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L'UPOV 91 et les autres lois sur les semences : petit guide sur les méthodes des entreprises semencières pour tenter de contrôler et monopoliser les semences

by GRAIN | 19 Oct 2015

 

"Protégeons nos semences contre l'avarice des multinationales" Partout au monde, les semences paysannes et les systèmes paysans de semences sont aujourd’hui attaqués. Les grandes corporations font pression en faveur de l'imposition de nouvelles lois et règlements encore plus stricts qui criminalisent les agriculteurs simplement parce qu’ils sèment, conservent, échangent et protègent leurs semences. Si elles réussissent, les paysans de la planète entière risquent d'être emprisonnés ou de se faire imposer des amendes salées s'ils continuent de faire ce qu'ils font depuis toujours. Il est alarmant de constater que les gouvernements des pays non industrialisés montrent si peu de volonté, ou pas de volonté du tout, de résister à cette offensive; dans bien des cas, ils collaborent même activement à ces agressions. L'approbation récente par les États membres de l'ARIPO (Organisation régionale africaine de la propriété intellectuelle) d'un nouveau protocole sur la propriété intellectuelle des variétés végétales n'est que l'exemple le plus récent de cette tendance.

Les systèmes de semences paysans existent depuis le début de l'agriculture et constituent un élément fondamental qui permet aux familles et aux communautés paysannes partout dans le monde de continuer de cultiver librement, et ainsi assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire. Les gouvernements ont reconnu les droits des paysans sur les semences dans plusieurs traités internationaux, mais ces mêmes gouvernements adoptent maintenant de nouvelles lois et réglementations qui détruisent ces droits et permettent aux multinationales d'augmenter leur contrôle et pouvoir monopolistiques sur les semences. Les changements que nous observons sont graves et d'une importance capitale.

Récemment, La Via Campesina et GRAIN ont publié une brochure1 qui explique comment les communautés paysannes et agricoles sont touchées par ces nouvelles lois et comment elles les combattent. GRAIN a aussi publié une base de données et une carte2 montrant ce que les paysans et agriculteurs d’un grand nombre de pays peuvent ou ne peuvent pas faire avec les semences selon la législation en vigueur. La présente brochure complète ces documents et a pour but d'expliquer en détail comment les lois semencières touchent les paysans et les agriculteurs. À l'aide d'extraits de lois de plusieurs pays, nous montrons comment ces changements se produisent.

 

La pression internationale en faveur de la privatisation des semences

Dans leur offensive pour contrôler et monopoliser les semences, les entreprises utilisent une multitude de stratégies. Une stratégie fondamentale consiste à faire pression sur les pays pour qu'ils privatisent les semences au moyen d'une loi accordant ce que l'on appelle des droits d'obtenteur ou une protection des variétés végétales. Mais il existe d'autres réglementations qui vont dans le même sens, notamment les lois sur les brevets de plantes, lesquelles deviennent de plus en plus courantes, les lois de certification des semences, les lois sur la commercialisation des semences et les normes de sécurité sanitaire. Beaucoup de mouvements sociaux appellent cette panoplie de mesures les « lois Monsanto » pour nous rappeler qui a participé à leur rédaction et qui en tire le plus d'avantages.

Les nouvelles règles peuvent être imposées en tant que lois, décrets, ordres exécutifs, ordres administratifs, réglementations ministérielles, etc., mais leur but est partout et toujours le même : accorder des droits exclusifs aux corporations leur permettant de contrôler l'approvisionnement en semences. Dans certains cas, cette cession de pouvoirs est très explicite. Par exemple, un modèle de loi sur les semences, dont l’USAID fait la promotion pour les pays d'Afrique australe, stipule que l'agence nationale de semences « devra prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la croissance et le développement de l'industrie des semences.3 » Même si l'on pourrait soutenir que les petits producteurs locaux de semences peuvent eux aussi faire partie de l'industrie semencière, il n’en demeure pas moins que les gouvernements cèdent à la pression des grandes entreprises et que les règles qui sont imposées sont clairement biaisées en faveur des grands, non pas des petits, producteurs. On n'a qu'à penser aux exigences relatives aux installations et au personnel nécessaire pour commercialiser les semences, par exemple.

On oblige également les gouvernements à cesser de s'impliquer dans les activités d'amélioration génétique ou de distribution de semences. Le gouvernement mis en place en Afghanistan après l'invasion des États-Unis a inclus l'exigence suivante dans la nouvelle loi sur les semences : « le Ministère adoptera les mesures nécessaires pour s'assurer que la production et le commerce de tous les types de semences soient réalisés par le secteur privé et… il devra se désengager du secteur de la production de semences et des entreprises et activités de commercialisation des semences.4 »

Une importante et puissante arme tactique qu'utilisent les pays industrialisés pour faire pression en faveur de la privatisation des semences partout sur la planète consiste à l’inclure comme obligation dans les traités de libre-échange bilatéraux et régionaux. On peut se demander quel est le rapport entre le droit des paysans de conserver leurs semences et le libre-échange, mais pour les négociateurs, cette relation est très claire : les agriculteurs qui conservent et échangent les semences font concurrence au commerce mondial des semences. Le but est de s'assurer que des entreprises comme Monsanto ou Syngenta puissent contrôler le commerce des semences en général et maximiser les profits de leurs activités semencières en empêchant que les paysans multiplient et conservent leurs propres semences — en suivant l'exemple de Hollywood ou de Microsoft qui tentent d'empêcher que les gens copient et partagent les films ou les logiciels. Par conséquent, dans tous les accords de libre-échange auxquels ils souscrivent, les États-Unis font inclure un paragraphe qui oblige les autres pays à s'affilier — au minimum — à la Convention de l'UPOV dans sa version 1991, laquelle cède la propriété intellectuelle des variétés végétales aux sélectionneurs des entreprises. L'Union européenne applique fidèlement cette même politique et le Japon va dans le même sens. Maintenant que l'Accord de partenariat transpacifique (TPP) a été signé, la situation s'aggravera sûrement, car les documents de négociation qui ont filtré montrent que les États-Unis font pression non seulement en faveur de législations de type UPOV 91, mais aussi de lois sur le brevetage des plantes et des animaux.5

Article 15.2. Chaque Partie doit ratifier ou adhérer aux accords suivants : (...) e) l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (1991) (Convention UPOV) Accord de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et le Maroc6

À la fin de la quatrième année après l'entrée en vigueur de l'Accord, l'Égypte adhérera aux conventions multilatérales suivantes sur les droits de propriété intellectuelle: (…) l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) (Acte de Genève de 1991) Accord d'association entre l'Union européenne et l'Égypte7

 

L'UPOV

L'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) est une organisation intergouvernementale. Elle travaille exclusivement et explicitement pour la privatisation des semences partout sur la planète en imposant des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales. Les États membres doivent adhérer à la Convention de l'UPOV et traduire celle-ci en loi nationale.

