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Les cultures génétiquement modifiées en Afrique et leurs conséquences pour les petits agriculteurs

by Devlin Kuyek | 1 Dec 2002

Afrique et leurs conséquences pour les petits agriculteurs

 

Devlin Kuyek*

Décembre 2002

[Voir aussi: La question des droits de propriété intellectuelle dans l'agriculture en Afrique]

Sommaire:

1. INTRODUCTION

2. LE PASSE PREDIT LE FUTUR
L'Afrique a-t-elle manqué une révolution ?
La Révolution verte en Afrique

3. LES DEFENSEURS DES CULTURES GENETIQUEMENT MODIFIEES
Qui sont les promoteurs des cultures génétiquement modifiées

4. SE FIER AUX EXPERTS
Le coton Bt et la sécurité biologique

5. PAS D'AUTRE ALTERNATIVE ?
Des patates plus douces sans biotechnologie
Le maïs Bt : Des grosses compagnies qui travaillent pour les gros agriculteurs
La Révolution verte, la Révolution génétique … ou la Révolution des agriculteurs ?

1. INTRODUCTION

" Le génie génétique gagne rapidement le continent, sans se préoccuper des questions de bio-sécurité et de processus démocratiques. "

Le génie génétique s'est très rapidement introduit dans le secteur agricole. En moins d'une dizaine d'années depuis l'introduction commerciale de la première variété génétiquement modifiée, plus de 50 millions d'hectares ont été plantés en variétés génétiquement modifiées dans le monde.1 Ses partisans affirment qu'en transférant un gène d'un organisme à un autre, le génie génétique peut surmonter les contraintes inhérentes aux sélections traditionnelles de plantes. Ils soutiennent que les nouvelles variétés transgéniques réduiront le recours aux pesticides et augmenteront la sécurité alimentaire dans les pays en développement - une promesse que ces pays aspirent à voir se réaliser. Et l'idée que la 'nouvelle' économie mondiale s'établira à partir du génie génétique est largement répandue, affirmant que tout pays qui restera en marge perdra sa compétitivité dans l'avenir. Ces affirmations ont pesé sur les milieux politiques en Afrique. Dans une lettre au président américain de l'époque, Bill Clinton, le président kenyan Daniel Arap Moi écrivait : " Alors que la Révolution verte a été un succès remarquable en Asie, elle a laissée l'Afrique de côté. Aujourd'hui, la communauté internationale est à la veille d'une révolution biotechnologique que l'Afrique ne peut pas se permettre de rater. " 2

Face à l'enthousiasme suscité par le génie génétique, il y a peu de place pour une réflexion critique. Cette nouvelle technologie est-elle appropriée aux systèmes agricoles et quelles seront ses conséquences si elle est adoptée ? L'expérience d'autres pays montre que cette ouverture au génie génétique soulève un grand nombre de questions concernant la bio-sécurité et plus généralement les conséquences socio-économiques. Cela requiert l'acceptation des droits de propriété intellectuelle sur les organismes vivants, la privatisation de la recherche publique, et une recherche-développement coûteuse au détriment de l'innovation issue des savoirs paysans. Que signifiera ce changement pour l'Afrique et pour les petits agriculteurs en particulier ? Qui plus est, pourquoi la nouvelle 'révolution génétique' serait-elle plus efficace que la Révolution verte qui a échoué en Afrique ?

Malgré ces limites et les risques potentiels que les cultures génétiquement modifiées peuvent entraîner, le génie génétique gagne rapidement le continent, sans se préoccuper des questions de bio-sécurité ni des processus démocratiques. Ce dossier s'interroge sur la question de savoir qui fait pression pour l'adoption de cette technologie et qui la demande, si les variétés GM sont sûres et cherche à établir si le paysan africain en a vraiment besoin. Il présente plusieurs études de cas qui montrent quelques-unes des variétés transgéniques utilisées pour introduire cette nouvelle technologie en Afrique. Ces exemples démontrent que, outre le fait qu'elles apportent très peu aux petits paysans africains, elles menacent à plus long terme de détruire le fragile équilibre des systèmes agricoles dont dépendent ces agriculteurs.

2. L'AVENIR S'ENRACINE DANS LE PASSE :


L'Afrique a-t-elle raté une révolution ?

La Révolution verte n'a pas été en Asie le succès total que le Président Arap Moi décrit dans sa lettre. La productivité a augmenté (en termes de kilos par hectare de monoculture) mais les profits ont été réalisés pour la plupart dans des zones qui répondaient aux conditions convenant aux technologies de la Révolution verte - des terres irriguées recevant des intrants chimiques. C'est ainsi que, alors que les récoltes de variétés de riz de la Révolution verte pouvaient atteindre 10 tonnes à l'hectare dans les stations de recherche, en pratique, la majeure partie des paysans n'en obtenait que 3 à 6 tonnes par hectare 3 Les gains de production d'une monoculture particulière sont à relativiser si l'on considère les pertes de production pour d'autres produits de première nécessité, cultures légumières et fourragères. Même lorsque l'on est parvenu à des gains de production, les variétés de la Révolution verte ont été sujettes à des maladies et à des invasions de nuisibles qui n'avaient posé aucun problème auparavant. En exigeant la plantation à large échelle de cultures génétiquement uniformes dans des conditions de monoculture, la Révolution verte a rapidement évincé les variétés locales, lesquelles avaient un bien plus grand potentiel génétique pour résister aux maladies. Cela a ouvert la porte aux épidémies, et les ravageurs et les maladies sont rapidement venus à bout du faible potentiel de résistance des nouvelles variétés et se sont répandus en dehors des zones où ces nouvelles variétés avaient été plantées. Les scientifiques ont tenté de contrôler ce problème en augmentant le recours aux pesticides et en sélectionnant de nouvelles variétés résistantes. Mais ils n'ont pas pu s'opposer aux capacités d'adaptation des ravageurs. De plus, la toxicité des pesticides rendait leur utilisation particulièrement risquée dans les pays en développement. Du coup, ironie tragique, les sélectionneurs sont en train de perdre peu à peu tout moyen de développer de nouveaux caractères de résistance car l'adoption à large échelle de leurs variétés conduit à la disparition d'un nombre de plus en plus élevé de variétés traditionnelles possédant les gènes de résistance requis.4

Des problèmes similaires existent dans les pays industrialisés, où l'usage de pesticides pour vaincre la résistance toujours plus forte des ravageurs et des maladies est entraîné dans une spirale infernale. C'est pourquoi nombreux sont ceux qui en sont arrivés à la conclusion que l'ensemble du processus de la Révolution verte devait être remis en question. D'autres cependant, comptent sur les nouvelles technologies pour résoudre la crise qui menace, et ils croient que le recours aux biotechnologies est la bonne solution. Pour comprendre les implications de l'introduction des biotechnologies en Afrique, il est important d'observer comment l'Afrique a vécu l'expérience de la Révolution verte.

" Les cultures de la Révolution verte n'ont pas été développées pour des conditions locales : c'est plutôt les conditions locales qui ont eu à s'adapter aux technologies. Pour la plupart des régions africaines, cela était tout simplement impossible. "

La Révolution verte en Afrique

La différence majeure entre l'expérience de la Révolution verte en Afrique et en Asie est que l'Afrique présente beaucoup moins de zones répondant aux conditions convenant aux technologies de la Révolution verte. Ces technologies n'ont pas été développées pour des conditions locales : c'est plutôt les conditions locales qui ont eu à s'adapter aux technologies. Pour la plupart des régions africaines, cela était tout simplement impossible.

Les technologies n'ont pas mis l'Afrique de côté : elles étaient disponibles, mais impopulaires et inefficaces. Par exemple, le recours aux engrais a considérablement augmenté à partir des années 70 en Afrique sub-saharienne, alors que la production agricole par tête diminuait. Les cultures à haut rendement de la Révolution verte ne se sont pas mieux comportées. Au Malawi, malgré la diffusion massive du maïs hybride, la récolte moyenne de maïs resta à peu près ce qu'elle était en 1961.5 L'augmentation des récoltes a été aussi faible ou stagnante en Afrique pour d'autres cultures importantes comme le manioc, l'igname, le riz, le blé, le sorgho, et le mil.6 Même la fondation Rockefeller admet que l'expérience africaine soulève des questions sérieuses concernant l'approche de la Révolution verte : " Lorsque les agriculteurs africains obtiennent de faibles rendements pour des cultures comme le maïs ou le riz pour lesquelles l'adoption de variétés améliorées a été appréciable, cela remet en question l'ensemble de la valorisation des ressources génétiques améliorées chez les agriculteurs locaux. ”7

On peut tirer deux leçons principales de l'échec de la Révolution verte. D' une part, le succès limité que peuvent avoir des technologies " révolutionnaires " importées de l'extérieur dans l'écologie complexe de l'Afrique. Les sols africains ne sont généralement pas propices à une production intensive de monocultures à cause des pluies excessives ou insuffisantes, de la fréquence élevée des maladies et des ravageurs, ainsi que d'autres facteurs.8 Une gestion agricole adéquate demande une approche bien plus élaborée, comme les agriculteurs africains le savent très bien. Comme la fondation Rockefeller a mis du temps à comprendre: " La complexité du système de prise de décision des agriculteurs africains peut être surprenante "9.

D'autre part, les conditions politiques, économiques et sociales de l'Afrique conviennent aussi mal que son système écologique aux technologies " révolutionnaires ". La Banque mondiale estime que la moitié de ses projets agricoles en Afrique ont échoué parce qu'ils n'avaient pas tenu compte des limites des infrastructures nationales.10 Les agriculteurs africains ne disposent pas d'accès aux marchés, d'infrastructures, de services techniques, ni d'autres formes de soutien. De plus, les femmes, qui constituent la majeure partie des actifs agricoles en Afrique, doivent assurer la gestion de leurs fermes et de leurs foyers avec très peu de moyens, pendant que les hommes partent ailleurs pour chercher à gagner de quoi vivre.

Dans ces conditions, la sécurité est la principale priorité : ce que les technologies en provenance de l'extérieur ne peuvent tout simplement pas fournir. Au Zimbabwe par exemple, la sécheresse de 1992 a détruit un pourcentage élevé des semences traditionnelles de mais et des hybrides ont été importés pour la saison suivante. Selon Viollet Mandishona de l'Union des agriculteurs du Zimbabwe ; " Au départ, les hybrides ont été un apport révolutionnaire. Mais les coûts des intrants sont devenus très élevés. "11 L'Union nationale des agriculteurs du Kenya estime que la libéralisation du marché a augmenté le prix des intrants, obligeant de nombreux petits agriculteurs à abandonner la Révolution verte pour revenir à une agriculture de subsistance.12

La technologie est une contrainte relativement insignifiante pour l'agriculture africaine. Si les agriculteurs pouvaient bénéficier de primes de rendement et de conditions leur permettant de concentrer leur énergie sur le travail agricole, l'Afrique pourrait facilement prendre en charge sa sécurité alimentaire pour les générations à venir. Comme le déclarent les chercheurs Ezumah et Ezumah, les ressources naturelles disponibles en Afrique sub-saharienne sont " largement sous-utilisées ", car le continent ne produit que 0.8 % de ce qu'il pourrait tirer de son potentiel agricole. Ils affirment que " les principaux obstacles à l'augmentation de la production sont d'ordre socio-économique. "

Pour être juste, la plupart des partisans des biotechnologies n'affirment pas que les cultures génétiquement modifiées peuvent résoudre tous les problèmes de l'agriculture africaine. Ils disent que le génie génétique est seulement un outil parmi d'autres. Mais le génie génétique entraîne toute une série de problèmes sociaux et économiques et de nouveaux risques pour la sécurité biologique, ce qui exige des ressources considérables pour en assurer la gestion. Il transfère le contrôle sur la recherche-développement en agriculture vers les firmes multinationales et perturbe un processus collectif de sélection des plantes qui existe depuis des temps immémoriaux. De plus, et c'est peut-être le plus important, il apporte un second souffle au modèle de la Révolution verte, à un moment où de nombreux agriculteurs et chercheurs scientifiques s'intéressent à des modèles agricoles allant dans un sens complètement différent.

