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Non à la Zone de libre échange des Amériques et à tout libre échange

by GRAIN | 27 Apr 2003

GRAIN

La Zone de libre échange des Amériques (ZLEA) est un accord de libre échange qui est en train d'être négocié par tous les gouvernements de l'hémisphère américain excepté Cuba. Son but est d'imposer des règles communes à tout le continent pour ouvrir les activités nationales à la libre circulation des capitaux mondiaux. Cet accord aura un impact bien plus important que l'Organisation mondiale du commerce. Ce traité entraînera de nombreuses restrictions des droits de tous les citoyens, mais particulièrement ceux des salariés, des petits agriculteurs et des populations autochtones. A l'inverse, les investisseurs mondiaux bénéficieront eux d'un niveau de protection jamais vu auparavant.

Bien que l'accord soit intitulé accord de "libre échange", la ZLEA est entièrement consacrée aux restrictions et au contrôle du commerce en faveur des principales entreprises mondiales. La ZLEA, si elle est approuvée, affectera non seulement le commerce, mais aussi la production et les services ainsi que les droits de propriété sur la terre, l'eau et les ressources naturelles. De nombreuses activités économiques, en particulier les ressources économiques des petits agriculteurs, se verront soumises à une pression considérable. Les droits civils et humains, les droits des communautés locales et des populations autochtones, le droit du travail, le droit à la connaissance et à la culture et les fondements de la souveraineté seront encore plus limités qu'ils le sont aujourd'hui. Nous allons assister à la privatisation de ce qu'il reste des espaces et des activités publiques, et nous pourrons être confrontés à de nouvelles formes de répression qui n'existent pas actuellement. Si la ZLEA est approuvée elle aura un impact profond sur la vie économique, sociale et politique des populations américaines.

La ZLEA a d'abord été proposée par le Président George Bush senior en 1994. Elle comprend les 34 pays des deux Amériques sauf Cuba. Dès le départ, cet accord a été présenté comme étant plus qu'un accord économique. Les pays participants devaient aussi prendre une série d'engagements politiques, en termes de politiques intérieures (comme celles visant à promouvoir la privatisation et la décentralisation) ainsi qu'en termes d'actions au niveau international (avec un engagement renforcé dans les accords de libre échange). Pendant ce temps, les Etats-Unis se sont servi de chacun des sommets pour obtenir un soutien de ses attaques contre Cuba et pour la militarisation des Amériques (comme l'imposition du Plan Columbia). De 1994 à 1998, les négociations se sont centrées sur la mise en place de la structure et de l'organisation. Les discussions de fond ont commencé en 1998, et sont prévues pour être conclues le 31 décembre 2004. L'accord devrait entrer en application l'année suivante, en attendant l'approbation de tous les pays participants.

Jusqu'à présent, les négociations ont été très confidentielles. Bien que les textes soient rendus publics 1, les positions respectives des pays sont tenues secrètes. Même certains représentants gouvernementaux estiment qu'ils sont laissés dans l'ignorance – le ministre de l'Agriculture du Chili a déclaré qu'il n'était pas au courant de ce à quoi pouvait s'attendre le Chili concernant l'agriculture dans la ZLEA. En attendant, les seuls gouvernements qui ont exprimé une opposition explicite à l'accord ont été le Brésil et le Venezuela. Le Brésil s'inquiète du fait que la ZLEA puisse rendre le MERCOSUR (marché commun établi entre l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et la Paraguay) complètement inopérant. De son côté, e Président du Venezuela a signalé qu'il ne signerait pas l'accord tant que celui-ci ne serait pas approuvé par un référendum. Quoiqu'il en soit, les négociations se poursuivent.

Les négociations ont avancé au cours de trois sommets présidentiels (ou Sommets des Amériques : à Miami en 1994, à Santiago en 1998 et à Québec en 2001), sept réunions ministérielles (tous les dix-huit mois depuis 1995) et une longue série de réunions de groupes et de comités de négociations. C'est lors des sommets présidentiels que les décisions finales sont prises, tandis que les réunions ministérielles revoient les accords auxquels sont parvenus les groupes de négociations et fournissent les instructions pour les prochaines sessions.