La Convention a été rédigée pour la première fois en 1961 et a été modifiée à trois reprises (en 1972, 1978 et 1991), en renforçant chaque fois les droits des entreprises et en limitant ce que tous les autres acteurs peuvent faire avec les semences. La modification de 1991 est particulièrement controversée parce qu'elle élimine le droit des agriculteurs de conserver des semences privatisées (c.-à-d. « protégées » par un titre de propriété intellectuelle) et réduit ce que les autres sélectionneurs peuvent faire avec ces semences.

Durant la majeure partie de son histoire, l'UPOV a été un petit club plutôt obscur, surtout de pays riches qui voulaient promouvoir les intérêts de leurs entreprises semencières.

Lors de la dernière révision, en 1991, seulement 20 pays en étaient membres. Mais en 1994, après que tous les pays membres de l'OMC ont accepté qu’ils doivent protéger les droits de propriété intellectuelle des obtentions végétales, les adhésions à l'UPOV ont très rapidement augmenté pour atteindre plus de 70 pays aujourd'hui. C'est en grande partie grâce aux pressions des pays riches pour que les pays non industrialisés adhèrent à l'UPOV, une pression exercée fortement à l'aide des traités de libre-échange.


Les scénarios futurs

Même si toutes les lois et réglementations sont officiellement rédigées au niveau national, celles qui concernent les semences sont toutes très similaires et, dans certains cas, des copies fidèles de textes rédigés par les fonctionnaires de l'UPOV et même les représentants de l'industrie. C'est ainsi que le contenu de ces lois et la façon dont elles sont mises en œuvre dans les pays qui les ont déjà approuvées constituent de bons indicateurs de ce qui se passera dans les pays qui pourraient l'adopter à l'avenir.

Lorsque l'on tente de comprendre les conséquences actuelles ou futures de ces nouvelles lois, il est important de se rappeler qu'elles seront interprétées et appliquées par des autorités ayant une certaine idéologie et en tenant compte d'un certain contexte politique — bien souvent une idéologie et un contexte qui tiennent peu ou pas du tout compte de l'importance des semences paysannes. Ces personnes en autorité ne connaissent peu ou même pas du tout les petits agriculteurs. Elles sont fortement et indéniablement biaisées en faveur des intérêts des compagnies semencières. L'histoire montre que les effets de ces lois s'aggravent avec le temps, soit parce qu'elles sont appliquées avec de plus en plus de rigueur ou sont continuellement modifiées pour les rendre plus strictes et englobantes, ou encore parce que les nouvelles versions de ces lois ont une forte tendance à concéder de plus en plus de privilèges aux entreprises et en même temps à imposer des sanctions et des punitions plus dures contre les agriculteurs et les consommateurs. Par exemple, en plus de couvrir les plantes, la privatisation s’étend maintenant aux animaux et aux races d'animaux.

Un brevet doit accorder le droit exclusif d'utiliser le produit de sélection et ce droit doit être protégé par l'État… « Produits de sélection protégés » signifie tout matériel végétal ou race animale brevetée et enregistrée dans le registre étatique; Loi sur les produits de sélection, Azerbaïdjan8

En résumé, cela signifie qu'au moment d'évaluer l’impact d’un projet de loi ou d’une nouvelle législation, les pires scénarios liés aux pires cas sont, fréquemment, les indicateurs les plus réalistes de ce qui risque de se produire si les nouvelles lois et règles sont adoptées.

Ci-dessous, nous examinons une série d’effets de la combinaison de ces lois sur les paysans et l'agriculture ainsi que quelques exemples des textes législatifs de pays qui les appliquent au plan national.

 

1. Interdiction ou restriction de l'utilisation et de l'échange de semences privatisées

La version de 1991 de la Convention de l'UPOV, et les lois rédigées conformément à celle-ci, concèdent des droits de propriété sur les nouvelles variétés pour n'importe quelle espèce (sauvage, cultivée, médicinale, etc., et aussi, de plus en plus, les espèces de champignons, de bactéries et d'algues) aux compagnies ou institutions qui les ont développées. Cela signifie que seuls ces entreprises ou instituts peuvent produire, reproduire, vendre, exporter ou importer ces variétés. Si quelqu'un d'autre veut le faire, il doit obtenir un permis de l'entreprise et respecter les conditions établies par celle-ci, par exemple payer des droits et/ou une redevance pour pouvoir conserver la semence pour l’utiliser sur une base continue durant les saisons ultérieures.

Article 15. Toute production ou reproduction, conditionnement à des fins de propagation, offre de vente, vente ou commercialisation, importation et exportation, le stockage d'une variété ou de matériel protégé nécessite l'autorisation du détenteur des droits. (...) Le détenteur des droits peut autoriser l'utilisation de sa variété sous réserve de certaines conditions ou limitations. Loi sur la gestion des semences et les droits d'obtenteur, Cambodge9

Le détenteur d'un brevet de plante peut, à sa discrétion, accorder toute autorisation sous réserve de conditions ou limitations. Loi sur les brevets de variétés végétales du 13 avril 1995. (Dernière version [Amendement] datée du 14 juin 2004), Belarus10

« Végétal » inclut tous les champignons et algues. Loi sur la protection des variétés végétales de 2004, Singapour11

Pour les agriculteurs et les paysans, cela signifie :

a) qu'ils peuvent légalement obtenir cette semence uniquement s'ils l'achètent à une entité commerciale ayant une autorisation de la vendre pour le compte de la compagnie ou de l'institut qui prétend en être le propriétaire; et

b) leur droit de conserver les semences pour la saison suivante est restreint ou interdit.

Dans certains pays, les agriculteurs peuvent reproduire et conserver des semences privatisées pour la saison de culture suivante seulement s'ils l'utilisent dans leurs propres champs, souvent jusqu'à concurrence de la quantité qu'ils ont achetée la première fois, une permission souvent restreinte à certaines cultures seulement.

Dans d'autres pays, les agriculteurs peuvent reproduire et conserver les semences privatisées pour la saison de culture suivante s'ils les utilisent dans leurs propres champs et seulement s'ils paient une redevance à la compagnie qui en est propriétaire.