Une agriculture durable :

L'agriculture durable représente pour le développement agricole une approche complètement différente de celles prônées par la Révolution verte et la révolution génétique. Elle encourage le développement à l'intérieur des systèmes agricoles, de manière à minimiser, à défaut d'éliminer totalement l'apport d'intrants extérieurs non-renouvelables, comme les pesticides et les engrais chimiques. Les pratiques et les techniques utilisées sont calquées sur les écosystèmes naturels, comme les systèmes de multicultures et de cultures en couloirs et le système du 'fadama' (systèmes des vallées de l'intérieur des terres) que les agriculteurs ont pratiqué avec grand succès en Afrique.1 L'agriculture durable se fonde aussi sur un principe d'équité permettant aux agriculteurs d'avoir accès aux semences, aux savoirs et aux autres ressources. Dans cet esprit, les systèmes de connaissances autochtones et la biodiversité sont les bases des systèmes de semences durables et les agriculteurs prennent une part active dans la sélection variétale - de la conservation des ressources génétiques et de l'amélioration des variétés à la commercialisation et à la distribution des semences. Des scientifiques travaillent aux côtés des agriculteurs pour renforcer et soutenir leurs stratégies de sélection. De cette manière, la sélection des plantes peut accroître la diversité génétique et développer des variétés spécifiques à l'agriculture et l'écologie locales. De plus, avec l'agriculture durable, les agriculteurs remettent en question des choix politiques et socio-économiques qui freinent le développement agricole, l'autonomie et la sécurité alimentaire.2 L'aspect sans doute le plus marquant des systèmes d'agriculture durable est qu'ils intègrent les différents facteurs en présence dans une approche diversifiée et globale. Alors que les chercheurs en génie génétique visent à trouver des solutions en s'intéressant seulement au gène, les praticiens de l'agriculture durable se préoccupent de l'état des sols, de la gestion de l'eau, et des associations de plantes cultivées. Ils tiennent compte de la situation socio-économique, des questions de relations entre femmes et hommes, et des besoins des agriculteurs tels qu'ils les expriment eux-mêmes. L'agriculture durable intègre complexité et diversité, alors que le génie génétique se fonde sur la simplicité et l'uniformité.

1 - Ezumah and Ezumah, op cit 2 - Communication de la Seed and Technoloy Division, Department of Agronomy, UPLB College, Laguna, the Philippines.

3 -Les défenseurs des cultures génétiquement modifiées

Qui sont les promoteurs des cultures génétiquement modifiées ?

Comme la Révolution verte avant elles, les cultures génétiquement modifiées sont parvenues en Afrique suite aux développement opérés dans les pays du Nord. Le développement des plantes génétiquement modifiées est dirigé par l'industrie des pesticides. Dans les années 90, l'industrie a dû faire face à une série de problèmes majeurs. D'une part, la chimie était à bout de souffle et il était devenu de plus en plus difficile et coûteux de développer de nouveaux pesticides. D'autre part, les principaux pesticides étaient sur le point de passer dans le domaine public et les multinationales craignaient que les producteurs de produits génériques ne réduisent les prix et accaparent une part de plus en plus grande du marché. Les pesticides tombés dans le domaine public occupent déjà 53% du marché global et en 2005, on prévoit que cette part s'élèvera à 69%, ce qui représente une valeur de 27 millions de $.13 Enfin, les revenus provenant des ventes de pesticides étaient en baisse dans le Nord et de plus en plus de profits provenant de la production agricole étaient faits par les détaillants de l'alimentation, les transformateurs et les distributeurs, qui profitaient de leur position de quasi monopole pour forcer la main aux agriculteurs. 14

Le génie génétique a été lancé pour résoudre ces problèmes. D'une part, il représente un nouveau domaine pour la science - la biologie - que les firmes peuvent orienter vers de nouveaux pesticides, et par conséquent vers de nouveaux brevets. Les firmes peuvent aussi modifier les variétés afin qu'elles ne poussent qu'en étant traitées avec leurs pesticides et empêcher les agriculteurs d'employer des versions génériques de ces produits en les liant avec des contrats, contournant ainsi le problème des pesticides génériques. Avantage supplémen,taire, tandis que le prix pour introduire un nouveau pesticide selon le processus réglementaire coûte entre 40 et 100 millions de $, l'introduction d'une nouvelle variété végétale sur le marché revient à moins de 1 million de $.15 D'autre part, les cultures génétiquement modifiées à forte valeur ajoutée, comme le riz enrichi en vitamine A ou le maïs riche en protéines, permettent à l'industrie des pesticides d'augmenter sa part de bénéfices à partir de la production alimentaire et de la nourriture pour animaux.

A partir du moment où les multinationales qui fabriquent des pesticides ont compris le potentiel que pouvaient fournir les cultures génétiquement modifiées, elles se sont rapidement mobilisées, rachetant les firmes biotechnologiques les plus avancées ainsi que les compagnies semencières les plus grosses du monde, tout en établissant des alliances avec les principales industries de la transformation et de la distribution alimentaires. Entre 1997 et 1999, les transactions opérées par les firmes de pesticides dans l'industrie semencière ont atteint les 18 millions de $.16 Les cinq plus grosses firmes de pesticides contrôlent désormais approximativement 30% du marché des semences et 50% de tous les brevets des produits agricoles issus des biotechnologies, incluant 70% de tous les brevets sur les gènes du blé et 47% sur les gènes du sorgho.17 Les premières cultures introduites illustrent les stratégies commerciales des multinationales. En 1999, 78% de toutes les variétés issues du génie génétique plantées dans le monde étaient des variétés adaptées à la tolérance aux herbicides et la grande majorité l'étaient pour la tolérance à l'herbicide Roundup (glyphosate).18 Pour Monsanto, le principal fournisseur du Roundup au niveau mondial, propriétaire de la plupart des variétés génétiquement modifiées résistantes au Roundup, les cultures génétiquement modifiées représentaient un moyen efficace de protéger les ventes de son herbicide qui est tombé dans le domaine public en 2000-2001.

L'industrie cherche maintenant à introduire sa technologie en Afrique. L'Afrique du Sud, possédant un vaste secteur d'agriculture commerciale, et une politique environnementale accommodante (voir encadré), a été et reste la première destination pour les cultures génétiquement modifiées. La première culture génétiquement modifiée, le coton Bt, a reçu l'autorisation de commercialisation en 1997, et, en 2001, plus de 200 000 hectares ont été plantés avec des variétés génétiquement modifiées. L'industrie essaie maintenant d'introduire les cultures génétiquement modifiées dans d'autres pays africains. Les régions ciblées sont les régions pratiquant la culture commerciale du maïs et du coton, car ces cultures bénéficient déjà de débouchés commerciaux bien établis. Pour les mêmes raisons, les demandes d'autorisation pour l'introduction des fruits et des fleurs génétiquement modifiés destinés à l'exportation ne sont probablement pas bien loin.

Les biotechnologies dans la nouvelle Afrique du Sud

L'Afrique du Sud est largement en tête du reste de l'Afrique en ce qui concerne les biotechnologies. Déjà plus de 200 autorisations pour des essais en champs ont été délivrés et trois organismes génétiquement modifiés sont disponibles sur le marché. Pourquoi l'Afrique du Sud est-elle une région aussi propice aux cultures génétiquement modifiées ? Tout d'abord parce que l'agriculture est dominée par un petit nombre de grandes exploitations très impliquées dans le marché des semences. Le maïs est la culture la plus importante, mais une vaste superficie est aussi consacrée à la culture du soja, du blé et du coton. L'industrie des semences d'Afrique du Sud est dominée par une poignée de compagnies, pour la plupart étrangères, comme les compagnies américaines Monsanto et Hi-Bred qui contrôlent approximativement 60% du marché du maïs hybride. D'autres compagnies, comme Sakata, une compagnie japonaise de légumes et de fleurs ornementales, sont aussi en train de pénétrer le marché. Ensuite parce qu'avec la colonisation et le système de l'apartheid, les pratiques agricoles traditionnelles ont été négligées. Roger Ellis, chercheur en agronomie d'Afrique du Sud, a dû fermer à trois reprises des banques de gènes au cours de sa carrière. Selon ses propos, " Les seules personnes possédant des semences traditionnelles sont les plus pauvres des pauvres. " Mais ces petits agriculteurs n'ont absolument pas de soutien du secteur public pour se développer et seulement quelques-uns d'entre eux bénéficient de subventions de la part d'organisations non-gouvernementales travaillant pour l'agriculture durable. Cela a laissé la porte ouverte aux compagnies de semences et de pesticides qui proposent des programmes de développement à des groupes d'agriculteurs privés d'aide.

La troisième explication est que les institutions de la recherche publique du pays qui ont mené la recherche en biotechnologie depuis les années de l'apartheid, sont en train d'être dévastées par une privatisation éclair. Des institutions comme le Conseil pour la recherche scientifique et industrielle (CSIR), le premier institut de recherche en biotechnologie d'Afrique du Sud, ayant souffert de diminutions de financements au cours des dix dernières années, ont privatisé l'ensemble ou partie de leurs services. Seuls 45 % des salaires des centres de recherche agronomique proviennent des fonds publics 1, et la moitié du budget du CSIR provient de financements non-gouvernementaux. En conséquence, ce sont les financements privés ou le partenariat avec l'industrie qui guident désormais les programmes de la recherche publique - et les biotechnologies en tout premier lieu. Un chercheur du CSIR estime que l'institution s'apprête à gagner 5 millions de Rand par ses activités de bio-prospection actuelles : " Suffisamment pour transformer chaque 'bushman' du pays en millionnaire. " 3 Quatrièmement, l'Afrique du Sud bénéficie d'une législation sur la bio-sécurité et les droits de propriété intellectuelle qui favorise l'industrie des biotechnologies. L'Afrique du Sud a autorisé les essais en champs et la commercialisation de nombreuses cultures génétiquement modifiées - dont la plus récente est le coton Roundup Ready de Monsanto. Celle-ci, comme toutes les variétés de plantes commerciales, est couverte par une législation protégeant les droits des sélectionneurs et par des brevets sur tous les procédés y afférant.

Enfin, et c'est peut-être le plus important, le gouvernement est très sensible aux arguments concernant la compétitivité internationale. L'industrie bénéficie d'un lobby considérable sur place en Afrique du Sud qui lui permet de tisser sa toile en faisant passer le message que la biotechnologie est la prochaine révolution industrielle et que si le pays ne prend pas le train en marche, il sera à la traîne. Cet argument est en parfaite adéquation avec la politique agricole actuelle du gouvernement qui mise sur l'émergence d'une classe d'agriculteurs noirs, pratiquant une agriculture calquée sur les modèles de l'agriculture commerciale pratiquée par les agriculteurs blancs pendant les années de l'apartheid. Ceux qui espéraient que le gouvernement poursuivrait une politique alimentaire nationale qui prendrait en compte l'ensemble des questions comme celles de la terre, du développement agricole, de la bio-sécurité et de la sécurité alimentaire, ont vu leurs espoirs déçus par la nouvelle orientation visant à rendre l'Afrique du Sud compétitive au niveau international. Dans ce contexte, la sécurité alimentaire des communautés, la préservation des ressources alimentaires, la bio-sécurité, et la redistribution des terres sont passées au second plan.

1 Entretien personnel avec Roger Ellis, Centres de recherche agronomique, Juin 2001,
2 Entretien personnel avec Terry Watson, CSIR, Juin 2001,
3 Entretien personnel avec Terry Watson, CSIR, Juin 2001.

Comme pour l'instant, le potentiel du marché africain pour les semences génétiquement modifiées est relativement limité, le secteur public restera à court terme l'acteur le plus important du système formel de la sélection des semences. Cela signifie que les chercheurs du secteur public ont un rôle particulièrement influent à jouer en ce qui concerne la question de l'introduction des cultures génétiquement modifiées en Afrique. Bien que les cultures génétiquement modifiées n'aient été introduites que dans un petit nombre de pays africains et que la plupart aient encore à élaborer une position nationale sur les biotechnologies, la recherche en matière de cultures génétiquement modifiées prend de plus en plus de place dans les centres de recherche nationaux. L'annexe 1 présente la liste de quelques projets de recherche-développement dans des institutions publiques et privées en Afrique.

En Afrique, l'approche de la recherche-développement peut avoir un impact important sur les futures décisions politiques. En même temps que les chercheurs du secteur public s'impliquent de plus en plus dans la recherche sur les cultures génétiquement modifiées, l'intérêt pour la commercialisation - généralement l'objectif à atteindre - augmente. Le projet de recherche entraîne alors tout une série de besoins : les chercheurs doivent pouvoir avoir accès aux installations de laboratoire, le pays doit avoir la capacité de gérer les questions de bio-sécurité, et les compagnies étrangères ainsi que les institutions réclament une législation protégeant les droits de propriété intellectuelle. De cette façon, un petit nombre de projets biotechnologiques mineurs peuvent exercer une influence significative sur la politique nationale. Comme le fait remarquer Stephen Dazie du Centre africain pour les études technologiques : " Le développement des biotechnologies dans l'Est et le Sud de l'Afrique n'est pas basé sur des politiques particulières que les gouvernements ont mis en place mais sur les intérêts de certains chercheurs et de quelques fondations procurant les financements. "19 Le Kenya et l'Egypte ont subi cette influence (voir encadrés ci-dessous).

Au Centre de recherche agronomique du Kenya (KARI) : la patate douce comme " Cheval de Troie ".