Neuf groupes de négociations ont été définis: accès au marché, agriculture, services, marchés publics, subventions, antidumping et droits compensateurs, politique de concurrence, droits de propriété intellectuelle, règlement des différends, et investissements. Officiellement, les négociations sont strictement gouvernementales. Mais les représentants des entreprises privées y ont participé dès le début. Le Forum des Entreprises des Amériques est le seul non-membre (seuls les gouvernements sont membres) à avoir présenté des propositions formelles pour les négociation. La participation du monde des affaires aux négociations est devenue si 'officielle' que des documents produits par le Forum des Entreprises des Amériques sont publiés sur l'un des sites à côté des informations officielles sur la ZLEA. 2 La participation d'autres secteurs sociaux a été très restreinte. Le Comité de représentants gouvernementaux pour la participation de la société civile n'accepte de recevoir les déclarations d'opinion que par un système très rigide de courrier électronique. Il n'y a aucun moyen de savoir si ces opinions sont entendues.

Le cadre idéologique

Afin d'envisager dans leur totalité les conséquences possibles de la ZLEA, il est nécessaire de rappeler trois principes fondamentaux. Tout d'abord, la ZLEA fait partie d'une offensive beaucoup plus large visant à la privatisation impulsée par des organismes et des mécanismes internationaux, y compris l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce qui veut dire que cet accord ne crée pas seulement de nouvelles formes pour le commerce et la propriété privée mais impose aussi un nouveau cadre idéologique, légal et politique aux relations entre le capital transnational, les états et les populations d'Amérique Latine. La ZLEA imposera des lois, des concepts et des définitions qui affecteront bientôt tous les aspects de l'activité et de la vie nationale, de manière à ce que le capital transnational n'ait pas de limites tout en garantissant ses profits. L'objectif final est que tous les aspects de la vie des populations d'un pays soient contrôlés par le marché, avec des règles garantissant que la population entière se soumettra à ces conditions.

Le second principe est que le texte final de la ZLEA aura à être interprété chaque fois qu'il sera mis en application. Alors que quelques-unes des dispositions sont extrêmement détaillées, la plupart d'entre elles ne peuvent pas être appliquées directement ou littéralement. Elles fournissent plutôt des directives pour prendre des décisions en matière de droit, de législation, d'économie et de politique. Leur interprétation reposera entre les mains de personnes ou d'organismes considérant la privatisation comme dogme suprême. Cela se fera dans un cadre où les états et les multinationales seront à pied d'égalité en termes d'autorité et de pouvoir. C'est pourquoi il est illusoire de croire que tout "excès" de la ZLEA pourra être arrangé une fois que ces dispositions seront mises en place. Les textes de négociations actuels possèdent déjà des dispositions extrêmement dangereuses, et leur interprétation future pourrait être même pire.

En fin de compte, la ZLEA crée, transforme ou reformule – explicitement ou implicitement – toute une série de concepts économiques, juridiques et politiques. Par exemple, un certain nombre de fonctions gouvernementales, incluant "des activités qui font partie du système de sécurité nationale ou d'établissement et de maintien de l'ordre public", sont transformées en "services" et dès lors ouvertes à la "délégation" ce qui signifie une privatisation du pouvoir public. On peut en trouver de nombreux exemples dans le texte.

Il est extrêmement difficile d'envisager dans leur totalité toutes les conséquences de la ZLEA. Ce que nous y voyons, c'est la tentative de mettre en place un système très puissant garantissant la main mise du capital transnational sur tout le continent. Cela va bien au-delà de la privatisation et de la concentration déjà existante dans les Amériques, ce qui doit être rapidement compris – et refusé.

Le contexte politique

Ce n'est pas un hasard si la ZLEA a été lancée par le gouvernement des Etats-Unis, dont l'objectif clé est de réussir l'expansion sans entrave du capital transnational dans les Amériques, et plus particulièrement celle de son propre capital, qui contrôle déjà presque 80% de la production dans la région. Les Etats-Unis se sont déjà servi des déséquilibres régionaux pour imposer leur volonté, et depuis le début, les négociations de la ZLEA ont contraint tous les pays concernés à agir en bloc au sein de l'OMC.