Article 12 : La protection que confère le droit d’obtention végétale ne porte pas atteinte au droit des agriculteurs d’utiliser librement la variété à des fins de semis pour leur propre champ, LOI N° 010-2006/AN portant réglementation des semences végétales au Burkina Faso12

Ne porte pas atteinte aux droits de l'obtenteur quiconque conserve et sème, sur ses propres terres, dans des limites raisonnables et à la condition de sauvegarder les intérêts légitimes des obtenteurs, le produit de la récolte qu'il obtient de la culture, dans sa propre exploitation, d'une variété protégée ou d'une variété couverte à l'alinéa c) de l'article 18 de la présente loi. La présente disposition ne couvre pas les variétés d'espèces fruitières, ornementales et forestières lorsque l'on poursuit des fins commerciales. Loi sur la protection des obtentions végétales No 863, Costa Rica13

(2) Un agriculteur qui [reproduit des semences privatisées dans ses propres champs]… devra payer une rétribution juste au détenteur des droits d'obtenteur, Loi d'amendement à la Loi sur la protection de variétés végétales du 21 octobre 2012, Croatie14

Dans un nombre croissant de pays, aucune exception n'est accordée aux agriculteurs et, par conséquent, la reproduction de semences privatisées et leur conservation pour la saison suivante sont catégoriquement interdites.

Les droits de l'obtenteur ne couvriront pas: (...) les actions menées dans un contexte particulier à des fins expérimentales, lesquelles ne sont pas de nature commerciale. (...) Les activités effectuées en lien avec l'éducation ou la recherche scientifique concernant la création de nouvelles variétés. Loi No. 99-42 du 10 mai 1999 sur les semences, les plantes de pépinière et les nouvelles variétés végétales, Tunisie15

[Les droits de l'obtenteur] s'appliquent aussi à la production de semences ou à la propagation de matériel d'espèces déterminées d'une variété protégée dans le but d'une reproduction répétée (multiplication) en vue de son utilisation par [l'agriculteur] lui-même. Loi sur les droits relatifs aux variétés végétales, Estonie16

c) Les semences privatisées ne peuvent être échangées d'aucune façon entre les agriculteurs, même pas en cadeau.

Même lorsque l'on permet aux agriculteurs de reproduire et de conserver des semences privatisées pour la saison de culture suivante (avec ou sans paiement de redevance), il incombe à ceux-ci un devoir additionnel : ils doivent indiquer aux autorités gouvernementales, et parfois même aux entreprises semencières, où ils sèmeront les semences qu'ils auront conservées et la quantité de semences utilisées. Ils doivent aussi accepter des inspections par des agents publics ou privés.

L'agriculteur a l'obligation de remettre, aux autorités ou à l'obtenteur titulaire des droits, les informations requises pour établir une obligation de paiement, lorsqu’ils les lui demandent. Loi sur les droits des sélectionneurs de végétaux (1279/2009), Finlande17

(13) Les agriculteurs et les conditionneurs de semences sont obligés de fournir au titulaire des informations écrites sur leur nom, nom de famille, adresse permanente et numéro d'identification, lorsque ce dernier le leur demande (…) (15) Les agriculteurs sont obligés de fournir au titulaire des informations écrites sur la quantité de semences conservées qu'ils ont utilisées, lorsque celui-ci le leur demande. Loi du 25 octobre 2000 sur la protection des droits sur les variétés végétales et amendement à la Loi No. 92/1996 Coll., sur les variétés végétales, les semences et le matériel de propagation de plantes cultivées, conformément au dernier amendement, République tchèque18

 

2. Privatisation des semences paysannes

On peut penser que les paysans n'ont pas de raison de s'inquiéter s’ils conservent leurs propres semences et s'abstiennent d'utiliser des semences privatisées. Mais il n'en est rien.

L'UPOV 91 et les lois sur les brevets comportent deux mécanismes qui permettent la privatisation des semences paysannes :

a) Les compagnies et les instituts de sélection peuvent prendre les semences provenant des champs des agriculteurs, les reproduire, effectuer une certaine sélection pour les rendre homogènes et ensuite les privatiser en tant que variété qu'ils ont « découverte. »

b) Une deuxième disposition de l'UPOV 91 permet d'étendre la propriété privée d'une variété spécifique à toute autre variété qui soit similaire à celle qui a été privatisée.

« Obtenteur » signifie toute personne physique ou morale ou tout employé qui a amélioré, découvert et développé une nouvelle variété végétale. Loi No. 8880 datée du 15 avril 2002, de la République d'Albanie, sur les droits de l'obtenteur19

Article 37. Les droits liés au certificat… couvrent : a) la variété végétale protégée. b) Toutes les variétés dont on ne peut pas clairement distinguer de la variété protégée… Loi de l'Algérie no. 05-03 du 27 Dhou El Hidja 1425 correspondant au 6 février 2005 relative aux semences, aux plants et à la protection de l'obtention végétale20

En appliquant ces deux dispositions, une firme semencière peut prendre les semences au champ d'un agriculteur, faire une simple sélection, la privatiser et ensuite prétendre être le propriétaire de toutes les variétés qui y sont similaires. Les agriculteurs se trouvent alors sans droit d'utiliser leur propre variété de semences sauf s'ils l'achètent ou paient une redevance à la compagnie qui l'a privatisée.

Les partisans de la privatisation des semences avancent qu’il n’est pas possible que les semences des agriculteurs soient privatisées parce qu’on ne peut pas concéder des droits de propriété intellectuelle sur quelque chose qui n'est pas « nouveau »et « distinct », c'est-à-dire sur quelque chose qui existait déjà avant qu'un droit de propriété intellectuelle ait été réclamé.

En réalité, ce que dit la loi, c'est qu'aucune variété qui a été « vendue par l'obtenteur ou avec son consentement, » ou était « connue au préalable » ou « notoirement connue », ne peut être privatisée. Ainsi, si une compagnie réclame la propriété d'une variété de semence et qu'elle ne l'a pas vendue elle-même — et même si la semence circule librement dans les marchés paysans depuis des années — cette semence continuera d'être considérée comme « nouvelle » et pourra être privatisée. De plus, les termes « connue au préalable » et « notoirement connue » ne se réfèrent pas à ce que connaissent les gens ordinaires ou les paysans, mais bien uniquement à ce que connaissent l'industrie des semences, les instituts de semences et l’administration de la propriété intellectuelle. Par conséquent, une variété bien connue par les agriculteurs, mais dont l'industrie ou les autorités ne reconnaissent pas l'existence, peut également être privatisée.