Les financiers exercent une influence significative sur la recherche agricole et sur le développement au Kenya, particulièrement en ce qui concerne les biotechnologies. Entre 1989 et 1996, leurs contributions ont couvert 65 % de l'ensemble des dépenses des biotechnologies agricoles. 1 Cette influence s'exerce en particulier sur le KARI, qui continue à travailler à " une distance administrative considérable de la bureaucratie gouvernementale ".2 Malgré cette distance, le KARI a exercé une influence considérable sur la politique nationale en matière de biotechnologies, particulièrement par le biais de son projet sur la patate douce génétiquement modifiée.

En 1991 , Monsanto et Kari ont commencé à unir leurs efforts pour développer les patates douces GM afin de les rendre résistantes aux virus. La première phase de financement a été assurée par l'Agence américaine pour le développement international et la seconde, couvrant les essais et la multiplication en champs, par le Fond pour la recherche agricole de la Banque mondiale. Monsanto aurait couvert presque 70 % des coûts de recherche-développement. Avec ce programme, des chercheurs de KARI et des membres du gouvernement kenyan ont été envoyés en formation dans les locaux de Monsanto aux Etats-Unis et ont participé à différents ateliers de formation sur la bio-sécurité et les droits de propriété intellectuelle. D'après l'un des représentants de KARI participant au projet, le programme avait deux objectifs : " former les chercheurs de KARI et le personnel technique à tous les aspects du développement technologique, à l'évaluation en matière de biosécurité et aux droits de propriété intellectuelle et préparer la mise en place d'une réglementation en matière de bio-sécurité et les structures d'évaluation ". 3

Une fois que Monsanto et le KARI ont développé les patates douces GM dans les laboratoires de Monsanto, ils ont déposé une demande pour les faire importer et tester en champs au Kenya. Comme le fait remarquer un autre membre d'une institution ayant participé à la même session, " l'arrivée imminente de ces plants sert de catalyseur au Comité national de biosécurité (NBC) pour proposer des réglementations " 4 En deux ans, la réglementation est passée et la première saison d'essais en champs est maintenant achevée.

Avec l'autorisation accordée à la patate douce GM, un certain nombre de changements notables sont survenus dans les réglementations en matière de biotechnologie au Kenya. A l'origine, la mise en place d'une réglementation en matière de bio-sécurité a commencé par l'octroi de financements en provenance du gouvernement néerlandais qui ont été coordonnés par le Conseil national pour la science et la technologie (NCST). Le NCST a réuni un Conseil multidisciplinaire pour établir des réglementations et des directives, dont certains croient qu'ils mettaient l'accent sur une approche basée sur le principe de précaution.5 Depuis lors toutefois, les financeurs américains et leurs partenaires kenyans en sont venus à occuper une position beaucoup plus influente. Ceux qui ont suivi la formation sur le projet de la patate douce et autres activités de " renforcement des capacités" financées par l'USAID occupent aujourd'hui des postes stratégiques dans les cercles du pouvoir et des prises de décision politiques. Avec les nouveaux projets de collaboration pour le coton GM avec Monsanto et le maïs GM avec Syngenta, la pression émanant de KARI en faveur des biotechnologies va seulement devenir de plus en plus forte.

1 - Cesar Falconi,"Agricultural Research Indicators:Kenya,"ISNAR Discussion Paper ,1999,p.16;
2 -Philip Pardy and Johannes Roseboom,"Trends in Financing African Agricultural Research,"in SR Tabor et al (Eds),Financing Agricultural Research:A Sourcebook ,ISNAR,The Netherlands, 1998: http://www.cgiar.org/isnar/publications/books/FSB.htm;
3 -Entretien personnel avec John Wafula, Nairobi, Kenya, Juillet 2001; 4 David Alvarez, "Connecting People to the Promise of Biotech :Update of the ISAAA Fellowship Program in Africa and Southeast Asia,"ISAAA Briefs No.15 ,ISAAA: Ithaca, NY, 2000; 5 André de Kathen,op cit.

 

Des pommes de terre aux brevets en Egypte

La recherche sur les plantes génétiquement modifiées est menée en Egypte par L'Institut de Recherche Agricole en Génie Génétique (AGERI) qui a été fondé grâce aux financements de l'USAID et du Programme des Nations Unies pour le Développement. Les essais en champs de l'AGERI sur les courges, les pommes de terre et les tomates GM ont ouvert la voie aux réglementations concernant la bio-sécurité du pays et ses projets de modification génétique ont aussi influencé la loi nationale sur les droits de propriété intellectuelle.

1- Désormais, dans un projet de recherche en partenariat avec Monsanto, le directeur de l'AGERI déclare : " Nous ouvrons la voie pour l'autorisation du coton transgénique en Egypte. "

2- En 1997, l'AGERI a entamé un programme sur trois ans avec Pioneer Hi-Bred sur le maïs Bt. Avec le soutien de l'USAID, l'AGERI a déposé une demande de brevet aux Etats-Unis, pour une lignée / variété récoltée dans le cadre du projet, mais les termes de l'accord donnent à Pioneer une option pour une licence d'exclusivité sur le gène breveté ou sur tout autre gène identifié pendant la durée du programme.

3- Bien que les bénéfices pour l'Egypte et en particulier pour ses agriculteurs soient loin d'être évidents, le brevet déposé par AGERI et son alliance avec Pioneer sont capables de peser sur la politique égyptienne en matière de droits de propriété intellectuelle. D'après l'AGERI, " Etant donné que l'Egypte est en train de vivre une transformation majeure de son agriculture, dans laquelle le secteur privé jouera un rôle essentiel, le gouvernement modifie actuellement la loi existante sur les brevets. Avec ce nouveau projet de loi, l'agriculture, les produits de première nécessité, les médicaments, les composés pharmaceutiques, les espèces végétales et animales, et les produits et organismes microbiologiques sont inclus dans les produits pouvant être brevetés … Une nouvelle loi comme celle-là, étendue à la propriété intellectuelle, aiderait l'Egypte à acquérir plus facilement une technologie et à entrer dans des alliances scientifiques stratégiques plus efficaces qui l'aideront à développer de nouvelles technologies et à renforcer les capacités de la recherche locale. " 4

1 André de Kathen,op cit ;
2 "Egypt researches biotech crops,sees income,"Reuters ,16 March, 2001
3 AGERI website:http://www.ageri.sci.eg/topic9/agpio.htm;
4 AGERI website: http://www.ageri.sci.eg/topic7/iprstat.htm

4 -Se fier aux experts

La situation est préoccupante dans de nombreux pays d'Afrique, où des cultures GM sont déjà en champs ou sur le point de l'être.
Ces variétés ne sont pas expérimentées en champs depuis longtemps et n'ont pas été soumises à des études indépendantes approfondies en ce qui concerne leurs conséquences sur la santé. Les risques présentés par les cultures génétiquement modifiées sont proches de ceux présentés par les pesticides, et les communautés rurales du Sud, une fois de plus, sont les plus exposées. Dans le cas des pesticides, un certain nombre ont été introduits dans les pays du Nord pour être ensuite limités ou retirés quand leurs effets sur la santé et l'environnement ont été connus, mais ils continuent à être largement utilisés en Afrique et dans d'autres pays du Sud. En 1996, 43 millions de kilos de pesticides interdits ou à usage limité ont été exportés des Etats-Unis, pour la plupart vers des pays en développement. 20

Avec les cultures génétiquement modifiées, de tels risques existent, mais cette fois-ci, il sera impossible de retirer le produit au cas où des effets nocifs seraient découverts après la mise en culture car les gènes modifiés peuvent se répandre très vite par la pollinisation croisée et la reproduction. Et, une fois de plus, les petits agriculteurs africains seront les premiers à en souffrir. Selon le réseau d'ONG Agriculture paysanne et modernisation-Afrique, : " Les agriculteurs sont les premiers à être affectés [par les plantes génétiquement modifiées]. Comme ce sont eux qui sèment et qui récoltent, ce sont eux qui se trouvent au premier rang de la chaîne alimentaire. " 21

" Les questions écologiques ne sont même pas abordées. Il est même illégal d'en faire mention. " Sally McCammon, conseillère scientifique au Département américain de l'Agriculture.

Le génie génétique a généré toutes sortes d'imprévus que les chercheurs et les décideurs politiques n'avaient pas envisagés. Chaque plante génétiquement modifiée est le résultat d'un transfert de gènes provenant en général de deux ou plusieurs espèces vers les cellules d'une autre espèce afin de créer un nouvel organisme génétiquement modifié. Les chercheurs prélèvent un gène qu'ils pensent responsable d'un caractère spécifique dans un organisme et l'insèrent dans un autre organisme, où ils espèrent que le caractère en question sera reproduit. Par exemple, avec le maïs génétiquement modifié Bt, les gènes rendant le microbe du sol Bacillus thuringiensis toxique pour certains nuisibles sont insérés dans les cellules d'un plant de maïs afin de développer un maïs toxique pour les ravageurs. Le transfert de gènes peut entraîner des conséquences involontaires car il est impossible de prévoir exactement comment le gène inséré se comportera dans le nouvel organisme.22 Pour citer un exemple : des études ont montré que certaines plantes sont beaucoup plus pollinisatrices (c'est à dire que la pollinisation croisée se fait beaucoup plus facilement) quand elles ont été manipulées génétiquement, mais les chercheurs ne peuvent pas l'expliquer. 23Mais de telles transformations ne sont pas prises en compte dans la réglementation sur les plantes cultivées. Comme le fait remarquer Sally McCammon, conseillère scientifique au Département américain de l'Agriculture : " Les questions écologiques ne sont même pas abordées. Il est même illégal d'en faire mention."24

Il est indispensable que les risques et les bénéfices soient soigneusement envisagés et que ceux qui se trouvent être les plus nombreux à y perdre - les agriculteurs - soient impliqués de manière active dans le processus de prise de décision. De plus, les cultures génétiquement modifiées entraînent avec elles des risques socio-économiques potentiels, de même que les brevets et les processus biologiques avec lesquels les compagnies parviennent à contrôler les ressources alimentaires. Cela a un impact profond sur l'agriculture et devrait être pris en compte dans l'évaluation des risques et des bénéfices.

Etant donné le risque évident inhérent aux cultures génétiquement modifiées, leur diffusion devrait être envisagée avec beaucoup de prudence, or ce n'est pratiquement jamais le cas. Le principe de précaution est inclus dans les directives concernant la bio-sécurité du Comité National de Bio-sécurité25 des Philippines, l'un des premiers pays en développement à avoir formulé ses propres directives en matière de bio-sécurité. Les organisations de la société civile se sont impliquées dans la rédaction de ces directives et leur présence se reflète dans l'importance accordé au principe de précaution et la demande pour que des alternatives soient envisagées. Une telle démarche serait nécessaire en Afrique. Mais jusqu'à présent, les processus en matière de bio-sécurité ont eu des difficultés à trouver une assise transparente, globale et efficace.

" Le " processus de consultation public " a consisté en une série d'appels téléphoniques sans préparation avec quelques questions aux acteurs des biotechnologies. "

Le problème commence avec l'absence totale d'informations concernant les cultures génétiquement modifiées. En Zambie, les services de diffusion et le système éducatif manquent de compétences et de personnel formé pour informer les agriculteurs sur les OGM ; il n'y a pas de cours sur les biotechnologies dans les universités et les journalistes ont peu accès à une information fiable. Comme le fait remarquer un chercheur zambien, " Cela a créé une situation dans laquelle l'ensemble du secteur agricole se trouve recevoir des mauvaises informations mises en circulation par ceux qui possèdent un " agenda de poche ", ce qui veut dire là-bas " ceux qui ont des intérêts personnels et cachés "26. En Afrique du Sud, la loi sur les OGM a été finalisée en 1999 sans consultation publique. Deux ans plus tard, la Stratégie nationale sur les biotechnologies a été annoncée sans consulter ni les ONG, ni les agriculteurs, ni les syndicats, ni les chercheurs du secteur social. Selon Biowatch Afrique du Sud ; " Le " processus de consultation public " a consisté en une série d'appels téléphoniques sans préparation avec quelques questions aux acteurs des biotechnologies. "27 Les communautés les plus défavorisées ont le plus grand mal à avoir accès aux informations et à ceux qui ont le pouvoir de décision, car leur absence de moyens et les obstacles bureaucratiques rendent cette tache pratiquement impossible. 28

Ce déficit d'information va de pair avec l'entente croissante entre les gouvernements et les lobbies de l'industrie des semences. En guise d'information, le public reçoit des campagnes de propagande, non seulement ouvertement de la part de groupes comme le groupe américain ISAAA (Service international pour l'acquisition des procédés agricoles et biotechnologiques), au Kenya, ou Africa Bio en Afrique du Sud mais aussi de la part des ministères et des instituts gouvernementaux. Malgré tout, de véritables efforts sont faits dans de nombreux pays d'Afrique pour établir des réglementations efficaces en matière de bio-sécurité. Ce n'est pas une mince affaire étant donné que la plupart des pays africains disposent de très peu de moyens nécessaires pour réglementer les cultures génétiquement modifiées de manière efficace. Les multinationales des semences ont à l'occasion profité de ce contexte pour éviter toute vérification réglementaire. Au Zimbabwe, Monsanto a opéré ses essais en champs de coton génétiquement modifié avant que les réglementations nationales ne soient appliquées sans en avertir les autorités. Lorsque le gouvernement s'en est rendu compte, les cultures ont été rapidement détruites. Mais, même avec des réglementations, le gouvernement n'est pas en mesure de garantir la sécurité. Selon un membre du Bureau de bio-sécurité du Zimbabwe, une demande d'autorisation de Monsanto pour la diffusion d'une culture Bt était longue de plus de 1000 pages.

