WalkerThanthwe (Malawi) John Wilson (Zimbabwe) Philip L Bereano, Professor Emeritus Dr Devon G. Peña H.M Owens Jeanie Clark (Warracknabeal, Australia) Joan Gussow Professor Emeritus (Columbia University, USA) Eric Holt-Gimenez