Une variété peut être considérée nouvelle si… elle n'a pas été vendue ou commercialisée d'une autre manière, avec ou sans le consentement de l'obtenteur… Loi sur la gestion des semences et les droits d'obtenteur, Cambodge21

Une variété végétale ou une race animale doit être considérée comme nouvelle si… les semences ou le matériel d'amélioration d'un produit de sélection donné n'ont pas été vendus ou remis à des tiers, par l'obtenteur ou son successeur en titre, ou avec son consentement, à des fins d'exploitation du produit de sélection. Loi sur la protection des produits de sélection, Fédération russe22

Une variété peut être considérée distincte si elle est se distingue clairement de n'importe quelle autre variété dont l'existence est notoirement connue au moment de remplir la demande d'octroi du droit d'obtenteur. Loi sur les brevets de variétés végétales du 13 avril 1995. (Dernière version [Amendement] datée du 14 juin 2004), Belarus23

Les variétés suivantes doivent être considérées du matériel notoirement connu : a) Celles qui sont protégées dans la République tchèque ou à l'étranger. b) Celles qui sont inscrites dans le registre officiel des variétés végétales dans la République tchèque ou dans un registre similaire à l'étranger. c) Lorsqu'une demande de concession de droits sur une variété végétale ou d'inscription au registre de variétés végétales a été complétée dans la République tchèque, à la condition que la demande aboutisse avec une concession de [propriété] ou une inscription [au registre]. (...) e) Lorsqu'une demande de concession de droits sur une variété végétale ou d'inscription au registre de variétés végétales a été présentée à l'étranger, à la condition que la demande aboutisse à une concession ou une inscription. Loi du 25 octobre 2000 sur la protection des droits sur des variétés végétales et amendement à la Loi No. 92/1996 Coll., sur les variétés végétales, semences et matériel de propagation de plantes cultivées, conformément au dernier amendement, République tchèque24

 

3. Restrictions ou interdictions de conserver, d'échanger ou de vendre les semences

D'autres réglementations et lois, comme les lois sur la commercialisation et la certification, viennent compléter la législation de type UPOV. Prises ensemble, elles peuvent :

a) obliger les agriculteurs à maintenir les semences emballées et étiquetées, y compris leurs propres semences, et interdire la commercialisation, l'échange et le transport de semences non emballées. Si les nouvelles réglementations étaient appliquées rigoureusement, dans certains pays, le fait de se promener avec une poignée de semences dans ses poches pourrait légalement être un délit comportant une sanction.

OBLIGATIONS : les personnes physiques ou morales [qui produisent des semences] doivent : (...) Commercialiser et/ou transférer à titre gratuit [uniquement] des semences qui sont conformes aux exigences établies eu égard à la signalisation, à l’apposition de vignettes et à l'étiquetage. (...) Commercialiser ou transférer à titre gratuit des semences avec une étiquette, une vignette, des emballages, des conditionnements et/ou des récipients autorisés. (...) Que les semences soient identifiées ou non… pour leur disposition à quelque fin que ce soit, que ce soit une action liée à la production… à l’entreposage, à la commercialisation, au transfert à titre gratuit et/ou à leur utilisation, peu importe qu'elles se trouvent dans un magasin, un terrain, une salle, un atelier, un dépôt, un entrepôt, un champ, un moulin ou tout autre endroit, s'il y a des semences et/ou d'autres matériels végétaux qui ne sont pas conformes aux dispositions de la présente Résolution, il y aura lieu d'imposer des mesures de contrôle et les sanctions correspondantes sans droit à aucune indemnisation. Résolution 970 de l'Instituto Colombiano Agropecuario, ICA, Colombie25

b) interdire la commercialisation des semences non certifiées ou qui ne sont pas considérées suffisamment homogènes, ce qui revient dans les faits à une forme d'interdiction des semences paysannes, car bien souvent, elles ne respectent pas ces exigences.

Article 17. Les cas suivants seront considérés comme des violations et des infractions à la Loi et les contrevenants seront traités conformément aux lois et réglementations en vigueur (...) v) La production et la propagation de semences et de plantes de pépinière pour approvisionner le marché sans avoir obtenu le certificat que délivre l'institut. Loi sur le Registre de variétés végétales, et le contrôle et la certification des semences et des plantes de pépinière, République islamique d'Iran26

Seules les variétés qui ont été approuvées pour leur diffusion, qui ont fait l'objet d'avis et ont été incluses dans la liste des variétés qui peuvent être commercialisées… Une variété peut être reconnue [et incluse dans la liste des variétés] si (...) (b) elle est suffisamment homogène, en tenant compte de ses caractéristiques particulières de reproduction ou de propagation végétale; Loi sur les semences (Loi No. 9 de 1996), Malawi27

c) Interdire la commercialisation, le don ou l'échange de variétés qui ne sont pas inscrites. Une variété peut être inscrite seulement après avoir rempli un ensemble d'exigences, comme avoir une description détaillée et difficile à compléter, mais inutile.

Il faut établir une liste officielle de variétés pour inscrire les variétés qui peuvent être commercialisées dans le pays et la région, en suivant le système régional de libération des variétés. Les écotypes et les variétés locales seront aussi inscrits avec des indications spéciales. Modèle de loi sur les semences pour les pays d'Afrique australe. Initiative de développement des systèmes de semences d'Afrique australe. USAID/RCSA28

Art. 17. … seules les variétés homologuées et inscrites à ce titre dans le catalogue officiel des variétés, selon les modalités et conditions fixées par la présente loi, sont autorisées à être produites, multipliées, importées, exportées, distribuées et commercialisées. Loi n° 05-03 du 27 Dhou El Hidja 1425 correspondant au 6 février 2005 relative aux semences, aux plants et à la protection de l'obtention végétale, Algérie29

9. Seules les semences et les plantes de pépinière de variétés végétales inscrites au registre officiel, dans une des catégories mentionnées à l'article 3 de la présente loi, peuvent être commercialisées. Loi No. 99-42 du 10 mai 1999, sur les semences, les plantes de pépinière et les nouvelles variétés végétales, Tunisie30

Seules les variétés qui ont été approuvées, notifiées et incluses dans la liste des variétés peuvent être vendues. (...)  « Vente » inclut l'échange et le troc. Loi sur les semences (Loi No. 9 de 1996), Malawi31

Dans le cas des espèces agricoles, seul le matériel de propagation de variétés inscrites sera mis sur le marché, commercialisé et exporté. Loi sur les semences et le matériel de propagation. Texte consolidé de la Loi du 6 octobre 1996, avec le dernier amendement à la loi daté du 28 janvier 1999. Pays-Bas32

d) Interdire aux agriculteurs de produire ou d'échanger des semences sauf s'ils sont des producteurs de semences inscrits. Un producteur de semences inscrit est une personne qui obtient l’autorisation du gouvernement de produire des semences, après qu'il l'ait informé exactement où il produira les semences et démontré qu'il respecte un ensemble d'exigences, notamment celle d'avoir une infrastructure coûteuse et disposer d'un personnel technique sous contrat. De plus, il faut souvent faire un paiement mensuel ou annuel pour demeurer inscrit.