Le protocole pour la bio-sécurité de la Convention sur la biodiversité adoptée en janvier 2000, était censé aider à résoudre quelques unes de ces difficultés relatives à la bio-sécurité. Le protocole a créé un mécanisme de financement pour mettre en place les moyens nécessaires à la bio-sécurité au niveau national dans les pays en développement, et a établi un accord nécessitant une information préalable qui oblige les parties exportant des semences génétiquement modifiées destinées à une utilisation agricole à donner aux pays importateurs une notification écrite. Cependant, il n'y a aucune obligation pour les parties exportatrices en ce qui concerne les plantes génétiquement modifiées destinées à la transformation ou à la consommation directe par les hommes ou les animaux. Cela laisse les pays africains sans aucun contrôle sur les plantes génétiquement modifiées entrant dans leurs pays, en particulier quand ces produits proviennent de l'aide alimentaire des Etats-Unis ou d'autres pays exportateurs cherchant à se défaire d'un surplus de production que l'Europe ou le Japon ne veulent pas accepter. Comme le président du Kenya l'a récemment dit au sujet de l'aide alimentaire américaine entrant dans son pays : " Nous avons confiance. Si cette nourriture est bonne pour les Américains, elle est bonne pour nos populations affamées " 29.

Cette situation rend la bio-sécurité africaine vulnérable face aux intérêts de toute une série de groupes. Les plus actifs sont les industries des semences, qui font pression sur les pays africains pour qu'ils harmonisent leurs réglementations en matière de bio-sécurité avec les Etats-Unis. Mark Condon, de l'Association américaine de l'industrie des semences, s'est récemment adressé à une réunion de représentants de l'industrie des semences et de membres des gouvernements en Afrique : " Si nous voulons réussir à nourrir une population de plus en plus importante dans le monde, les semences et les biotechnologies ont besoin (sic) de circuler librement dans les régions et dans le monde sans être gênées par des réglementations nationales restrictives. "30 La Banque mondiale aide l'industrie des semences à bien s'en sortir dans ce domaine. Dans ses directives pour la politique des semences pour l'Afrique, la Banque mondiale affirme que les gouvernements qui reçoivent des financements de sa part " travaillent avec les organisations internationales à établir des lois et des réglementations qui permettent : a) la vente des produits issus des plantes génétiquement modifiées ; b) les essais de plantes transgéniques ; c) l'introduction des plantes transgéniques ; et d) les brevets sur les gènes. " Les représentants de la Banque mondiale rencontrent régulièrement les multinationales des semences pour vérifier si ces compagnies rencontrent des problèmes pour introduire les variétés transgéniques Si il y a des problèmes, " il est raisonnable de supprimer les financements à la recherche publique jusqu'à ce que les gouvernements autorisent le transfert des biotechnologies privées, ce qui prouve leur adhésion aux technologies agricoles modernes. " 31

Un autre acteur clé est l' " industrie " de la bio-sécurité, qui a émergé et est en train de vouloir convaincre les gouvernements d'essayer de retourner leur situation vulnérable à leur avantage. Certains consultants en bio-sécurité exhortent les gouvernements à se tourner vers l'industrie des semences pour bénéficier des fonds qui couvriraient les coûts. Par exemple, John Mugabe, du Centre africain pour les études technologiques déclare que " Les pays africains pourraient construire leurs compétences par des alliances stratégiques entre leurs organismes publics de recherche-développement en biotechnologie et les firmes privées de pointe comme Monsanto. Ces alliances se formeraient autour de projets communs de recherche-développement en biotechnologie, où l'accent serait nécessairement mis sur les aspects scientifiques et techniques de l'évaluation et de la gestion des risques. "32 Au Zimbabwe, une ONG a une approche très différente. Cette approche s'efforce de faire en sorte que les décisions en matière de bio-sécurité soient prises par les communautés agricoles concernées.

 

Une approche locale de la bio-sécurité au Zimbabwe :

Le Zimbabwe est un pays-cible pour les multinationales des semences en ce qui concerne le coton et le maïs génétiquement modifiés. Des demandes d'autorisation sont actuellement en cours pour le coton Bt et le maïs Bt - deux cultures importantes pour les petits agriculteurs.

Le Groupe Intermédiaire de Développement Technologique (ITDG), une ONG active au Zimbabwe, a mis au point une " méthode d'évaluation de l'impact des organismes issus du génie génétique sur les modes de vie des populations démunies. " Cette méthode aide les communautés à évaluer les technologies en les comparant avec les méthodes d'agriculture durable. L'exercice comprend six étapes :

Etape n°1 :

Introduction du programme, avec des débats en groupes sur les systèmes agricoles (les forces de la communauté et l'évaluation de tout ce qui concerne la production animale et végétale).

Etape n°2 :

Présentation au groupe de l'information sur les OGM et sur l'agriculture durable.

Etape n°3 :

Réactions des agriculteurs, questions et éclaircissements au sujet des technologies.

Etape n°4 :

Evaluation de la technologie selon un cadre de moyens d'existence durables.

Etape n°5 :

Evaluation générale par les agriculteurs.

Etape n°6 :

Points de vue en retour sur l'approche donnée à la communication et sur le processus.

Lors d'une formation de ce type, les agriculteurs qui y participaient ont débattu des exigences de fertilité, de la résistance aux charançons, et des conséquences sur l'environnement. Ils voulaient savoir si la toxine qui tue les ravageurs foreurs de tige du maïs ne les affecterait pas eux aussi à long terme, en consommant les tiges et les épis ou en mangeant les animaux nourris avec les tiges de maïs Bt. Les agriculteurs voulaient savoir comment les plantes Bt pouvaient affecter la composition des sols, comment la résistance aux ravageurs pouvait se développer, et comment seraient fixés les prix des semences Bt. Ils étaient aussi préoccupés par les questions de santé, de religion et de relations de pouvoir. Les participants ont exprimé un sentiment général d'impuissance face aux campagnes de l'agro-business, et le manque de services gouvernementaux. L'un des agriculteurs a fait remarquer que " Les compagnies peuvent nous donner ou nous vendre à bas prix des semences pendant un moment, mais ensuite les subventions peuvent être arrêtées et nous aurons perdu toutes les variétés que nous avions l'habitude d'utiliser. " Un autre agriculteur a fait part des difficultés de contrôle des variétés génétiquement modifiées, " Nous pouvons parler avec nos voisins pour essayer de réduire la contamination en maintenant les variétés de maïs séparées les unes des autres… mais sans arrêtés municipaux, la communauté ne peut prendre aucune décision pour exclure ces variétés ".1

1 Jessamijn Miedema, " Discussing genetic engineering with communal farmers in Zimbabwe , " in Michel Pimbert, Tom Wakeford and PV Satheesh, Citizen's Juries on GMOs and Farming Futures in India : http://www.ids.ac.uk/ids/env/GMOsIndia.pdf

Le coton Bt et la biosécurité :

" Ceux qui pensent qu'ils ne peuvent pas résister à l' 'attraction fatale' opérée par les OGM seraient sages de se rappeler le vieil adage zambien qui dit : " Si vous voulez vous assurer de la profondeur de l'eau, n'y mettez pas vos deux jambes "33

Le coton Bt de Monsanto (ou coton Bollgard) a été la première culture génétiquement modifiée commercialisée en Afrique sub-saharienne et cette expérience est très révélatrice des problèmes de bio-sécurité sur le continent. Actuellement, toute la production de coton Bt officiellement autorisée en Afrique se trouve en Afrique du Sud, où il est planté sur 100 000 hectares par 1530 agriculteurs industriels et par 3000 petits agriculteurs pour la plupart dans la province du Nord, avec quelques-uns au Kwazulu-Natal et dans l'Etat libre d'Orange. Monsanto a aussi planté du coton Bt au Zimbabwe en 1998 sans autorisation, mais la culture a été brûlée avant la floraison dès que les autorités s'en sont rendu compte.33 La compagnie a maintenant déposé une demande d'autorisation officielle pour le coton Bt sous joint-venture avec Quton Seeds, filiale de la Compagnie des semences du Zimbabwe. Monsanto a aussi des demandes d'autorisation en cours au Kenya, où il mène un projet en collaboration avec le KARI pour des essais en champs et une commercialisation éventuelle du coton Bt, et en Ouganda, où la firme travaille avec l'Organisation nationale de recherche agricole Kawanga. Le coton Bt pose des problèmes préoccupants pour l'environnement en Ouganda, étant donné la grande diversité de variétés de coton. Les mêmes préoccupations existent aussi au Zimbabwe et en Afrique du Sud où existent aussi des variétés locales de coton. 34

Le coton Bt n'a pas été autorisé en Zambie mais il y a été néanmoins planté. Une opération dirigée par une compagnie américaine appelée Dunavant a récemment procuré du coton Bt aux agriculteurs participant à ses programmes d'augmentation de la productivité, sans informer la communauté agricole ni les autres intervenants. Le coton Bt a été cultivé pendant une saison pour des essais dans les champs de l'organisation à Magoye dans la ceinture agricole du Sud de la Zambie. Sa culture a été ensuite interrompue, mais les autorités zambiennes estiment qu'il est toujours cultivé dans le pays.35 En dehors de la Zambie, on présume que le coton Bt s'est implanté par des voies non-officielles au Malawi et au Swaziland, où on pense que les semences ont été introduites via la frontière avec l'Afrique du Sud par un agriculteur cultivant le coton et marié avec une femme au Swaziland.

En Afrique du Sud, où le coton Bt est cultivé depuis plusieurs années, le procédé est plus officiel. Monsanto est passé par les voies régulières et il y a même des stratégies de gestion de la résistance qui requièrent que les planteurs laissent en refuge 5% de leurs cultures sans les pulvériser avec les pesticides et 20% en les pulvérisant.36 Les stratégies de gestion de la résistance sont utilisées pour empêcher le développement de la résistance au Bt par le ver de la capsule du coton - ravageur ciblé par le coton Bt. Le problème est qu'aucune réglementation n'est observée, particulièrement dans les zones où les petits agriculteurs ont adopté ces semences. Monsanto affirme que les stratégies de refuge ne sont pas nécessaires car les vers s'attaquant à la capsule du coton sont endémiques dans cette région et qu'il y a un grand nombre de plantes hôtes naturelles tout autour. Monsanto ajoute que la firme est en train de faire sa propre surveillance de résistance au Bt. Si le gouvernement veut un programme de gestion de la résistance, Monsanto déclare que c'est alors au gouvernement de mener les inspections et de faire appliquer les réglementations. C'est ainsi qu'en février 2002, quatre ans après la diffusion de cette culture en Afrique du Sud, la question de la responsabilité n'a toujours pas été résolue. 37

Malgré ces préoccupations concernant la bio-sécurité, le coton Bt se présente comme le fer de lance de l'ouverture des marchés des semences aux plantes génétiquement modifiées dans de nombreux pays d'Afrique. La promotion du coton Bollgard par Monsanto en Afrique se base sur le prétendu succès que son programme de coton Bt aurait rencontré dans les Makhatini Flats, dans la province du KwaZulu-Natal en Afrique du Sud. Selon l'un des petits agriculteurs participant au programme, le coton Bollgard a augmenté sa récolte de 27%, réduit l'apport d'insecticides de 80% et augmenté son revenu de 150$ par hectare. Dans sa commune, 410 petits agriculteurs ont planté le coton Bollgard sur 750 hectares et les gains ont continué à augmenter malgré les redevances élevées demandées par Monsanto pour sa technologie.38 Comment expliquer ce succès apparent ? Tout d'abord, la technologie fonctionne, au moins à court terme, dans la destruction de certains insectes nuisibles et par conséquent réduit l'utilisation de pesticides. Mais, plus important, le coton Bt est mis à disposition par le biais d'un programme de collaboration entre le Ministère de l'Agriculture, la Banque de la Terre d'Afrique du Sud, Monsanto et VUNISA Cotton, une compagnie privée qui s'engage par contrat de production avec les agriculteurs locaux.39 Ces efforts conjoints offrent aux agriculteurs l'accès aux marchés et au crédit pour acquérir les intrants.