Ensuite ils ont commencé à diviser le processus en négociations bilatérales entre les Etats-Unis et plusieurs pays de la région (aucun n'ayant avancé jusqu'à présent). C'était une stratégie délibérée de la part des Etats-Unis pour empêcher qu'un bloc de négociations latino-américain et caribéen émerge, et pour être en mesure de faire pression sur tout pays qui voudrait montrer un tant soit peu d'indépendance. Avec la complicité active du Chili et du Costa Rica en particulier, cette stratégie a des chances de fonctionner. De plus, les Etats-Unis continuent de se servir d'autres mécanismes de négociations, comme l'OMPI (l'Organisations mondiale de la propriété intellectuelle) et de l'OMC, pour poursuivre ses propres objectifs, étant donné que tout ce qui est accepté au sein de ces organismes sera automatiquement intégré à la ZLEA.

Comme stratégie économique, la ZLEA est une résurgence de l'Accord multilatéral sur les investissements, un accord autrefois proposé par l'Organisation de la coopération et du développement économique mais plus tard abandonné après une opposition forte de la part de la société, en particulier en Europe. Cela rend aussi l'Accord de libre échange nord-américain (ALENA) plus offensif. Par exemple, le chapitre de la ZLEA sur les investissements est une copie très proche du chapitre correspondant dans l'ALENA, mais avec une définition de l'"investissement" encore plus dangereuse. La destruction de l'agriculture paysanne qui a lieu au Mexique, se manifestant par l'exacerbation de la pauvreté et l'intensification des migrations, est une indication claire de ce que la ZLEA peut entraîner dans le reste de l'hémisphère.

En attendant, même si la ZLEA est actuellement le processus de négociations multilatérales le plus important dans les Amériques, ce n'est pas le seul traité de libre échange en cours de négociation. Plus d'une douzaine de négociations bilatérales et multilatérales sont actuellement en cours dans les Amérique et un plus grand nombre d'accords ont déjà été signés. Les plus importants sont les accords pris avec l'Union européenne et les initiatives mentionnées ci-dessus prises par certains pays d'Amérique latine pour obtenir des accords spéciaux avec les Etats-Unis, les liant même encore plus que la ZLEA.

Le problème n'est pas la ZLEA elle-même mais l'avancée de la privatisation et le pouvoir du capital transnational. On ne peut pas réagir contre la ZLEA en ignorant les autres négociations, mais il n'en demeure pas moins que la ZLEA reste l'un des processus les plus agressifs et ambitieux de tous les processus actuellement en cours.

Les composantes de la ZLEA

Les dirigeants latino-américains se sont rendus compte dès le départ que la ZLEA est un accord politique visant à créer un nouvel environnement pour l'activité économique et l'expansion du gros capital. Ce nouveau cadre reposera au moins sur les six fondements suivants:

a. l'expansion du champ du marché à toutes les activités, y compris les services et les biens aujourd'hui publiques, collectifs ou gratuits.

Tous les services publics seront privatisés soit directement (par la mise en vente) soit indirectement (par des enchères publiques). Les conditions seront créées pour privatiser entièrement l'éducation, la santé, l'eau potable, l'énergie électrique, les communications, les prisons, les ports et les parcs naturels. Dans l'interprétation la plus stricte, même la police, les services d'inspection et l'administration de la justice pourraient être privatisés par le biais de la "délégation" des activités. Les terres communales et celles des communautés, ainsi que tous les territoires autochtones deviendront aussi privatisables, et donc pourront être mis en vente.

b. Ouverture de l'économie et de toutes les activités nationales au capital transnational.

Aucun secteur économique et aucune partie du territoire national, ni propriété du pays n'échappera au capital transnational. Cela inclut aussi la santé, l'éducation, les transports urbains et interurbains, l'administration des ports et des autoroutes, les services publics et toutes les ressources naturelles y compris l'eau. Dans le cas où l'Etat privatiserait l'une de ses fonctions, celle-ci deviendrait accessible au capital transnational.

c. Des investisseurs protégés et des profits garantis.

Les investisseurs internationaux ne se verront pas seulement octroyer un environnement favorable mais se verront aussi protégés et recevront des garanties explicites spéciales. Les états devront garantir que les profits du capital transnational ne seront pas affectés par les réglementations ou les lois, ou par des demandes sociales. De plus, les investisseurs internationaux devront recevoir automatiquement un traitement aussi favorable ou meilleur que les entrepreneurs nationaux. Si les états ne mettent pas en place toutes ces garanties, les compagnies internationales pourront les poursuivre en justice pour récupérer leurs pertes. Non seulement la propriété privée sera garantie, mais aussi les profits du capital transnational.

d. Des investisseurs internationaux sur le même plan juridique et de souveraineté que les gouvernements.