Article 7 : Toute personne physique ou morale exerçant une activité semencière doit tenir un registre de transactions par espèce, variété et catégorie dans les conditions définies par voie réglementaire. Loi n° 2001/014 du 23 juillet 2001 relative à l'activité semencière, Cameroun33

Article 16 : Toute personne physique ou morale peut produire ou multiplier librement des semences si elle est inscrite auprès des structures compétentes (...) Les conditions d’inscription sont précisées par arrêté des ministres chargés de l’agriculture et des forêts. Loi N°010-2006/AN portant réglementation des semences végétales au Burkina Faso34

1) Toute personne qui désire exercer des activités de commercialisation des semences doit disposer des installations établies par un décret présidentiel et inscrire son entreprise auprès de la mairie ou du gouverneur provincial. 2) Toute personne qui désire exercer des activités semencières commerciales conformément à l'alinéa (1) doit avoir un (1) ou plusieurs administrateurs de semences; Loi sur l'industrie des semences, Corée35

PRODUCTEUR DE SEMENCES : Personne physique ou morale dûment inscrite pour développer de manière directe, indirecte ou sous sa responsabilité la multiplication, le conditionnement, l'entreposage, la distribution et la commercialisation des semences et des plantes de pépinière pour leur plantation. (...) Article 28. Pour être producteur de semences et de plantes de pépinière, il faut respecter les exigences suivantes : 1) Posséder les connaissances de base sur les pratiques essentielles du processus de production des semences et des plantes de pépinière ou disposer de personnel technique ayant les connaissances pour effectuer les activités en question. 2) Disposer de la machinerie ou des instruments agricoles nécessaires pour mener à bien l'activité de production de semences et de plantes de pépinière. 3) Avoir les ressources financières nécessaires pour l'exécution des différentes activités en champ et la gestion post-récolte. Loi et règlement sur la production et la vente de semences, Nicaragua36

Le transfert à n'importe quel titre [par exemple l'échange] de semences pour qu'elles soient vendues, semées ou propagées par des tiers, ne pourra être effectué que par les personnes inscrites au Registre national de commerce et de contrôle des semences. Projet de loi sur les semences et les créations phytogénétiques. (Version préliminaire présentée par le gouvernement argentin en 2012 et plus tard retirée à cause d'une forte résistance.)37

e) Interdire la production de semences à l'extérieur des champs inscrits. Les personnes qui produisent des semences sont tenues d'informer les autorités gouvernementales exactement où elles les produiront.

[Les agriculteurs doivent] inscrire leurs champs… en indiquant le matériel végétal qui doit être semé, le nombre d'hectares de plantation, l'emplacement et la superficie de la ferme, la date d'ensemencement, la catégorie de semences… Résolution 970 de l'Instituto Colombiano Agropecuario, ICA, Colombie38

f) Interdire l'échange de semences entre agriculteurs, même l’échange de leurs propres semences. Cette mesure est imposée en alléguant que l'échange de semences est une forme de vente et, par conséquent, relève de la commercialisation et des lois sur les semences privatisées.

Vendre inclut livrer en location et échanger au moyen du troc. Loi de 1994 sur les droits d'obtenteur, Australie39

Le terme « vente » inclut le « don » Loi sur les semences (Loi No. 9 de 1996), Malawi40

« Vendre » signifie offrir, annoncer, maintenir, exposer, transmettre, convenir, livrer ou préparer pour la vente ou l'échange ou aliéner en échange de n'importe quelle considération ou par transfert. Convenir ou délibérer en vue de la vente, de l'échange ou du troc… Protocole pour la protection des nouvelles variétés de plantes (droits de l'obtenteur) dans la région de la communauté de développement de l'Afrique australe. (Version préliminaire)41

Pris ensemble, ces réglementations peuvent rendre l'utilisation des semences paysannes de plus en plus difficile ou même complètement illégale et obliger les paysans et les agriculteurs à utiliser des semences privatisées commerciales.

 

4. Amendes et emprisonnement pour avoir conservé et échangé des semences

En plus d'ordonner la privatisation des semences, l'UPOV 91 (ainsi que les accords commerciaux) exige que les pays « prévoient des recours juridiques appropriés permettant de défendre efficacement les droits des obtenteurs; » c'est-à-dire que les pays doivent mettre en marche un ensemble de sanctions pour toute infraction éventuelle. Dans les pays où les lois de type UPOV 91 et les lois similaires sont déjà en vigueur, si un agriculteur porte atteinte à ces nouvelles réglementations, même lorsque cette violation survient parce qu'il continue de faire ce que sa communauté et lui font depuis des générations, les sanctions sont et deviennent de plus en plus sévères.

a) des amendes peuvent être imposées pour une longue liste d'actions, allant de la reproduction de semences privatisées et leur conservation pour la saison suivante, à la conservation de ses propres semences sans les étiqueter ou emballer. La sévérité des amendes varie d'un pays à l'autre, mais de manière générale, elles sont significatives. Elles doublent en cas de récidive et la personne mise à l'amende peut aller en prison si elle ne paie pas l'amende. Dans un numéro croissant de pays, les peines incluent la prison au lieu d'une amende ou les deux. Les peines de prison varient de quelques mois à dix ans.