Mais ce succès précoce repose sur des bases fragiles. Les agriculteurs qui cultivent le coton Bt ne sont pas les seuls agriculteurs dans la région. La majeure partie de la production du coton Bt est réalisée par les agriculteurs de l'Association des agriculteurs Ubombo, et, conséquence de ce programme, leur influence politique s'est accrue. Récemment, ils ont réussi à pousser le Ministère des Eaux et Forêts à relâcher l'eau d'un barrage des environs plus tôt que prévu car la période de maturation du coton Bollgard avait duré en moyenne deux à quatre semaines de moins que d'habitude. La période normale d'irrigation avait été pourtant établie par le Ministère des Eaux et Forêts au terme de consultations avec les agriculteurs des terres inondables pour être compatible avec les besoins de leurs cultures de subsistance, principalement le maïs et les haricots. Lorsque l'eau a été relâchée plus tôt, ces agriculteurs ont perdu leurs cultures.40 Le succès rencontré par les agriculteurs du coton Bt ne se traduit donc pas forcément par une réussite pour toute la communauté.

Le succès est aussi précaire pour les producteurs de coton eux-mêmes. Le coton est une culture de rente et sa réussite ne se mesure pas seulement en termes de productivité mais aussi en termes de prix sur le marché. L'Afrique du Sud, qui a démantelé son Bureau du Coton en 1997 et qui est sur le point de libéraliser son marché du coton, importe plus de la moitié de son coton. Cela rend le pays extrêmement vulnérable aux fluctuations du marché. Par exemple, en l'an 2000, la production la plus importante que la Chine ait eue en dix ans a inondé le marché mondial et, même si d'autres régions ont eu des productions misérables, les prix ont sérieusement chuté au niveau mondial.41 Le succès supposé des petits producteurs de coton de Makhatini reste dépendant des prix garantis sur le marché, des crédits privilégiés dont ils peuvent disposer, et du soutien des infrastructures, tout comme de la régulation des lâchers d'eau d'un barrage.42 Si ce soutien disparaît quand les prix du coton chutent, les pertes seront sévères pour les agriculteurs. Même le chercheur qui s'occupe du coton à Monsanto en Afrique du Sud se demande comment les petits agriculteurs pourront faire face à la situation avec la libéralisation du marché du coton. 43

Un autre problème est la dépendance que le programme du coton Bt encourage. Le coton Bt a été adopté par les agriculteurs en partie parce qu'il les soulageait à court terme des contraintes d'un système ayant sérieusement besoin d'être réformé. La plupart des communautés rurales en Afrique du Sud n'ont pas accès aux terres productives et ceux qui y ont accès sont limités par le manque de main-d'œuvre car les hommes migrent constamment pour trouver du travail. Le travail de la terre est laissé aux femmes, qui ne peuvent s'en occuper qu'à temps partiel, et elles ont peu de ressources pour accéder et contrôler les moyens nécessaires pour mener à bien des pratiques de gestion agricole efficaces. Dans ces conditions, le coton Bt est adopté parce que la semence contient en elle-même la technologie. Selon les termes d'un représentant de Monsanto, " les bénéfices générés par le coton Bt sont inversement proportionnels au niveau de gestion dont les agriculteurs sont capables "44 Dans les Makhatini Flats, la technologie Bt s'est avérée si populaire pendant la saison de mise en culture 2000-2001 que presque 95% des petits agriculteurs ont prévu d'adopter cette variété de coton Bt pour la saison suivante.45 55 à 60 % de tout le coton vendu en Afrique du Sud est déjà du coton Bt.46 Ce qui laisse présager un désastre.

En Chine, où le coton Bt de Monsanto a aussi été très rapidement introduit, un intervenant de la Conférence pour la protection des marchés des plantes cultivées en Asie, à la fin de l'an 2000, a fait part de son inquiétude concernant la confiance croissante dans le coton Bt en Chine et a fait observer que cela devenait " incontrôlable. " S'exprimant à partir de son expérience personnelle, il a enjoint les agriculteurs de rester vigilants à cause des problèmes liés au coton Bt. Par exemple, il est plus vulnérable que le coton traditionnel au flétrissement provoqué par la maladie fongique de la fusariose.47 Comment les petits agriculteurs d'Afrique du Sud pourront-ils faire face à une maladie ou à des ravageurs rendus résistants par la présence du coton Bt et se répandant rapidement de ferme en ferme ? Aucune variété ne peut rester résistante à toutes les maladies et nuisibles, particulièrement quand elle est largement répandue dans une région entière. Par l'adoption rapide du coton Bt, l'Afrique du Sud s'expose à plus ou moins long terme à ce qu'une épidémie la frappe, provoquant la perte des cultures et l'augmentation des pesticides.

Le coton Bt peut apporter un certain répit à court terme pour les petits agriculteurs, mais à terme, il menace de rendre les choses bien pires. Plutôt qu'une technologie déterminée, les petits agriculteurs d'Afrique du Sud et d'autres pays africains ont besoin d'être soutenus par des stratégies de développement rural qui donnent aux communautés agricoles le contrôle sur leurs propres ressources et établissent des structures de partage des connaissances et des techniques au niveau local. Les agriculteurs doivent pouvoir choisir d'éviter d'entrer dans un cycle d'endettement et de dépendance. Le coton Bt, cependant, encourage les agriculteurs à pratiquer un système de 'culture-normalisée' en utilisant des fertilisants chimiques et des pesticides tout en plantant une seule variété de semence qui n'a pas été sélectionnée pour son adaptation aux conditions locales et pour laquelle l'utilisation de pesticides est une condition préalable. A court terme, le recours aux pesticides peut être réduit, mais la dépendance agronomique et économique reste. Des stratégies alternatives ont prouvé leur efficacité. Ces stratégies reposent plus largement sur les intrants disponibles au niveau local, et fournissent aux agriculteurs les moyens d'analyser ce qui se passe dans leurs champs, d'adopter des stratégies pouvant apporter des changements appropriés dans leurs pratiques, de comprendre quand les ravageurs mettent en danger leur économie, et de prendre les mesures préventives pour améliorer les sols par l'apport de matières organiques.48 Les agriculteurs impliqués dans des programmes de coton biologique au Sénégal et en Tanzanie par exemple ont produit des récoltes équivalentes à celles obtenues dans la production conventionnelle sans recours à des intrants coûteux.49 Mais, pour accomplir ce passage à une agriculture durable, les communautés agricoles ont besoin des conditions socio-économiques leur permettant de gérer leurs cultures de manière efficace. La solution est en définitive politique, et non technologique.

Propos tenus par quelques partisans des OGM en Afrique :

Florence Wambugu, Directrice du Bureau International Africain de délivrance des autorisations pour les biotechnologies : " Les agriculteurs et les populations affamées d'Afrique ont besoin de cette technologie. "1

James Schroeder, Sous-secrétaire d'Etat au Ministère américain de l'Agriculture : " Le Ministère américain de l'Agriculture s'engage dans une stratégie à long terme pour soutenir la recherche et l'assistance technologique visant à améliorer la production et la sécurité alimentaires en Afrique. Les biotechnologies ont un rôle à jouer dans cette stratégie. " 2

John Mugabe, du Centre Africain pour les Etudes Technologiques : " L'économie nationale et la compétitivité industrielle sont désormais dépendantes de la capacité d'un pays à développer, mettre en pratique et commercialiser les biotechnologies de manière efficace. " 3

Per Pinstrup-Anderson, Directeur Général de l'Institut Américain de Recherches en matière de politiques alimentaires : " Ce qui m'ennuie réellement beaucoup, c'est l'opposition croissante, particulièrement en Europe, à l'utilisation des biotechnologies pour l'agriculture… Je ne veux pas faire du mélodrame, mais il y a tout de même plusieurs centaines de millions de personnes affamées dans le monde. " 4

1 Florence Wambugu, " Protestors don't grasp Africa's needs ", Los Angeles Times; November 11, 2001,
2 Agbiotech Reporter, December 2000;
3 John Mugabe, op.cit; 4 Charles Mann, op. cit.

5 -Pas d'autre alternative ?

L'enthousiasme et l'excitation exprimée par certains chercheurs et certains décideurs politiques à propos des OGM est difficile à comprendre. Par rapport à tout l'argent, la recherche et la publicité consacrés à leur développement, les cultures génétiquement modifiées génèrent relativement peu de bénéfices. Le "Biotechnology Trust" du Zimbabwe (BTZ) par exemple, a été établi au départ pour identifier les problèmes que les petits agriculteurs susceptibles d'être intéressés par les biotechnologies pourraient rencontrer. Il a demandé à des chercheurs d'aller sur le terrain pour parler avec les petits agriculteurs, identifier les problèmes les plus urgents et faire remonter les propositions pour la recherche en biotechnologie. Mais aucun des chercheurs n'a pu tirer de conclusion concernant les applications du génie génétique car toutes les propositions concernaient la recherche-développement pour les plantes non-transgéniques. En conséquence, le BTZ a dû revoir sa définition de la biotechnologie pour y inclure les cultures non génétiquement modifiées.
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" La plupart, sinon toutes les cultures génétiquement modifiées développées pour l'agriculture africaine ne répondent pas aux besoins des petits agriculteurs. "

La plupart, sinon toutes les cultures génétiquement modifiées développées pour l'agriculture africaine ne répondent pas aux besoins des petits agriculteurs. Les chercheurs du Zimbabwe sont par exemple en train de mettre au point une variété de niébé génétiquement modifiée résistante à l'herbicide atrazine. L'idée est de rendre cette plante plus utilisable pour un plus grand nombre de gros agriculteurs pratiquant l'agriculture commerciale du maïs et répandant de l'atrazine afin qu'ils puissent planter le niébé en rotation.51 La patate douce génétiquement modifiée, qui est développée par Monsanto et KARI au Kenya, est présentée comme pouvant servir d'exemple sûr de culture génétiquement modifiée développée en particulier pour les petits agriculteurs. Mais, comme le démontre l'étude de cas ci-dessous, la patate douce génétiquement modifiée a coûté énormément de ressources pour une technologie qui apportera peu de choses aux petits agriculteurs, et qui au contraire créera de nouveaux risques.

Ce n'est pas tout. La pression exercée pour la culture des plantes génétiquement modifiées fait partie de la tendance vers la privatisation de la recherche-développement en agriculture, un phénomène observé depuis quelques temps dans d'autres régions du monde et qui est en train de gagner l'Afrique. La culture des plantes génétiquement modifiées introduit toute une série d'éléments nouveaux dans la recherche-développement en agriculture, notamment les brevets qui ont accru les contrôles des multinationales sur la recherche publique et sur la fourniture de semences au niveau mondial. Grâce aux brevets qu'elles détiennent sur les cultures génétiquement modifiées, les compagnies peuvent interdire aux agriculteurs de conserver des semences d'une année sur l'autre. Une fois qu'un agriculteur a choisi de cultiver des plantes génétiquement modifiées, il lui est très difficile de revenir sur son choix, en particulier face aux campagnes agressives de marketing et de ventes opérées par les compagnies et au soutien largement répandu que les institutions gouvernementales accordent à ces cultures.52 Ce sont les multinationales, et non les agriculteurs, qui auront la capacité de décider quelles plantes doivent être cultivées et comment. L'exemple du maïs Bt nous éclaire sur les conséquences générées par la collaboration croissante entre la recherche publique et la recherche privée avec le développement des cultures génétiquement modifiées.

Des patates plus douces sans biotechnologie

La patate douce est une culture majeure pour l'agriculture familiale partout en Afrique. Elle est considérée comme une culture pouvant assurer une importante ressource alimentaire, des revenus et de la nourriture pour le bétail. Il y a très peu de production de la patate douce à des fins commerciales en Afrique, et elle est en général cultivée selon des procédés agricoles durables, sans apports de produits chimiques. La recherche, publique et privée, s'est peu intéressé à la patate douce, malgré l'importance qu'elle représente pour les populations rurales pauvres en Afrique. Néanmoins, les agriculteurs ont eux-mêmes développé de nombreuses variétés de patates douces et ont très bien réussi à gérer les ravageurs et les maladies.

La maladie peut présenter un problème dans certaines conditions. La maladie virale de la patate douce (SPVD) est sans doute la maladie la plus grave pouvant affecter la production de patate douce. Elle se produit par l'interaction de deux autres maladies, causées par le virus 'feathery mottle' (plumeux tacheté) (SPFMV) et le virus 'chlorotic stunt' (chlorotique arrêtant la croissance) (SPCSV) de la patate douce, aucun d'entre eux ne présentant de problème en eux-mêmes.