En cas de désaccord, les gouvernements auront à accepter un arbitrage confidentiel et privé. Les compagnies internationales peuvent décider, si elles le désirent, que les cours de justice nationales n'aient pas pouvoir de juridiction sur leurs désaccords.

e. Elimination ou révision de nombreuses mesures destinées à empêcher que des abus soient commis par les grosses compagnies.

Les barrières contre la concentration, la spéculation et les mesures de contrôle du marché seront éliminées. Les moyens de défense qui seront conservés seront ceux qui défendent les entreprises, en particulier les compagnies transnationales. Le reste de la population n'aura qu'à se soumettre.

f. Expansion agressive des droits de propriété intellectuelle. Des droits de propriété intellectuels seront accordés pour des périodes plus longues, et tous les êtres vivants, les savoirs et les créations artistiques et culturelles des populations deviendront des biens de consommation. Les pénalités contre ceux qui ne respecteraient pas la propriété intellectuelle seront plus sévères alors que la charge inversée de la preuve sera maintenue (ce qui signifie que les violateurs présumés sont présumés coupables jusqu'à ce qu'ils fassent preuve de leur innocence).

Tout ceci veut dire que les états et les gouvernements devront non seulement renoncer à leur devoir de défendre le bien être de leurs populations mais aussi à la souveraineté même limitée dont ils jouissent encore aujourd'hui. Dans de nombreux points de l'accord, il est clair que le rôle central des états et des gouvernements sera de réprimer leurs citoyens afin de protéger les intérêts du capital.

Impact sur les communautés locales

Comme ce sont les paysans et les populations locales qui ont refusé depuis le plus longtemps l'avancée du capital transnational et de la globalisation, ils seront parmi les groupes sociaux les plus violemment attaqués par la ZLEA. Cette offensive s'effectuera par le biais de trois mesures principales destinées en particulier au monde rural, en même temps que les mesures plus générales de l'accord. Ces trois mesures spécifiques sont:

- L'élimination de la protection des paysans, et le rachat des fermes, en particulier les petites fermes, par les compagnies.

- La privatisation obligatoire des ressources naturelles et de vastes territoires y compris l'eau et les terres autochtones.

- La privatisation de la biodiversité en général, et la privatisation et/ou la destruction de la biodiversité cultivée en particulier.

Les deux premières mesures sont exposées en détails dans le document plus long (voir les détails à la fin de l'article*), mais ici, nous nous concentrerons sur la privatisation de la biodiversité.

La privatisation de la biodiversité

Le contrôle et la privatisation des territoires impliquent le contrôle et la privatisation de la biodiversité. Les multinationales ont de nombreuses raisons de vouloir contrôler les deux, parmi lesquelles:

a) la biodiversité alimente les produits industriels

La biodiversité (plantes, animaux, microorganismes) est la source des produits chimiques et des matières premières qui seront probablement la base de tout développement industriel futur. On attend des ressources biologiques qu'elles fournissent des produits pharmaceutiques, agrochimiques, du matériel médical, des organes pour les transplantations des matériaux de construction, de l'énergie, des matières premières pour toutes sortes d'industries et presque tous les éléments pouvant être manufacturés.

b) La biodiversité maintient l'équilibre de la vie.

La biodiversité est aussi un facteur fondamental maintenant notre planète opérante dans les limites appropriées à la vie humaine. Cependant cet équilibre est en train de devenir plus précaire. Des facteurs comme la stabilité climatique, la disponibilité de l'eau pure, la régulation des cours d'eau, l'existence de niches écologiques permettant la survie des espèces, etc. sont des richesses de la planète qui aujourd'hui ne peuvent pas être considérées comme allant de soi. Aujourd'hui, contrôler la biodiversité et tous les écosystèmes qui l'alimentent signifie contrôler ceux qui détiennent ces richesses et être capable de faire payer pour elles.

c) Biodiversité = ressources minières

Les écosystèmes de l'Amérique latine les plus riches en biodiversité sont aussi les plus riches en pétrole et en minéraux.

