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Déclaration de la COPAGEN : « Ouvrir un débat populaire autour de l’Avant-projet de règlement portant cadre juridique communautaire de biosécurité »

by COPAGEN | 27 Sep 2011

97 Copagen.jpg 15 Septembre 2011 | Déclaration de la COPAGEN

« Ouvrir un débat populaire autour de l’Avant-projet de règlement portant cadre juridique communautaire de biosécurité »

Depuis plusieurs années, les trois Institutions d’intégration sous-régionale, à savoir, la CEDEAO[1], le CILSS[2] et l’UEMOA[3] se sont engagées dans différentes initiatives d’élaboration de cadres réglementaires de biosécurité. Le Programme Régional de Biosécurité (PRB) proposé par l’UEMOA a finalement été celui qui a pu fédérer les différentes initiatives. L‘un des éléments nouveaux dans ce processus est donc la collaboration affichée de l’UEMOA, de la CEDEAO et du CILSS qui ont décidé, depuis avril 2009, d’abandonner leur programme indépendant de biosécurité en vue « d’évoluer vers une réglementation unique de biosécurité en Afrique de l’Ouest » et « de travailler urgemment à articuler les différentes initiatives en cours (CILSS-CEDEAO et UEMOA) ».

Ce programme est entré dans sa phase critique, avec la publication d’un « avant-projet de règlement portant cadre juridique de biosécurité communautaire » depuis octobre 2010 et l’organisation d’une série de discussions autour dudit document. Ainsi, de huit (8) pays membres de l’UEMOA au départ, cette initiative regroupe aujourd’hui dix sept (17) pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, dont quinze (15) pays de la CEDEAO auxquels s’ajoutent  la Mauritanie et le Tchad.

Le processus d’élaboration de l’Avant-projet de Règlement a été marqué par un certain nombre de faits importants qui nécessitent la prise de position de la société civile en général et de la COPAGEN en particulier. En effet, le manque de cohérence au départ entre les institutions d’intégration sous-régionales, notamment la CEDEAO, le CILSS et l’UEMOA, les délais très courts pour analyser les documents proposés, la lenteur dans la mise en œuvre de la stratégie de communication autour de cette initiative, la très faible participation des populations qui sont les plus exposées aux risques potentiels et avérés des OGM sont entre autres, quelques unes des contraintes qui n’ont pas permis d’aborder les questions essentielles pour avoir une réglementation qui correspond mieux aux aspirations des populations et aux exigences de la protection de la biodiversité.

Il s’avère donc indispensable d’ouvrir un débat populaire autour de ce texte juridique, conformément aux exigences de l’article 13 de la Convention sur la biodiversité et de l’article 23 du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques.

La présente déclaration fait ressortir les analyses de la COPAGEN, fruit d’une  réflexion organisée dans chacun des 9 pays où elle est présente. Les résultats issus de ces concertations nationales ont fait l’objet de synthèse, de discussion et de validation au cours du forum de la COPAGEN tenu à Abidjan du 12 au 15 Septembre 2011. Le contenu du document final de prise de position adopté par les délégués au Forum,  reflète la vision, les aspirations et les ambitions des membres des neuf coalitions nationales[4] et des populations qu’elles représentent. Il porte sur le fond et la forme de l’avant-projet de règlement.

Ainsi :

Du point de vue de la forme :

  • La COPAGEN propose d’opter pour une norme qui donne aux Etats, toute l’amplitude nécessaire de s’approprier la réglementation communautaire dans leur ordre interne. La Directive est tout indiquée, parce que correspondant à cette aspiration. L’Union Européenne l’a si bien compris, l’UEMOA, la CEDEAO et le CILSS devraient en tirer leçon.
  • Pour ce qui est des textes et accords servant de référence pour l’élaboration du cadre juridique communautaire, la COPAGEN propose de s’en tenir strictement aux accords relatifs à la biosécurité et la Convention sur la diversité biologique, afin de prévenir d’éventuels imbroglios juridiques liés aux interprétations multiples et contradictoires. A notre avis, l’avant-projet de règlement fait prévaloir le principe de la libre circulation des OGM, au détriment du principe de précaution. Ceci est en flagrante contradiction avec l’esprit des dispositions pertinentes du Protocole de Cartagena et de la Convention sur la diversité biologique.
  • Nous estimons qu’une référence explicite à la Loi-Type révisée[5] s’impose, d’autant plus qu’elle prend en compte l’essentiel des préoccupations africaines. Nous sommes d’avis qu’il faut absolument faire prévaloir les points de vue saillants de cette Loi-Type révisée dans le texte en gestation, en insistant surtout sur la nécessité de garantir les droits des communautés autochtones.

Du point de vue du fond la COPAGEN exige :

  • Que le règlement donne la possibilité à chacun des pays membres de l’Union, de restreindre et même d’interdire, et ce de façon expresse et à titre principal, les OGM sur leurs territoires, conformément à l’esprit des dispositions du Protocole de Cartagena et des dispositions de la Convention sur la diversité biologique.
  • Qu’un article soit consacré aux droits des communautés locales de vivre dans des zones sans OGM (par exemple, les centres d’origine et les centres de grande diversité dont les aires protégées). Pour ce faire, il conviendra de s’inspirer des dispositions  de l’article 21 de la Loi-Type révisée.
  • Que l’évaluation des risques soit inscrite dans une approche holistique. Cette évaluation devrait se faire au cas par cas, et en considération du contexte comme le recommande l’Annexe III du Protocole de Carthagène, portant sur l’évaluation des risques. L’alinéa 6 de cette annexe dispose que « l’évaluation devrait être effectuée au cas par cas. La nature et le degré de précision de l’information requise peuvent varier selon le cas, en fonction de l’organisme vivant modifié concerné, de son utilisation prévue et du milieu potentiel probable ».
  • Que soit prise en compte la problématique de la coexistence des filières OGM  et non OGM et les risques de contamination des cultures biologiques et conventionnelles par les cultures transgéniques.
  • Que soit abandonnée l’idée de prendre en considération le principe de l’équivalence en substance ou l’équivalent substantiel dans l’évaluation des risques.
  • Que les règles sur la traçabilité et l’étiquetage des produits soient déterminées de façon tangible dans le texte, comme c’est le cas à l’article 14 de la Loi-Type révisée.
  • Que les délais de recours en lien avec la responsabilité des dommages causés par les OGM soient imprescriptibles.


Fait à Abidjan le 15 Septembre 2011
La COPAGEN

S/C INADES-Formation International
Point focal régional COPAGEN
08 BP 8 Abidjan 08
+225 22 40 02 16

 

[1] La Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest

[2] Le Comité permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse au Sahel

[3] L'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

[4] Burkina Faso ; Benin ; Côte d’Ivoire, Guinée ; Guinée Bissau ; Mali ; Niger ; Sénégal ; Togo

[5] « Loi-Type révisée sur la biosécurité en Afrique », publiée par l’Union Africaine

 

Author: COPAGEN