Quiconque produit, multiplie, importe, exporte frauduleusement, ou distribue et commercialise des semences et plants non homologués et non-inscrits au catalogue officiel, est puni d'un emprisonnement de deux (2) mois à six (6) mois et d'une amende d'un million (1.000.000) à un million cinq cent mille (1.500.000) dinars [de 10 000 à 15 000 $US]. Les semences et les plants objet de l'infraction sont détruits. (...) En cas de récidive, la sanction est portée au double. Loi n° 05-03 du 27 Dhou El Hidja 1425 correspondant au 6 février 2005 relative aux semences, aux plants et à la protection de l'obtention végétale, Algérie42

48. (1) Toute personne qui offre volontairement en vente ou commercialise du matériel de propagation d'une variété protégée à la Barbade, en contrevenant à la présente loi, est coupable d'un délit et sujette à une sentence sommaire de 20 000 $ [10 000 $US] d'amende ou une peine de 3 ans de prison, ou les deux. Loi sur la protection des nouvelles variétés végétales, 2001-17, Barbade43

Toute personne qui commet en connaissance de cause un acte portant atteinte au droit de l'obtenteur… sera coupable d'un délit pénal dont la sentence est une amende de 5 à 20 millions de Riels [de 1 250 à 5 000 $US], ou une peine de prison de un à cinq ans, ou les deux. (...) Les personnes qui récidivent verront la sentence indiquée ci-dessus doublée. Loi sur la gestion des semences et les droits d'obtenteur, Cambodge44

Toute personne qui a porté atteinte au droit des obtenteurs ou à un droit d'exploitation exclusive devra être condamnée à une peine de prison avec travaux durant un maximum de dix ans ou à une amende ne dépassant pas 10 000 000 yens ou une combinaison des deux. Loi sur la protection des variétés végétales et des semences (Loi No. 83 du 29 mai 1998) et amendée par la Loi No. 49/2007, Japon45

b) Si un agriculteur utilise des semences privatisées sans la permission du propriétaire de cette variété (par exemple, s'il obtient les semences chez un voisin ou a acheté des semences un an plus tôt et conservé une partie de la récolte pour l'utiliser lors de la saison suivante), sa culture peut être confisquée et détruite, ainsi que sa récolte et les produits obtenus de sa récolte. Ce type de sanction peut même être imposé avant que l'agriculteur accusé ne soit effectivement déclaré coupable, comme ce fut le cas en Colombie, où des tonnes de semences paysannes ont été confisquées et détruites sur la base de soupçons de faute commise.46

(2) Le titulaire d'un droit d'obtenteur ou le titulaire d'un droit d'exploitation exclusive… peut demander que soient détruits le matériel de propagation, le matériel récolté ou les produits transformés, lesquels sont des éléments de l'infraction, ou les objets utilisés pour commettre l'infraction ou d'autres mesures requises pour prévenir que de telles infractions soient commises. Loi sur la protection des variétés végétales et des semences (Loi No. 83 du 29 mai 1998) et amendée par la Loi No. 49/2007, Japon47

c) Les outils et la machinerie utilisés pour cultiver la culture ou les semences peuvent aussi être confisqués. Ce type de sanction peut être imposé même avant que l'agriculteur ne soit effectivement déclaré coupable.

Si la variété est reproduite illégalement, en plus d'une amende et d'une sentence d'emprisonnement, le matériel de propagation récolté et le matériel et les équipements utilisés pour propager illégalement la variété seront confisqués. Loi N° 450-06 sur la protection des droits de l'obtenteur de variétés végétales, République dominicaine48

d) Certains des plus récents projets de loi — clairement élaborés à la suite de pressions de la part de l'industrie semencière — incluent des dispositions permettant d'interdire à tout agriculteur qui enfreint ces lois de continuer de pratiquer l’agriculture.

Que soit créé sous l'autorité de l'Institut national des semences : (…) b) Le « Registre national des utilisateurs de semences » dans lequel il faudra inscrire toute personne physique ou morale qui utilise des semences (…) Art. 44. Lorsque les types de pénalité prévus à l'article 45 auront été configurés, l'Institut national des semences sanctionnera les responsables avec (...) e) une suspension temporaire ou permanente du Registre correspondant. f) une privation temporaire ou permanente du droit de pratiquer. (...) Art. 45. L'Institut national des semences sanctionnera conformément aux modalités établies dans l'article antérieur quiconque : a) Enfreint aux dispositions des articles 9 [ne pas étiqueter comme il faut les semences présentées, vendues ou échangées], 18, dernier alinéa [diffusion d'une semence non inscrite] et 29 [livraison de n'importe quelle façon d'une semence privatisée] (...) i) Ne s'inscrit pas au Registre national des utilisateurs de semences selon les conditions établies par la réglementation. Projet de loi sur les semences et les créations phytogénétiques. (Version préliminaire présentée par le gouvernement argentin en 2012 et plus tard retirée à cause d'une forte résistance)49

5. Coupables sur la base de soupçons

Si les sanctions sont sévères, la procédure judiciaire que les nouvelles réglementations imposent constitue un recul gigantesque dans l’histoire des droits humains et sociaux. Les lois de type UPOV 91, ainsi que d'autres lois portant sur les semences ou la concession de droits de propriété sur les plantes, sont de plus en plus basées sur ce que certains appellent un « renversement du fardeau de la preuve. » Cela signifie que ceux qui accusent les agriculteurs d'une infraction n'ont pas besoin de présenter des preuves solides de l'infraction, alors qu'une part croissante du fardeau de la preuve incombe aux agriculteurs qui doivent démontrer qu'ils n'ont pas violé la loi. Pour ce faire, ils doivent maintenir un registre des semences qu'ils utilisent, achètent et vendent et accepter les inspections de leurs édifices, champs et livres comptables s'ils en ont. Ces obligations contreviennent directement à la Déclaration universelle des droits de l'homme, laquelle stipule que toute personne est considérée innocente jusqu'à ce que ses accusateurs démontrent le contraire.

Pour permettre la demande de paiement [pour l’utilisation de la semence privatisée]… n'importe quel agriculteur que… l'on peut considérer comme ayant utilisé [cette semence]… est obligé de livrer… l'information à cet effet au titulaire — lorsque celui-ci la demande… Si l'authenticité de l'information livrée est contestée, le fardeau de la preuve incombe à l'agriculteur. Acte XXXIII de 1995 sur la protection des inventions au moyen de brevets, tel qu'amendé par l'Acte XXVII de 2009. Partie V. Protection des variétés végétales, Hongrie50