Mais la biodiversité c'est la vie et comme telle échappe facilement à tout contrôle. Si quelqu'un peut se proclamer le propriétaire exclusif d'un végétal, d'un animal ou d'un microorganisme, il pourra continuer à le reproduire sans la permission de quiconque et tôt ou tard cela arrivera entre les mains de quelqu'un d'autre qui continuera à l'utiliser, le transformer et le multiplier. Ce 'danger' est encore plus sûr quand ce végétal, cet animal ou ce microorganisme tombe dans les mains de communautés locales ou d'agriculteurs, parce que ce sont eux qui les ont utilisés, qui en ont pris soin et ont alimenté la biodiversité de la planète depuis des milliers d'années et ils trouveront des milliers de façons de continuer à agir ainsi dans l'avenir. Les entreprises transnationales ont réalisé qu'elles avaient besoin de monopoliser à la fois la biodiversité et les connaissances qui y sont attachées, la majeure partie d'entre elles étant détenues par les communautés locales autochtones.

A cette fin, la ZLEA met en place un système de propriété intellectuelle qui va bien plus loin que les dispositions de l'OMC et de l'OMPI. La propriété intellectuelle vue par la ZLEA se caractérise entre autres par les idées suivantes:

1 – Tout peut être breveté, que ce soit un produit ou un processus; Les exceptions définies par l'OMC sont écartées. Les pays ne gardent que la possibilité imprécise de refuser un brevet si il met en danger la morale ou l'ordre public, la santé de la population ou l'existence de plantes ou d'animaux. Si le brevet est refusé, le demandeur peut faire appel par le biais des mécanismes de résolution des conflits décrits plus haut.

2 – Un brevet permet à son détenteur de contrôler ou d'interdire la fabrication, la reproduction, l'utilisation, la vente, la distribution, l'exportation et l'importation d'un produit. Si le brevet concerne un processus, il permet le contrôle de l'utilisation du processus lui-même ainsi que celui de toutes les activités incluant le produit obtenu par ce processus.

3 - Dans leur interprétation la plus extrême, les interdictions ou les formes de contrôle peuvent être étendues à l'usage personnel, sans relation aucune avec une quelconque activité commerciale.

4 – Si le brevet concerne un caractère biologique (comme la résistance au froid), les droits de propriété s'étendent à tous les organismes ou matériaux biologiques possédant ce caractère.

5 – Les plantes cultivées peuvent aussi être appropriées par l'intermédiaire des "droits des sélectionneurs", qui octroient pratiquement les mêmes doits que les brevets.

6 – Les savoirs traditionnels, les expressions culturelles et le folklore font aussi l'objet de cette forme de propriété, avec l'objectif spécifique de les mettre sur le marché et d'en transférer la propriété à tierce partie.

7 – Toutes les informations relatives à un organisme breveté, même provenant de populations locales, peuvent être déclarées confidentielles et leur diffusion sanctionnée par des amendes ou autres pénalités.

8 – Chaque pays doit s'engager à établir des procédures rapides et des mesures efficaces pour punir toute violation des lois de propriété intellectuelle.

9 – Tous les pays sont obligés d'adhérer à tous les traités de propriété intellectuelle actuellement en vigueur, y compris ceux qui ont été récemment approuvés et ceux qui pourraient être approuvés à l'avenir, comme le Traité sur le droit des brevets 3. Cela entraîne des conséquences considérables, le Traité sur le droit des brevets imposant par exemple, des textes et des procédures juridiques que les parlements de chacun des pays ne seront pas en mesure d'ajuster à leurs propres contextes nationaux.

Pour l'instant, nous ne pouvons qu'imaginer quelques scénarios, mais les pratiques de la bioprospection jusqu'à présent, ainsi que les mécanismes de contrôle aujourd'hui mis en place autour des zones maritimes et des zones naturelles nous donnent un aperçu des mécanismes susceptibles d'être mis en place. Tout d'abord, l'accès aux zones de biodiversité, aux plantes, aux animaux et aux microorganismes y vivant se trouvera sous le contrôle absolu de ceux qui se seront approprié ces zones. Si quelqu'un prélève des plantes ou des animaux dans ces zones, le matériel sera confisqué et les personnes pénalisées, et ce sera pareil pour la reproduction non autorisée de ces organismes. Si une entreprise autorise l'extraction et l'utilisation de matière vivante, cela pourra être fait sous des conditions très spécifiques et limitées.