En 1991, Monsanto et KARI ont entamé un programme en collaboration pour développer une variété de patate douce résistante au SPFMV. Dans le cadre de ce programme, les chercheurs de KARI ont travaillé avec les chercheurs de Monsanto dans les laboratoires de ces derniers aux Etats-Unis pour transformer la patate douce en lui ajoutant un gène viral de protéine la protégeant et lui conférant une résistance au SPFMV. Alors que ce gène viral de protéine de la capsule est breveté par le Centre International de la patate douce (CIP) et l'Institut Scripps aux Etats-Unis, la construction génétique incorpore des gènes marqueurs et promoteurs brevetés par Monsanto. Les organismes impliqués ont accordé à KARI l'autorisation de l'utiliser sans avoir à payer les taxes requises. Aujourd'hui, une variété de patate douce a été génétiquement transformée et la première saison d'essais en champs a débuté au Kenya.

Les partisans de cette technologie affirment que la patate douce génétiquement modifiée va " jouer un rôle crucial dans la lutte contre la faim "53 , mais une observation plus précise révèle quelques problèmes et amène à penser que le KARI pourrait se tourner vers des solutions différentes qui conviendraient mieux aux petits agriculteurs du Kenya.

Tout d'abord, cette technologie soulève un certain nombre de questions concernant la biosécurité. Les chercheurs qui ont étudié la variété de papaye modifiée avec un transgène similaire admettent que ce procédé " peut aboutir au mélange avec l'ADN d'autres virus qui infectent la papaye génétiquement modifiée, pouvant entraîner la création de nouveaux virus, potentiellement plus virulents. "54 De tels risques sont particulièrement problématiques pour la production de patate douce en Afrique, car les nouvelles variétés " se répandent rapidement à travers les échanges informels que les agriculteurs pratiquent entre eux en se donnant des boutures. "55 Une fois que le patate douce GM sera introduite, il sera impossible de contrôler son utilisation et de la supprimer si plus tard elle s'avère dangereuse. De plus, la patate douce a des parents sauvages partout en Afrique, et le transgène pourrait passer à ces variétés par la pollinisation croisée. 56

Ensuite, il y a des raisons de croire que cette résistance à la maladie ne sera pas efficace. La patate douce GM sera toujours sensible à un faible degré à l'infection par le SPFMV et ce virus pourrait toujours interagir avec le virus SPCSV pour former le virus SPVD. D'autres risques proviennent de ce qu'on appelle la 'synergie', par laquelle la seule présence du virus génétiquement modifié dans l'ADN de la plante la rend plus sensible qu'elle ne le serait habituellement aux autres virus pouvant infecter la plante.57 De plus, étant donné que la modification génétique de la patate douce est basée sur la transformation d'un seul gène résistant, la résistance pourrait être facilement contournée si cette variété n'est pas plantée à proximité de variétés n'exprimant pas les transgènes. A Hawaï, l'utilisation très répandue des papayes GM résistantes aux maladies a créé une considérable pression virale et on observe déjà des signes prouvant que cette papaye est " moins résistante aux maladies que cela avait été annoncé. " 58

Enfin, il existe des méthodes alternatives plus appropriées et moins coûteuses pouvant accroître la production de patates douces. Les agriculteurs contrôlent les maladies en plantant 4 à 5 variétés différentes dans une plantation normale et sélectionnent des boutures saines pour l'année suivante. Par cette sélection et de constants échanges, les agriculteurs ont développé une grande diversité de variétés de patates douces très résistantes aux maladies, dont beaucoup n'ont pas été encore répertoriées par la recherche publique. En fait, ce sont les variétés clonées à fort rendement développées par le secteur formel qui sont les plus sensibles aux maladies.59 Afin d'éviter les risques inhérents aux technologies du génie génétique et à ses coûts très élevés, le KARI aurait pu se tourner vers des approches alternatives soutenant les stratégies de sélection des agriculteurs et les aidant à maintenir la diversité sur place.

Le BTZ du Zimbawe a adopté cette démarche. Il a lancé un programme de micro-diffusion de la patate douce en collaboration avec les agriculteurs sélectionneurs. La première année du programme, le BTZ a réuni 101 variétés différentes issues des champs des agriculteurs et a mené pendant une période des essais sur 27 variétés dans des lieux différents. Il a été demandé aux agriculteurs de classer les variétés selon différents critères et les 19 meilleures variétés ont été sélectionnées pour être multipliées dans une pépinière principale et ensuite dans plusieurs autres pépinières. Ce programme soutient les stratégies de sélection des agriculteurs en leur permettant d'avoir accès à d'autres variétés provenant d'autres communautés et de les évaluer eux-mêmes. D'autres projets ont été montés avec des agriculteurs pour améliorer les pratiques d'agriculture durable comme le projet éthiopien " Freedom from Hunger ", qui a permis d'augmenter les récoltes de patate douce dans les petites exploitations de 6 à 35 tonnes par hectare, avec 2300 agriculteurs travaillant sur 2150 hectares.60

Malheureusement, le KARI et ses partenaires n'ont pas envisagé ces risques, ces limites et ces alternatives pour prendre la décision de poursuivre le projet. Selon un rapport établi par les développeurs : " Dans les analyses effectuées en vue de décider si un projet doit être ou non réalisé, l'incertitude concernant la réussite du projet est habituellement calculée à l'aide des fonctions de probabilité. Dans notre cas, toutefois, le projet de recherche est déjà en route. " 61

Le maïs Bt : de grosses multinationales travaillant pour de gros agriculteurs ?

Le maïs en Afrique est la seconde culture alimentaire la plus importante et il pousse partout sur le continent dans des conditions écologiques très diverses. Les petits et les moyens agriculteurs possédant moins de 10 hectares sont en Afrique les principaux producteurs de maïs, fournissant 95% de la production totale. 62 Ils ont à subir un certain nombre de contraintes environnementales, comme la sécheresse et la fertilité des sols, mais aussi les ravageurs qui peuvent causer des problèmes importants. Les foreurs de tige des céréales, ou larves de papillons (Busseola fusca, Sesamia calmistis, Eldana saccharina, Chilo archalociliellus et Chilo partellus), peuvent provoquer la perte de 20 à 40% de la récolte potentielle de maïs. De plus, ces ravageurs sont très difficiles à éradiquer car les œufs et les larves sont cachés très profondément à l'intérieur des tiges.

Les vers-foreurs sont les principaux ravageurs dans presque toutes les zones où le maïs est cultivé. Etant donné l'importance du maïs dans l'agriculture commerciale, il n'est donc pas surprenant que les vers-foreurs aient été une des cibles principales de l'industrie agronomique. Pour traiter le problème ces dernières années, l'industrie s'est tournée presque exclusivement vers le génie génétique, et vers l'introduction du gène Bt en particulier. Et le maïs Bt a été planté sur 5.9 millions d'hectares en l'an 2000.63 A travers le monde, le maïs Bt est contrôlé par les énormes multinationales de semences par le biais des brevets sur les technologies le concernant et tout le maïs Bt planté dans le monde est vendu par les principales multinationales de semences. En Afrique, Monsanto, Pioneer Hi-Bred et Pannar ont commercialisé le maïs Bt en Afrique du Sud, où il a été planté sur 50 000 hectares en 1999. 64

Le maïs Bt vendu par les multinationales des semences n'est pas destiné aux petits agriculteurs. Les variétés disponibles en Afrique du Sud ont été introduites seulement pour les exploitations commerciales. Avec le coton Bt, les petits agriculteurs ont bien tiré parti des canaux du marketing qui leur ont permis de profiter des surplus et il leur est concevable de payer pour les droits d'utilisation de la technologie pour le caractère génétiquement modifié. Andrew Bennett de Monsanto admet que cela n'est pas le cas pour les petits agriculteurs cultivant le maïs, qui pratiquent principalement une agriculture de subsistance et accèdent peu aux marchés : " Sans un bon marché pour écouler les surplus de production du maïs, cela n'aurait aucun sens d'introduire les cultures issues des biotechnologies. " Pioneer Hi-Bred lance un programme de maïs Bt pour les petits agriculteurs dans l'Est du Cap, mais la compagnie n'a pas de programme de sélection spécifique pour cette région. D'après le directeur de Pionner Afrique du Sud, la compagnie a introduit le maïs hybride Bt " pour des raisons philanthropiques ", faisant partie du plan s'efforçant de réduire le taux élevé de cancers de l'œsophage dans la région qui d'après eux serait lié à la contamination du maïs par le foreur de tiges.

L'absence de recherche sur le maïs pour les petits agriculteurs ne se limite pas à l'Afrique du Sud ou au maïs génétiquement modifié. A la fois le secteur privé et le secteur public ont fourni un travail dérisoire pour produire des variétés hybrides convenant à l'agriculture à petite échelle. En 1993, Rashid Hassan du Centre International pour le maïs et le blé (CIMMYT) a indiqué à ses collègues chercheurs que seules deux nouvelles variétés de maïs avaient été produites au cours des trente dernières années pour l'environnement d'altitude moyenne du Kenya, où les petits agriculteurs produisent 40% du maïs kenyan. Le KARI n'avait pas produit une seule variété pour cet environnement depuis les années 70. Etant donné que la majeure partie du secteur public de la sélection au Kenya cible les terres à haut potentiel et les grosses exploitations commerciales, les petits paysans, selon Hassan, sont livrés à eux-mêmes face à des " technologies non-appropriées. "65 La situation est similaire partout en Afrique, et il n'est par conséquent pas étonnant que les hybrides ne représentent que 20% du maïs planté sur le continent. 66

" A la fois le secteur privé et le secteur public ont fourni un travail dérisoire pour produire des variétés hybrides convenant à l'agriculture à petite échelle. "

Cette situation ne semble pas décourager le CIMMYT. Avec le soutien de la fondation Novartis, le CIMMYT travaille avec le KARI et l'Institut de recherche en biotechnologie du Zimbabwe pour développer des variétés de maïs Bt pour les petits agriculteurs en Afrique. D'après le directeur général de CIMMYT : " En développant des variétés résistantes au ver-foreur, nous mettons plus de maïs dans le panier de récolte de ces fermiers et de leurs familles qui sont trop pauvres pour pouvoir se payer des pesticides. "67 Mais cette technologie a un certain nombre d'obstacles à franchir avant de représenter un quelconque bénéfice pour les petits agriculteurs dans ces deux pays, où ce sont les marchés qui posent le plus gros problème, et non la technologie. Comme le fait remarquer l'Union Nationale des agriculteurs kenyans, " Le problème principal auquel sont confrontés les agriculteurs au Kenya, c'est le manque de marchés, et le fait que tous les bénéfices potentiels aillent aux intermédiaires " 68

L'un des obstacles importants que les instituts publics ont encore à franchir est celui des droits de propriété intellectuelle associés au projet. Novartis a fait don de sa technologie Bt au projet mais seulement pour des " objectifs de recherche ", et il pourrait y avoir d'autres brevets impliqués et possédés par des acteurs non associés au projet. Actuellement, l'ISAAA a engagé des experts des droits de propriété intellectuelle pour étudier la situation. Le CIMMYT va sans doute faire appel aux institutions privées afin qu'elles fournissent leurs technologies aux petits agriculteurs pour des raisons humanitaires. Mais cela pourrait conduire à des complications. Premièrement, la plupart des pays africains ne reconnaissent pas les brevets sur les plantes et toute exception pour le maïs Bt risque de violer les législations nationales sur les droits de propriété intellectuelle. Deuxièmement, bien que les marchés soient limités, les multinationales des semences s'intéressent aux marchés africains du maïs. Au Zimbabwe par exemple, Monsanto, Pioneer, la Compagnie des semences du Zimbabwe et Pannar ont déposé des demandes pour l'introduction du maïs Bt dans le pays.69