En suivant cette logique, les nouvelles lois peuvent sanctionner ou pénaliser les agriculteurs avant même d’avoir démontré qu'ils sont coupables ou même avant qu'ils soient informés qu'ils font l'objet d'une accusation. Par exemple :

a) Les maisons des agriculteurs, d'autres édifices et les véhicules dans les champs peuvent être fouillés sans un ordre de la cour, simplement sur la base de soupçons. (...) Un inspecteur peut, a) À n'importe quel moment raisonnable, entrer dans n'importe quel lieu, pièce ou véhicule ou récipient où il croit qu'il y aurait n'importe quelle semence à laquelle cette loi s'applique, qu'elle soit emballée ou non, prendre des échantillons dans le but de s'assurer que les indications et règlements de la présente Loi sont respectés (...) g) Entrer dans n'importe quelle salle publique ou privée durant ou après les heures de travail régulières, sans avis d'inspection, lorsqu'il y a soupçon de violation de la présente Loi sur les semences et de ses règlements. Modèle de loi sur les semences pour les pays d'Afrique australe. Initiative de développement des systèmes de semences d'Afrique australe. USAID/RCSA51

Un inspecteur de semences peut, dans la poursuite de n'importe quel but de la présente Loi, à n'importe quel moment raisonnable : a) Entrer dans n'importe quel champ, édifice, local ou véhicule au sujet duquel il y a un motif raisonnable de croire que n'importe quelle semence prescrite ou semence restreinte est entreposée, vendue ou transportée pour la vente en contravention de la présente Loi, ou se trouve dans des emballages ou autres récipients qui sont marqués ou étiquetés… en contravention de la présente Loi (...) d) De plus, il peut confisquer et retirer de l'endroit n'importe quelle semence interdite ou restreinte (...) Le terme « vente » inclut le « don”. Loi sur les semences (Loi No. 9 de 1996), Malawi52

N'importe quel fonctionnaire autorisé ou officier de la police ayant un rang qui n'est pas inférieur à celui d'inspecteur peut, dans le but de faire respecter le présent Acte, effectuer chacune ou n'importe quelle des actions suivantes : a) entrer, inspecter et examiner avec ou sans avis n'importe quelle installation ou ferme au sujet de laquelle il existe un soupçon raisonnable qu'un délit en vertu du présent Acte y a été commis; Acte de 2004 de protection des nouvelles variétés végétales. Acte 634, Malaisie53

b) Les fouilles peuvent être faites sur la base d'accusations dont l'accusé peut ne pas avoir été informé :

Lorsqu'une mesure préventive [y compris la confiscation de cultures, de semences et de produits récoltés] est exécutée sans que l'autre partie ait été entendue au préalable, l'Ofinase ou l'autorité judiciaire compétente avisera la partie concernée, dans un délai de trois jours ouvrables après l'exécution. Loi sur la protection des obtentions végétales No 863, Costa Rica54

B. 1. Avant de présenter une plainte pour infraction, l'obtenteur de la variété protégée peut, en payant une garantie, demander à la Cour d'ordonner n'importe quelle des procédures prévues à l'alinéa (A) du présent article, sans aviser la partie défenderesse. Ordre N° 81 de la Coalition de l'autorité provisoire. Brevets, design industriel, information non révélée, circuits intégrés et Loi sur les variétés végétales, Irak55

c) Les cultures, les récoltes et les produits obtenus du matériel récolté peuvent être réquisitionnés ou détruits avant de démontrer la culpabilité, encore une fois rien que sur la base de soupçons :

La Cour peut ordonner la confiscation de la variété de l'infraction ainsi que des matériaux et outils utilisés de manière substantielle dans l'infraction contre la variété protégée. (...) La Cour peut aussi décider de détruire la variété faisant l'objet de l'infraction ainsi que le matériel et les outils ou les remettre pour toute utilisation non commerciale. Ordre N° 81 de la Coalition de l'autorité provisoire. Brevets, design industriel, information non révélée, circuits intégrés et Loi sur les variétés végétales, Irak56

d) Les agriculteurs accusés disposent souvent d'un délai très court pour réunir les preuves de leur innocence.

Art. 24. La période de présentation des preuves sera de huit jours ouvrables,Décret N° 530, El Salvador57

e) Les agriculteurs accusés peuvent être obligés de dénoncer d'autres agriculteurs qui auraient enfreint la loi :

(...) Il faut que la liste de mesures d'application non exhaustive suivante soit considérée (...) vi) mesures exigeant qu'un contrevenant remette des informations au titulaire des droits d'obtenteur à propos de tierces parties impliquées dans la production et la distribution de matériel qui enfreint [les droits d'obtenteur]. Notes explicatives sur l'application des droits de l'obtenteur en vertu de la Convention de l'UPOV. Adoptées par le Conseil à sa 45e session ordinaire le 22 octobre 200958

f) Les fouilles et les confiscations peuvent être effectuées avec l'appui des forces militaires.

Article 67. Les autorités locales de tout niveau, les forces armées, les services de douane et les bureaux de taxation, les fonctionnaires des aéroports et des ports, et d'autres autorités pertinentes doivent coopérer à la découverte, à la prévention et à la suppression des infractions relatives aux semences et à l'entreposage temporaire des preuves liées aux offenses contre les semences à la demande de l'Inspecteur des semences. Loi sur la gestion des semences et les droits d'obtenteur, Cambodge59

g) Le pouvoir d'agir en tant qu'inspecteur ou autorité de certification peut être octroyé à des entités privées ou des personnes, créant dans les faits des corps policiers privés. Les entreprises semencières peuvent elles-mêmes créer ces corps policiers et jouer le rôle d’inspecteurs de petits producteurs de semences ou d'autres entreprises qui leur font concurrence.

Le système d'accréditation doit autoriser des personnes, des tierces parties, des laboratoires de semences et/ou des entités liées aux semences pour inspecter les champs, prélever des échantillons et soumettre les semences à des tests, et/ou délivrer des étiquettes conformément à la réglementation de cette Loi sur les semences. Modèle de loi sur les semences pour les pays d'Afrique australe. Initiative de développement des systèmes de semences d'Afrique australe. USAID/RCSA60

 

Est-ce bon pour les agriculteurs? Est-ce bon pour les sélectionneurs de végétaux?

Les lois basées sur l'UPOV et les autres lois sur les semences sont souvent justifiées en alléguant qu'elles favorisent les agriculteurs, qu’elles aident les sélectionneurs de végétaux et sont bonnes pour la société en général. L'on dit que ces lois profitent aux agriculteurs en contribuant à créer un secteur de l'amélioration des plantes dynamique et compétitif qui produit des semences de grande qualité que les agriculteurs peuvent utiliser. On affirme aussi qu’elles permettent d’éliminer les cas de contrefaçon et que les semences disponibles n'ont pas d’insectes et de maladies. Les sélectionneurs profitent parce que, grâce à la propriété intellectuelle et à d'autres règles claires, ils peuvent obtenir de bons retours sur leurs investissements. Et la société dans son ensemble en tire profit parce que l'on crée de nouvelles solutions aux problèmes existants, en accédant à de nouvelles technologies et au progrès.