Le second point est que les connaissances de populations et de communautés entières seront transférées à des entreprises contre paiement à un individu ou à un groupe. Une fois déclarée propriété de l'entreprise, toutes les populations ou les communautés qui utilisaient et développaient ces connaissances seront obligées de s'abstenir de les diffuser et même de les utiliser. Ceux qui le feront pourront être pénalisés ou même emprisonnés. Toute nouvelle variété de plante cultivée ne pourra être plantée que conformément aux instructions fournies par les compagnies de semences.

En aucun cas les plantes ne pourront être reproduites. Si les plantes sont brevetées, les compagnies pourraient même contrôler l'utilisation de la récolte. Si les variétés traditionnelles sont croisées avec des variétés brevetées, leur utilisation peut être interdite par les détenteurs des brevets, ou ils peuvent demander des paiements pour le droit de continuer à planter la lignée. La même règle sera appliquée si la variété traditionnelle possède des caractères que la compagnie a brevetés, même si le caractère se trouvait dans la variété locale bien avant que la compagnie l'ait acquis.

Tout ceci montre que la plantation de variétés locales sera progressivement étouffée, même pour un usage familial, et ceux des agriculteurs qui restent sur les terres seront obligés d'utiliser les variétés brevetées ou sinon protégées par les droits de propriété intellectuelle. Ces plantes devront être cultivées selon les conditions et pour les objectifs déterminés par l'industrie. L'industrie aura le contrôle total sur ce qui sera planté, consommé et commercialisé.

De manière générale, les zones riches en biodiversité appartenant aux compagnies transnationales seront exploitées pour extraire principalement le pétrole et les matières biologiques, selon des règles établies en privé.

Comme le concept de "services environnementaux" se développe et s'étend, nous pouvons assister à l'imposition par les compagnies aux communautés locales de taxes pour avoir la garantie que les compagnies ne détruiront pas les plantes couvrant les territoires qu'elles auront acquis. Les communautés n'auront pas seulement à payer pour l'eau mais aussi pour maintenir les sources d'eau. Elles peuvent avoir à payer pour ça chaque année quelques soient les catastrophes naturelles ou les températures, ou pour chaque récolte qui n'aura pas été saccagée par une inondation ou détruite par la sécheresse. Aussi absurde que cela puisse paraître, les textes de négociations de la ZLEA rendent tout cela possible. Et encore pire, un gouvernement pourrait être accusé d'expropriation si il n'impose pas ces paiements.

Ce que nous verrons d'abord, c'est la ruine et l'expulsion probable d'un grand nombre de paysans et de communautés autochtones des campagnes, dans le mépris le plus total des droits territoriaux et culturels des populations autochtones.

Nous assisteront à l'appropriation physique de

territoires par les compagnies transnationales, qui seront protégées par des réglementations et des autorités spéciales définies par des organismes privés. La biodiversité des zones sauvages sera contrôlée par de grosses compagnies et la diversité agricole sera écartée par manque de marchés ou simplement déclarée illégale.

Les connaissances locales et autochtones deviendront la propriété d'entreprises et les populations qui les ont créées devront s'abstenir de les partager ou de les utiliser. Ceux qui resteront ou qui seront autorisés à rester dans les zones rurales n'auront qu'à obéir aux règles établies par les compagnies transnationales. En fin de compte, les populations, qu'elles soient urbaines ou rurales, auront à payer les compagnies pour conserver les terres où elles habitent et pour toutes les ressources dont elles auront besoin pour vivre.

C'est l'aberration absurde rendue possible par la ZLEA.


* Cet article est extrait d'un rapport plus long que vous pouvez trouver (en anglais et en espagnol) sur le site de GRAIN www.grain.org ou en le demandant à GRAIN. Le rapport complet passe en revue de manière plus détaillée les dispositions de la ZLEA relatives à l'agriculture et la manière dont la ZLEA conduira à la privatisation des ressources naturelles et des territoires, y compris des territoires autochtones.

Author: GRAIN
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