Il existe d'autres moyens de traiter les vers-foreurs et ces moyens éviteraient les complications concernant les marchés, les droits de propriété intellectuelle, les essais en matière de biosécurité, et les énormes dépenses de laboratoire. Les agriculteurs ont développé des pratiques pour réduire la contamination par des techniques de contrôle des cultures, ou par des applications directes d'extrait de 'neem', de marc de pyrethrum, de terre, de cendres ou de piment en poudre sur les plants de maïs infectés.70 Les chercheurs du Centre International sur l'écologie et la physiologie des insectes (ICIPE) ont développé un système " Repousser-Attirer " (Push-Pull system) qui non seulement empêche toute contamination par les foreurs de tige mais qui lutte aussi contre le Striga, une mauvaise herbe qui peut causer des pertes allant de 20 à 80 % de la récolte. Sachant que les vers-foreurs existaient en Afrique de l'Est bien avant que le maïs soit introduit, et que par conséquent l'insecte s'était nourri auparavant avec une autre plante, les chercheurs de l'ICIPE ont identifié les variétés d'herbes dont les foreurs de tige pourraient se nourrir et ils ont demandé aux agriculteurs locaux de sélectionner celles qu'ils préféraient. Ils ont choisi le napier et l'herbe du Soudan pour leur fort potentiel fourrager. Ces herbes sont plantées sur plusieurs rangs à l'extérieur des champs de maïs afin d'attirer les vers-foreurs pendant qu'à l'intérieur des champs les agriculteurs plantent des herbes à mélasse ou du Desmodium à feuilles d'argent, qui repoussent les vers-foreurs par leur odeur. Lors des essais, l'utilisation de l'herbe à mélasse a permis de faire passer les pertes dans la récolte du maïs de 40% à 4.6%. Le Desmodium semble être même mieux équipé pour la culture en association. En tant que légumineuse, il fixe l'azote et enrichit ainsi le sol. Il garde aussi le sol humide, réduit l'érosion et peut être employé comme fourrage. Mais le plus important est que le Desmodium cultivé en association avec le maïs diminue la prolifération du Striga d'un facteur de 40% en comparaison avec la monoculture de maïs. 71

L'ICIPE a développé d'autres moyens de traiter les vers-foreurs non-indigènes. L'espèce la plus agressive de foreur de tige en Afrique est le 'spotted stemborer' (Chilo partellus) qui a été introduit en Afrique à partir de l'Asie du Sud il y a à peu près 70 ans. Les chercheurs de l'ICIPE sont allés dans les centres d'origine de ce parasite et ont découvert que ce ravageur était maîtrisé par plusieurs ennemis naturels. L'un d'entre eux est une petite guêpe, Cotesia flavipes cameron, qui traque la larve de stemborer dans la tige et y dépose ses œufs. Ceux-ci éclosent et dévorent la larve de l'intérieur. Après des essais soigneusement menés, cette guêpe a été lâchée dans trois endroits au Kenya. Elles sont désormais bien installées et elles détruisent non seulement le 'spotted stemborer' mais aussi trois autres variétés de foreur de tige. Les résultats démontrent que la contamination par les foreurs de tige peut être réduite de 53 %. 72

" Avec la méthode " Repousser-Attirer ", nous avons une solution intégrée pour les problèmes posés par le foreur de tige et le Striga. C'est un système qui met en valeur la justice et une agriculture durable. "

Selon Bill Overholt, de l'ICIPE : " Le maïs transgénique pourrait résoudre en partie la question dans un avenir lointain. Mais que faire des autres problèmes ? Ce qui est intéressant avec le système " Repousser-Attirer " c'est qu'il existe déjà et que les agriculteurs l'utilisent. Il a été développé avec les agriculteurs. Avec la méthode " Repousser-Attirer ", nous avons une solution intégrée pour les problèmes posés par le foreur de tige et le Striga. Nous avons du fourrage riche en protéines et un engrais azoté et une bonne protection contre l'érosion des sols. Tout cela dans un seul champs. C'est un système qui met en valeur la justice et une agriculture durable. " 73

Mais du point de vue de l'industrie, ces pratiques qui réjouissent tant Bill Overholt et les agriculteurs en Afrique posent un seul problème : on ne peut pas en tirer d'argent. Et c'est précisément pour cette raison que les firmes (et les chercheurs qui travaillent pour elles) font pression si fortement pour le génie génétique. Avec une législation appropriée et une infrastructure en place, ces firmes peuvent monopoliser et contrôler les gènes, privatiser la biodiversité, et répandre leurs technologies dans des conditions de monoculture à travers une grande partie de l'Afrique. Le gène comme matière première - et le génie génétique comme technologie - servent parfaitement les intérêts des industriels, mais ne répondent pas aux besoins de la grande majorité de la population africaine.

La Révolution Verte, la Révolution génétique … ou la Révolution des agriculteurs. ?

Ce sont les multinationales des pesticides qui sont à l'origine de la pression exercée pour l'introduction du génie génétique dans l'agriculture. Ils pensent que les cultures génétiquement manipulées résoudront certaines contraintes liées aux profits et ouvriront la porte à de nouveaux marchés dont ils espèrent tirer des profits considérables. Ils ont pour cela investi massivement dans les biotechnologies agricoles, achetant les compagnies de semences et assurant le contrôle sur la recherche-développement. La plupart des gouvernements et des institutions de recherche publique en Afrique ne se sont pas opposés à ces développements. Au contraire, ils sont devenus des alliés de cette industrie, la soutenant et souvent dirigeant le mouvement pour la commercialisation des cultures GM.

Les erreurs commises par la Révolution verte se répètent à nouveau. La Révolution verte et le génie génétique s'attachent à essayer de créer la combinaison parfaite de gènes. Le problème est que la plante " parfaite " nécessite des conditions parfaites pour être un succès: ce qui est absolument impossible à réaliser pour les petits agriculteurs africains pratiquant une agriculture soumise à des contraintes écologiques et socio-économiques énormes. Cette approche sera catastrophique pour les agriculteurs : elle apportera des ravageurs et des maladies, une chute des prix sur le marché, des récoltes défaillantes, et des conséquences sur l'environnement à cause de l'utilisation des pesticides, etc. De plus, elle détourne l'attention des problèmes plus fondamentaux auxquels ont à faire face les petits agriculteurs.

Au lieu de résoudre les problèmes engendrés par la Révolution verte, le génie génétique menace de les accentuer. Les risques générés par les OGM pour l'environnement et la santé sont mal compris et ils sont particulièrement dangereux pour l'Afrique où il y a peu de moyens pour la recherche en santé publique et pour l'application des réglementations. Les agriculteurs en Afrique, comme tous les petits agriculteurs du monde, seront affectés plus directement par les conséquences quelles qu'elles soient. Les risques socio-économiques générés par les OGM sont également très lourds. Ils augmenteront la dépendance vis-à-vis des technologies extérieures, tiendront les agriculteurs africains à l'écart de la recherche-développement, et par conséquent, exacerberont les difficultés économiques et sociales qu'ils subissent déjà.

Si les gouvernements veulent s'attaquer sérieusement aux besoins des petits agriculteurs, ils doivent s'occuper des autres questions : celles de la répartition des terres et des contraintes du marché, et celles des pratiques et des technologies abordables qui fonctionnent avec des moyens locaux, comme la gestion des sols et de l'eau, les stratégies de conservation de la biodiversité, et les cultures en association. Les agriculteurs africains sont compétents et disposent des savoirs nécessaires ; ils sont responsables de la plus grande partie de l'innovation qui a réussi en Afrique. Les faibles taux de productivité qui sont souvent cités lorsqu'on parle de l'agriculture africaine sont le résultat de la pauvreté, des mouvements de population, de la guerre, du colonialisme, et des contraintes imposées par l'environnement. Les petits agriculteurs d'Afrique n'ont pas besoin des fausses promesses du génie génétique ; ils ont besoin de mesures concrètes qui s'attaqueront aux racines de la pauvreté et leur permettront de pratiquer une agriculture à la mesure de leurs possibilités.


[1] Clive James, " Global Status of Commercialised Trangenic Crops : 2001 ", ISAAA Briefs, N°24.
[2] Lettre du président Moi au Président américain Bill Clinton : www.biotech-info.net/Moi.html
[3]International rice Commission, Country Rice facts, FAO, December 1999.
[4] Pour une étude de cas, voir : Devlin Kuyek, BB rice : IRRI's First Transgenic Field Test, Biothai et al., May 2000 : http://216.15.202.3/publications/bbrice-en.cfm
[5] Joseph Rusike and Melinda Smale, " Malawi ", in Michael Morris, (Ed), Maize Seeds Industry in Developing Countries, CIMMYT, 1998.
[6] Humphrey Ezumah and Nkoli Ezumah, "Agricultural development in the age of sustainability: crop production," in G Bennet, WB Morgan, and JI Uitto (Eds), Sustaining the Future: Economic, Social and Environmental Change in Sub-Saharan Africa, United Nations University, 1996, http://www.unu.edu/unupress/unupbooks/80918e/80918E0q.htm
[7] Joseph DeVries and Gary Toe-niessen, Securing the Harvest: Biotechnology, Breeding and Seed Systems for African Crops, CABI Publishing: UK, 2001, p.50.
[8] Ezumah and Ezumah, op cit.
[9] DeVries and Toeniessen, op cit.
[10] André de Kathen, Pre-print version of report for the Federal Environmental Agency (Germany)
[11] Entretien personnel avec Viollet Mandishona, Juillet 2001.
[12] Entretien personnel avec Mwangi David, KNFU, Juillet 2001.
[13] Agrow : World Crop Protection News, 12 February, 1999
[14] Agrow : World Crop Protection News, 2 March 2000, and "The Farm Crisis, EU Subsidies, and Agribusiness Market Power.", Presentation of the national Farmers Union to the Senate Standing Committee on Agriculture and Forestry, Ottawa, Canada, 17 February 2000.
[15] Henk Hobbelink, Biotechnology and the Future of World Agriculture, Zed Books: New Jersey, 1991, p 147.
[16] Manfred Kern, Aventis Crop Science, "Box 3: Commercial Applications of Biotechnology in Crop Agriculture," in G.J. Presley, Agriculture Biotechnology and the Poor: Promethean Science, www.cgiar.org/biotech/rep0100/contents.htm
[17] Devlin Kuyek, "Lords of Poison: The pesticide cartel," Seedling, June 2000, www.grain.org/seedling/?id=117 and John Madeley, Crops and Robbers, ActionAid, UK, October 2001.
[18] Communication personnelle de Clive James, International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (Novembre 1999).
[19] Stephen Dazie, Jnr, "Biotechnology in Sub-Saharan Africa," ACTS Science and Technology Policy Paper, No. 1, 2001, p. 17.
[20] "Exporting Risk: Pesticide exports from US ports, 1995-1996," FASE Research Report, 1998.
[21] Agriculture Paysanne et Modernisation Africa, Synoptic Report on the Panafrican Workshop on Genetically Modified Organisms and Intellectual Property Rights, Yaounde, Cameroon, November 1999.
[22] Barry Commoner, "Unravelling the DNA myth: The spurious foundation of genetic engineering," Harper's Magazine, Vol. 304, No. 1821, February 2002.
[23] Charles Mann, "Biotech goes wild," Technology Review, July/August 1999.
[24] Ibid.
[25] Department of Science and Technology, Philippines Biosafety Guidelines, DOST, Manila, 1991. Available on the World Wide Web at http://www.binas.unido.org/binas/regs.php3
[26]K Chinsembu, & T Kambikambi "Farmers' perceptions and expec-tations of genetic engineering in Zambia," Biotechnology and Development Monitor, 2000, No. 47, pp 13-14.
[27] Biowatch SA, letter to Dr. Rob Adam, DACST, 23 October 2001.
[28] Entretien personnel avec des membres du Forum des réseaux pour la justice environnementale (Environmental Justice Network Forum), Gauteng, Juin 2001.
R Paarlberg, "Policies towards GM crops in Kenya" in Governing the GM Crop Revolution: Policy Choices for [29] Developing Countries. 2020 Vision Food, Agriculture, and the Environment :Discussion Paper 33, December 2000.
[30] "ASTA's Vision for an African Seed Trade Association." Presented at the Preparatory Meeting for the Establishment of an African Seed Trade Association, Lilongwe, Malawi, 8-10 April 1999.
[31] SSASI Team, World Bank, Initiatives for Sustainable Seed Systems in Africa, http://www.fao.org/ag/AGP/AGPS/Abidjan/Paper12.htm
[32]John Mugabe, "From Cartegena to Nairobi: Towards an African Agenda on the Biosafety Protocol," ACTS Working Paper, Nairobi, May 10, 2000.
[33] Chinsembu & Kambikambi, op.cit
[33] André de Kathen, op cit.
[34] Cotton South Africa web site: www.cottonsa.org.za/history_cotton_sa.html
[35] Chinsembu & Kambikambi, op cit.
[36] Entretien personnel avec Andrew Bennet, Monsanto, Pretoria, Afrique du Sud, Juin 2001.
[37] Entretien personnel avec Andrew Bennet, Monsanto, 19 Février 2001.
[38] T Buthelezi, "A South African farmer's experience with Bt cotton," in JS Wafula and DM Kimoro (Eds), Opportunities for Reviving the Cotton Industry in East Africa Through Biotechnology: Stakeholders Meeting, ABSF Document No.2, April 2001.
[39]Andrew Bennet, Monsanto South Africa, presentation in Pietermaritzburg, 6 March 2002; and Linda Beyers, Yousouf Ismael, Jennifer Piesse and Colin Thritle, "Can GM-technologies help the poor? The efficiency of Bt cotton adopters in the Makhathini Flats of KwaZulu-Natal," Paper for the consultation meeting on Biotechnology and Rural Livelihood- Enhancing the Benefits, The Hague, June 2001.
[40] Entretien personnel avec Elfrieda-Pschorn-Strauss de Biowatch SA, le 24 avril 2002.
[41] Cotton South Africa, Market Report for 2000,
[42] Y Ismael et al, "Farm level impact of Bt cotton in South Africa." Biotechnology and Development Monitor, No. 48, pp 15-19, 2001. http://www.biotech-monitor.nl/4806.htm
[43] Entretien personnel avec Andrew Bennet, Juin 2001.
[44] Ibid
[45] Y Ismael et al, op cit.
[46] Claire Bisseke, "Green Light for first GM food crop to be produced in SA," Financial Mail, December 14, 2001.
[47] Barbara Dinham, "GM cotton - farming by formula?" Biotechnology and Development Monitor, No. 44, pp 7-9, 2001: http://www.biotech-monitor.nl/4403.htm
[48] Ibid.
[49] Jules Pretty and Rachel Hine, Reducing Food Poverty with Sustainable Agriculture: A summary of new evidence," Centre for Environment and Society, University of Essex, February 2001, http://www2.essex.ac.uk/ces/ResearchProgrammes/
CESOccasionalPapers/SAFErepSUBHEADS.htm

