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Les Africains réclament une véritable action pour le climat

by No-REDD Africa, NoVox Togo, Oilwatch Africa et GRAIN | 6 Nov 2017

 

Image de la marche “Real Forest Rally”, organisée à Durban, en Afrique du Sud, dans le cadre du Programme Alternatif de la Société 2015 : l’alternative du peuple au Congrès forestier mondial des Nations Unies 2015. Photo : Yeshica Weerasekera / Thousand C

À l’occasion de la 23e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques qui aura lieu à Bonn en Allemagne, le Maroc cèdera la présidence aux îles Fidji.

Le Maroc, qui a bien su redorer son blason écologique à travers « ses solutions » pour lutter contre les changements climatiques et se positionner à travers le continent africain comme un grand marchand d’engrais, cèdera la scène à un pays dont la vulnérabilité aux effets extrêmes du réchauffement de la planète ne fait plus aucun doute. 

Beaucoup de choses seront dites lors de cette COP23, dont les plus belles professions de foi envers les processus multilatéraux. Les actions concrètes manqueront toutefois car, comme les États-Unis qui font deux pas en avant puis six pas en arrière, les autres pays mettront de l’avant des contributions anodines et déterminées nationalement qui ne font pas le poids face à cette catastrophe climatique imminente. 

Cela parce que les changements climatiques, bien que réels et impactant la vie de milliers de paysans et paysannes en Afrique, sont devenus par la force des multinationales (autant celles du secteur alimentaire que celles du secteur énergétique) un lieu d’affaires, un lieu de business, un terrain de jeu et une source de profit. 

L’Office Chérifien des Phosphates (OCP), le leader mondial des phosphates, est devenu de plus en plus actif en Afrique depuis la dernière COP22 au Maroc, en vendant ses engrais aux agriculteurs africains. Son l’objectif serait de « soutenir les petits producteurs agricoles africains ». Parmi les services de l’OCP figurent : les cartes de fertilité des sols, la recommandation technique d’engrais aux phosphates par région et par culture et les caravanes de techniciens et de conseillers agricoles.

Les attentes des entreprises comme l’OCP, qui ne sont pas celles des petits paysans et paysannes d’Afrique, sont malheureusement celles qui trouvent un écho favorable auprès de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), l’instance qui facilite et coordonne les négociations sur le climat au niveau international. 

Les solutions qu’elle propose et qui sont bien évidement de fausses solutions continuent de se propager sans un réel impact positif sur la vie des communautés.

De plus, le REDD+ ne remet pas en cause les émissions incessantes de gaz à effet de serre, encourage la production et la consommation des énergies fossiles en prétendant que l’augmentation de la pollution ne pose aucun problème puisque qu’elle est absorbée par les arbres. L’agriculture  paysanne est constamment démonisée et présentée comme la cause principale de la déforestation en oubliant, sciemment, le véritable responsable : l’agriculture industrielle. REDD+ est déjà à l’origine d’accaparement de terres et de graves violations des droits humains à travers le monde.

L’Agriculture intelligente face au climat semble de prime abord un bon concept mais n’est en réalité qu’une mesure de compensation carbone qui altère les terres agricoles et les transforme en éponges à pollution et ce, à des fins douteuses. Tel que mis de l’avant par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Banque mondiale, la Global Alliance for Climate-Smart Agriculture (GACSA) ainsi que les plus grandes sociétés multinationales agricoles et alimentaires, l’agriculture intelligente n’est pas écologique mais davantage technologique et financière. 

Soixante pourcent des membres de la GACSA proviennent du secteur privé. On y retrouve entre autres les entreprises Yara de Norvège et Mosaic des États-Unis.

L’approche de GACSA ne résoudra pas la crise climatique pour plusieurs raisons. Par exemple, elle promeut l’agriculture industrielle, qui est responsable de l’augmentation des gaz à effet de serre ; elle fait pression en faveur des monocultures, qui sont responsables de la perte de la biodiversité ; elle promeut l’utilisation des fertilisants et favorise l’élevage intensif, qui représente une source énorme d’émissions résultant des modifications de l’utilisation des sols.

Le AAA (Adaptation de l’Agriculture Africaine) initié par le Maroc à la COP22 et soutenu par 25 pays africains, ne résoudra pas la crise climatique. Comme le disait le Président du Groupe des Pays les Moins Avancés Tosi Mpanu-Mpanu : « Prenons la fameuse initiative AAA lancée par le Maroc et qui vise à augmenter la production par hectare… le pays dispose d’un Office Chérifien des Phosphates, veut-il développer l’Afrique ou exporter ses engrais ? Rien n’est innocent. »

Pour sauver le climat, il faut un changement radical dans nos modes de production et de consommation. Nous devons réduire la consommation de viande et de produits laitiers en provenance du système industriel. Le problème ne provient pas des petits agriculteurs et éleveurs puisque leurs pratiques agroécologiques aident à réduire le réchauffement de la planète. Le véritable problème provient du système alimentaire industriel qui produit des récoltes destinées en majeure partie à la production d’énergie et de nourriture animale.

Nous devons mettre fin aux subventions de la viande et du lait par les pays du Nord. Il faut mettre un terme aux Accords de libre-échange (ALE) tels que les Accords de partenariat économique (APE) qui signifient plus de viande et autres produits importés sur nos marchés locaux. Ces produits qui inondent de plus en plus les marchés en Afrique tout en bénéficiant des mesures de subventions et d’autres mécanismes de ces Accords de libre-échange ont une empreinte carbone élevée. 

La Convergence globale des luttes pour la terre et l’eau en Afrique doit amplifier cette voix. Les enjeux sont trop importants pour continuer d’être aux mains des industriels du secteur de l’élevage et de l’agriculture. Les mouvements sociaux ont exposé le problème mais doivent maintenant étendre la mobilisation envers des soutiens pour des systèmes de production favorables aux petits paysans et pêcheurs et aux éleveurs nomades. 

Bien que la dépendance aux combustibles fossiles représente une cause importante des changements climatiques, il ne faut pas oublier la contribution du système alimentaire mondial. Il a été clairement établi que le système alimentaire mondial est responsable de 44 à 57 pour cent des émissions mondiales de gaz à effet de serre, à travers la déforestation, le transport des aliments, l’agriculture, la transformation des aliments, les emballages, la congélation et les déchets alimentaires. C’est un chiffre énorme et quelque chose doit être fait pour le réduire.

La crise climatique va continuer de s’aggraver si on n’arrête pas l’agro-industrie. Si rien n’est fait pour mettre la question de l’agroécologie paysanne au cœur du débat sur les changements climatiques, de fausses solutions continueront d’être promues et le réchauffement global se poursuivra. Des accords tels que celui de Paris ne changeront rien. 

Pour générer de vrai solutions, les acteurs impliqués sur les questions énergétiques et ceux travaillant sur les questions alimentaires doivent unir leur forces dans cette lutte. Seule la convergence de ces efforts permettra de relever avec détermination le défi de la crise climatique en Afrique.

Source: This is Africa

Author: No-REDD Africa, NoVox Togo, Oilwatch Africa et GRAIN
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