Aucun des arguments ci-dessus n'est valable. La course mondiale vers la privatisation des semences a mené à la création d'un monopole industriel de semences planétaire qui domine de plus en plus l'approvisionnement en semences. Ce monopole menace la survie des pratiques paysannes ancestrales et locales en matière de semences, lesquelles constituent la pierre angulaire de la production durable d'aliments; ces pratiques sont aujourd’hui considérées comme une source de concurrence non désirée. Et ce processus est en train de criminaliser les communautés paysannes et leurs techniques et pratiques.

La bonne nouvelle, c'est que le monde commence à comprendre ce qui se passe et ce qui est en jeu. Malgré tout leur pouvoir, les grandes firmes semencières et les puissants gouvernements qui poussent les lois sur les semences n'ont pas la vie facile. L'opposition et la résistance populaire sont apparues partout sur la planète et, dans bien des cas, les mouvements populaires ont réussi à paralyser et même abroger les nouvelles normes. Il faut maintenant appuyer et renforcer ces luttes.


3 MODEL SEED ACT FOR SOUTHERN AFRICA COUNTRIES. Southern African Seed Systems Development Initiative USAID/RCSA. (MODÈLE DE LOI SUR LES SEMENCES POUR LES PAYS D'AFRIQUE AUSTRALE. Initiative de développement de systèmes de semences de l'Afrique australe USAID/RCSA) 2009, http://www.seeds.iastate.edu/images/modelseedact.pdf

4 SEED LAW. République islamique d'Afghanistan (version finale), 2006. http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/en/af/af006en.pdf

5 Pour une recension actualisée, veuillez consulter : « Les accords commerciaux criminalisent les semences de ferme » GRAIN novembre 2014, https://www.grain.org/article/entries/5082-les-accords-commerciaux-criminalisent-les-semences-de-ferme

46 On peut visionner un documentaire sur ce cas à : https://www.youtube.com/watch?v=kZWAqS-El_g

 

 

Author: GRAIN
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  • [1] https://www.grain.org/es/article/entries/5141-les-lois-semencieres-qui-criminalisent-les-paysannes-et-les-paysans-resistances-et-luttes
  • [2] https://www.grain.org/es/article/entries/5153-infographic-seed-laws-around-the-world
  • [3] http://www.seeds.iastate.edu/images/modelseedact.pdf
  • [4] http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/en/af/af006en.pdf
  • [5] https://www.grain.org/article/entries/5082-les-accords-commerciaux-criminalisent-les-semences-de-ferme
  • [6] https://ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/morocco-fta/final-text
  • [7] http://eeas.europa.eu/egypt/eu-egypt_agreement/index_en.htm
  • [8] http://www.upov.int/export/sites/upov/members/en/npvlaws/azerbaijan/Azerbaijan_Law.pdf
  • [9] http://eapvp.org/library/member/pdf/Khmer_UPOV_Act-Eng-Final.pdf
  • [10] http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/en/by/by008en.pdf
  • [11] http://www.upov.org/upovlex/en/details.jsp?id=5303
  • [12] http://www.farmersrights.org/pdf/Africa/Burkina%20Faso/Burkina%20Faso-seedpvp06.pdf
  • [13] http://www.fao.org/pgrfa-gpa-archive/cri/docs/Ley-8631.pdf
  • [14] http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/en/hr/hr068en.pdf
  • [15] http://www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=129811
  • [16] http://www.upov.org/export/sites/upov/en/publications/npvlaws/estonia/Law1998.pdf
  • [17] http://www.finlex.fi/fi/laki/kaannokset/2009/en20091279.pdf
  • [18] http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/en/cz/cz031en.pdf
  • [19] http://www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=209068
  • [20] http://faolex.fao.org/docs/pdf/alg51862.pdf
  • [21] http://www.upov.org/upovlex/en/profile.jsp?code=RU
  • [22] http://www.ica.gov.co/getattachment/03750a73-db84-4f33-9568-6e0bad0a507d/200R970.aspx
  • [23] http://faolex.fao.org/docs/texts/col93414.doc
  • [24] http://www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=197793
  • [25] http://www.malawilii.org/files/mw/legislation/act/1996/9/sa200550_pdf_52782.pdf
  • [26] http://www.seeds.iastate.edu/images/modelseedact.pdfcommercial
  • [27] http://www.upov.org/export/sites/upov/en/publications/npvlaws/netherlands/netherlands99.pdf
  • [28] http://www.spm.gov.cm/fr/documentation/textes-legislatifs-et-reglementaires/article/loi-n-2001014-du-23-juillet-2001-relative-a-lactivite-semenciere.html
  • [29] http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/en/kr/kr068en.pdf
  • [30] http://intapapssan.info/wp-content/uploads/2013/07/Ley280reglamento-ProduccionComercioSemilla.pdf
  • [31] http://www.casem.com.ar/proyecto_ley_%20de_%20semillas.doc
  • [32] http://www.ica.gov.co/getattachment/03750a73-db84-4f33-9568-6e0bad0a507d/200R970.aspx%20%0Bhttp://faolex.fao.org/docs/texts/col93414.doc
  • [33] http://www.austlii.edu.au/au/legis/cth/consol_act/pbra1994222/
  • [34] http://www.ip-watch.org/weblog/wp-content/uploads/2013/04/SADC-Draft-PVP-Protocol-April-2013.pdf
  • [35] http://www.wipo.int/wipolex/en/details.jsp?id=325
  • [36] http://www.upov.org/export/sites/upov/en/publications/npvlaws/japan/japan_act_49_2007.pdf
  • [37] https://www.youtube.com/watch?v=kZWAqS-El_g
  • [38] http://www.wipo.int/wipolex/es/details.jsp?id=10139
  • [39] http://www.upov.org/export/sites/upov/en/publications/npvlaws/hungary/pages_from_gazette_103_hu.pdf
  • [40] http://www.upov.org/export/sites/upov/en/publications/npvlaws/hungary/pages_from_gazette_103_hu.p
  • [41] http://www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=128880
  • [42] http://www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=229977
  • [43] http://www.asamblea.gob.sv/eparlamento/indice-legislativo/buscador-de-documentos-legislativos/ley-de-semillas
  • [44] http://www.upov.int/export/sites/upov/en/publications/pdf/upov_exn_enf_1.pdf