[50] Entretien personnel avec Doreen Mnyulwa, Juillet 2001
[51] Entretien personnel avec le Dr Sithole, Université du Zimbabwe, Juillet 2001.
[52] M. Philipson, "Agricultural law: containing the GM revolution." Biotechnology and Development Monitor, No. 48, 2001.
[53] Citation tirée du site de Monsanto: http://www.monsanto.co.uk/news/technology_cooperation/crop.html
[54] Carol Kaesuk Yoon, "Stalked by deadly virus, papaya lives to breed again," New York Times, July 20, 1999. Pour de plus amples informations, voir: A Greene & RF Allison, "Recombination between viral RNA and transgenic plant transcripts," Science 263, 1994, pp 1423-1425, and H Lecoq, et al, "Aphid transmission of a non-aphid transmissible strain of zucchini yellow potyvirus from transgenic plants expressing the capsid protein of plum pox potyvirus," Molecular Plant-Microbe Interactions 6, 1993, p 403.
[55] Martin Qaim, "The Economic Effects of Genetically Modified Orphan Commodities: Projection for Sweetpotato in Kenya," ISAAA Briefs no. 13, ISAAA: Ithaca, NY and ZEF: Bonn, 1999, p19.
[56] Ibid.
[57] Carol Kaesuk Yoon, op cit.
[58] "Big Isle papaya crops tainted," Hawaii Tribune-Herald, April 7, 2000, Front Page.
[59] Martin Qaim, op cit.
[60] Pretty and Hine, op cit.
[61] Martin Qaim, op cit.
[62] DeVries and Toeniessen, op cit.
[63] Clive James, "Global Review of Commercialized Transgenic Crops: 2001," ISAAA Briefs No. 24: Preview.
[64] PN Mwangi & A Ely, "Assessing risks and benefits: Bt maize in Kenya," Biotechnology and Development Monitor, No. 48, pp 6-9, 2001: hhttp://www.biotech-monitor.nl/4803.htm
[65] Rashid Hassan, Regional Economist, CIMMYT (Kenya), Conference Proceedings from the Workshop on Structural Transformation in Africa, Harare, Zimbabwe, 1-3 June, 1993, p16
[66] DeVries and Toeniessen, op cit.
[67] "New maize variety to boost harvests," IPS, 3 March, 2001.
[68] Entretien personnel avec Mwangi David, Nairobi, Juillet 2001.
[69] 70 ISNAR and IITA, Biotechnology for Africa Crops, study commissioned by the Rockefeller Foundation, January 1999.
[70] PN Mwangi and A Ely, "Assessing risks and benefits: Bt maize in Kenya," Biotechnology and Development Monitor, No. 48, pp 6-9, 2001. http://www.biotech-monitor.nl/4803.htm
[71] Antje Lorch, "Push and Pull: Biological control of stemborer and Striga," Biotechnology and Development Monitor, No. 43, p 22, http://www.biotech-monitor.nl/4308.htm
[72] Florianne Koechlin, "Natural Success Stories : The ICIPE in Kenya," June 2000,
[73] Ibid.


*Ce dossier a été écrit par Devlin Kuyek à la suite des recherches qu'il a effectuées pour GRAIN (Genetic Resources Action International) et plusieurs ONG qui travaillent à susciter une prise de conscience des conséquences du génie génétique et des droits de propriété intellectuelle sur les petits agriculteurs en Afrique. Ces ONG comprennent, au niveau national : SACDEP et RODI, du Kenya, Biowatch, d'Afrique du Sud, ISD, d'Ethiopie, Jeep, d'Ouganda, et CTDT du Zimbabwe ; au niveau régional : Pelum, d'Afrique du Sud ; et au niveau international, ITDG, Gaia et ActionAid.
Nous remercions le grand nombre de personnes et de groupes qui ont donné du temps et des informations à la préparation de cet article.


 

Annexe 1 : La recherche sur les cultures génétiquement modifiées en Afrique

Pays

Culture

Caractère GM

Institution

Etat

Afrique du Sud 1

Orge

Maltage

CSIR

 
 

Coton

Coton Bt

Monsanto

Commercialisation

 

Coton

Résistance à herbicide

Monsanto

Commercialisation

 

Maïs

Résistance à une maladie, tolérance à la sécheresse

Université de Cape Town

Laboratoire

 

Maïs

Bt

Monsanto

Commercialisation

 

Maïs

Résistance à maladie, tolérance à la sécheresse

ARC Roodeplaat 2

Essais en champs

 

Maïs blanc

Résistance à maladie

CSIR

Essais en champs

 

Maïs blanc

Bt

Monsanto

Commercialisation

 

Maïs blanc

Bt

Pioneer/Pannar

<span style="font-size:11.0pt;font-family:&quot;Arial Narrow&quot;;>Essais en champs</span></p></td> </tr> <tr> <td width=98 valign=top >  </td> <td width=96 valign=top > <p>Mil</p></td> <td width=110 valign=top > <p>Composition en lysine et méthionine</p></td> <td width=178 valign=top > <p>CSIR</p></td> <td width=131 valign=top > <p>Laboratoire</p></td> </tr> <tr> <td width=98 valign=top >  </td> <td width=96 valign=top > <p>Ornithogalum</p></td> <td width=110 valign=top > <p>Résistance au virus</p></td> <td width=178 valign=top > <p>ARC Roodeplaat</p></td> <td width=131 valign=top >  </td> </tr> <tr> <td width=98 valign=top >  </td> <td width=96 valign=top > <p>Pomme de terre</p></td> <td width=110 valign=top > <p>Résistance au virus, tolérance à la sécheresse</p></td> <td width=178 valign=top > <p>ARC Roodeplaat</p></td> <td width=131 valign=top > <p>Essais en champs</p></td> </tr> <tr> <td width=98 valign=top >  </td> <td width=96 valign=top > <p>Sorgho</p></td> <td width=110 valign=top > <p>Protéine mise en valeur</p></td> <td width=178 valign=top > <p>CSIR</p></td> <td width=131 valign=top > <p>Laboratoire</p></td> </tr> <tr> <td width=98 valign=top >  </td> <td width=96 valign=top > <p>Soja</p></td> <td width=110 valign=top > <p>Tolérance à la sécheresse</p></td> <td width=178 valign=top > <p><span lang=NL style=" narrow";'="" lang="FRfont-size:11.0pt;font-family:&quot;Arial">ARC Roodeplaat

 

Soja

Résistance à herbicide

Monsanto

Commercialisation

 

Patate douce

Résistance à une maladie

ARC Roodeplaat

 
 

Tomate

Mûrissement retardé, résistance au virus et à la maladie

ARC Roodeplaat

 
 

Blé

Résistance à herbicide

Monsanto

 

Cameroun

Niébé

 

IARD 3

Laboratoire

Egypte

Orge

Tolérance au stress abiotique

AGERI

Laboratoire

 

Coton

Tolérance à la chaleur et au sel Bt

AGERI

Laboratoire

 

Maïs

Bt

AGERI/Pioneer

Laboratoire

 

Melon

Résistance au virus

AGERI

Essais en champs

 

Pomme de terre

Résistance au papillon du tubercule

AGERI

Essais en champs

 

Courge

Résistance au virus

AGERI

Essais en champs

 

Tomate

Résistance au virus

AGERI

Essais en champs

 

Blé

Tolérance au sel et à la sécheresse

AGERI

Laboratoire

Ethiopie

Noog

 

Université dÂ’Addis Ababa

Laboratoire

 

Tef

 

Université dÂ’Addis Ababa

Laboratoire

Kenya

Coton

Bt

KARI/Monsanto

Laboratoire

 

Maïs

Bt

KARI/CIMMYT/Novartis

Demande dÂ’autorisation

 

Maïs

Résistance à lÂ’herbicide

KARI/CIMMYT

Laboratoire

 

Patate douce

Résistance au virus

KARI/Monsanto

Essais en champs

Maroc

Tomate

   

Essais en champs

Nigéria

Niébé

Résistance aux maladies et aux insectes

   

Ouganda

Banane

Maladie de la sigatoka noire, résistance à la nématode et au charançon

NARO/IITAS 4

Essais en champs

 

Manioc

Contenant de lÂ’amidon

Université de Makerere

Laboratoire

 

Coton

Bt

Monsanto

Demande dÂ’autorisation

 

Maïs

Tolérance à la sécheresse et résistance au striga

NARO

Laboratoire

Tunisie

Pomme de terre

     

Zimbabwe

Manioc

Augmentation de la durée de conservation

Université du Zimbabwe

Laboratoire

 

Coton

Bt

Monsanto/Quton

Essais en champs

 

Niébé

Résistance au virus

Université du Zimbabwe

Laboratoire

 

Niébé

Résistance à lÂ’herbicide

Université du Zimbabwe

Laboratoire

 

Maïs

Bt

Monsanto

Demande dÂ’autorisation

 

Maïs

Bt, résistance à la sécheresse

Université du Zimbabwe/CIMMYT

Laboratoire

 

Sorgho

Métabolites

Université du Zimbabwe

Laboratoire

 

Soja

Résistance à lÂ’herbicide

Monsanto, Compagnie des semences du Zimbabwe

-

 

Tabac

Résistance à la maladie

Université du Zimbabwe

Laboratoire


[1]

Plantes pour lesquelles lÂ’Afrique du Sud poursuit des recherches en génie génétique et qui ne sont pas listées dans ce tableau : lupin, tournesol, canne à sucre, concombre, fleures ornementales à bulbes, manioc, abricot, fraise, pêche, pomme, raisin de table, et banane.

[2]

Centre de recherche agricole Roodeplaat

[3]

Institut de recherche agricole pour le développement

[4]

Organisation nationale de recherche agricole / Institut international dÂ’agriculture tropicale

Author: Devlin Kuyek
Links in this article:
  • [1] http://www.cgiar.org/isnar/publications/books/FSB.htm
  • [2] http://www.checkbiotech.org/root/index.cfm?fuseaction=newsletter&topic_id=1&subtopic_id=8&doc_id=2861
  • [3] http://www.ageri.sci.eg/topic9/agpio.htm
  • [4] http://www.ageri.sci.eg/topic9/agpio.htm;
  • [5] http://www.ageri.sci.eg/topic7/iprstat.htm
  • [6] http://www.ids.ac.uk/ids/env/GMOsIndia.pdf
  • [7] http://www.biotech-info.net/Moi.html
  • [8] http://216.15.202.3/publications/bbrice-en.cfm
  • [9] http://www.unu.edu/unupress/unupbooks/80918e/80918E0q.htm
  • [10] http://www.cgiar.org/biotech/rep0100/contents.htm
  • [11] http://www.binas.unido.org/binas/regs.php3
  • [12] http://www.fao.org/ag/AGP/AGPS/Abidjan/Paper12.htm
  • [13] http://www.cottonsa.org.za/history_cotton_sa.html
  • [14] http://www.biotech-monitor.nl/4806.htm
  • [15] http://www.biotech-monitor.nl/4403.htm
  • [16] http://www2.essex.ac.uk/ces/ResearchProgrammes/CESOccasionalPapers/SAFErepSUBHEADS.htm
  • [17] http://www2.essex.ac.uk/ces/ResearchProgrammes/
  • [18] http://www.monsanto.co.uk/news/technology_cooperation/crop.html
  • [19] http://www.biotech-monitor.nl/4803.htm
  • [20] http://www.biotech-monitor.nl/4308.htm