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De Cochabamba à Cancún : il est urgent de trouver de véritables solutions à la crise climatique

by GRAIN | 13 Dec 2010

Après la débâcle du sommet de Copenhague sur le climat en 2009, le gouvernement bolivien a pris une initiative peu commune : il a appelé « les peuples du monde, les mouvements sociaux et tous les défenseurs de la Terre-Mère » à se rassembler, pour analyser les causes sous-jacentes de la crise climatique et essayer de formuler ce qui doit être fait. Ce rassemblement a eu lieu en avril 2010 à Cochabamba, en Bolivie, et a réuni plus de 35 000 personnes venues du monde entier. Pour une fois, les « peuples » - et non pas les gouvernements -  occupaient le centre de la scène et leurs délibérations et leurs conclusions fournissent une base solide qui permet d’aller de l’avant. Si seulement les gouvernements étaient capables d’écouter ! Dans cet article, nous avons choisi de nous concentrer sur les liens mis en évidence à Cochabamba entre le climat, l’alimentation et l’agriculture.

Il semble que le Sommet de Copenhague sur le changement climatique soit vu, de façon (quasi) unanime comme un échec complet. Les gouvernements des pays les plus responsables du réchauffement climatique ont refusé de même discuter les causes principales du changement climatique, et se sont bien gardés d’envisager des solutions sensées. Aux portes du Sommet de Copenhague, les protestations des mouvements sociaux ont été réduites au silence par une violente répression policière et des arrestations préemptives. Pendant ce temps, dans les salles de conférence, les discussions étaient dominées par les pays les plus polluants,  ne laissant aux nations les plus pauvres que le droit d’entériner sans discuter un texte écrit d’avance, s’ils ne voulaient pas perdre les fonds d’adaptation [aux conséquences du changement climatique] dont ils ont désespérément besoin. Ce fut une vraie farce, une trahison, dont le seul aspect positif est qu’il a mis à nu l’absence totale de volonté politique des gouvernements et leur degré de duplicité avec le monde des affaires.

Le prochain Sommet des Nations unies sur le climat aura lieu à Cancún, au Mexique, et on est partout très sceptique quant à la capacité de ce sommet à faire mieux que le dernier. Mais entre temps, il s’est passé quelque chose d’intéressant.

Étant donné le désastre de Copenhague, le gouvernement de Bolivie a décider de prendre une initiative peu commune, en lançant la « Conférence des peuples du monde sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère ». Il s’agissait pour les mouvements sociaux d’exposer leurs idées et leurs expériences sur la façon de mettre fin à la crise climatique. Les objectifs de la conférence (voir encadré) allaient beaucoup plus loin que n’importe quel  processus concernant le climat venant des gouvernements. C’est probablement la seule fois dans l’histoire récente qu’un gouvernement, face à une crise internationale urgente, a lancé un appel aux collectifs, aux associations, aux mouvements et aux communautés, pour mener une réflexion fondamentale sur ce que qui peut et ce qui doit être fait.

Le nombre de participants à la Conférence de Cochabamba a dépassé toutes les attentes : plus de 35 000 personnes sont venues, dont au moins 10 000 de l’étranger. Les discussions ont été réparties en 17 ateliers gérés de façon collective. Les documents émanant de ces groupes de travail sont extrêmement intéressants en soi, en ce sens qu’ils fournissent une base pour des positions internationales qui sont l’écho des points de vue des mouvements sociaux, des organisations de la société civile et des chercheurs. Ils constituent un contrepoids aux textes officiels produits à huit clos par les grandes puissances à Copenhague.

La diversité des expériences, des milieux et des cultures n’a pas été une entrave aux discussions ni aux décisions collectives. Cochabamba illustre donc bien qu’il est possible de travailler ensemble. On pourrait penser qu’il est impossible d’obtenir des propositions précises et cohérentes d’un groupe composé de milliers de personnes avec leurs milliers d’expériences, mais c’est justement ce que Cochabamba a réussi à faire.

Le groupe 17 se concentre sur le système alimentaire

L’un des groupes de travail les plus populaires et les plus importants était le “Groupe 17” que le mouvement mondial paysan Via Campesina avait expressément réclamé pour se pencher sur les relations entre souveraineté alimentaire, agriculture et crise climatique. Le groupe était coordonné par l’association régionale d’Amérique latine de Via Campesina, CLOC-Via Campesina. En fixant le débat dans le cadre de la souveraineté alimentaire, le groupe a pu non seulement analyser les sources majeures de gaz à effet de serre, mais aussi arriver à comprendre la complexité des forces qui provoquent la crise écologique et les diverses autres crises qui affectent la planète : finance, énergie, alimentation, migrations et autres. À partir de là, le groupe a pu identifier des stratégies permettant de freiner le réchauffement global. La souveraineté alimentaire s’est retrouvée au cœur de ces stratégies, en tant que concept central pour les mouvements mondiaux de paysans et d’indigènes et leurs alliances toujours plus nombreuses.

Les objectifs de Cochabamba
  • Analyser les cause structurelles et systémiques du changement climatique et proposer des mesures radicales, pour garantir le bien-être de toute l’humanité en harmonie avec la nature
  • Discuter et se mettre d’accord sur le projet de Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère
  • Parvenir à un accord sur des propositions de nouveaux engagements au Protocole de Kyoto et des projets  de décision COP sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui guideraient les actions futures dans les pays dont la survie est engagée durant les négociations sur le changement climatique et dans tous les scénarios des Nations Unies
  • Travailler à l’organisation du référendum mondial des peuples sur le changement climatique
  • Analyser et développer un plan d’action qui permette la mise en place d’un Tribunal de justice climatique
  • Définir des stratégies d’action et de mobilisation pour défendre la vie contre le changement climatique et défendre les Droits de la Terre- Mère.

Le groupe qui travaillait sur le système alimentaire est parvenu a plusieurs conclusions essentielles, dont la première était :

« L’agrobusiness, par son mode de développement social, économique et culturel dans un cadre de production capitaliste mondialisée… ne satisfait pas le droit à une alimentation adéquate et constitue une cause majeure du changement climatique. Le changement d’utilisation de la terre (déforestation et expansion des frontières agricoles), les monocultures, la production, le marketing et l’usage d’intrants agrochimiques, la transformation alimentaire industrielle et la logistique du transport des denrées sur des milliers de kilomètres pour atteindre le consommateur… sont des causes majeures de la crise climatique et de l’augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition dans le monde. »

Quant à l’eau, ressource fondamentale pour la production de nourriture et la survie, le groupe a remarqué que les grandes entreprises s’en emparaient sans restriction pour mener toutes leurs activités à grande échelle, alors que les peuples perdaient leur accès à l’eau indispensable à leurs propres besoins. Le groupe a aussi critiqué les subventions généreusement allouées pour promouvoir des solutions technologiques risquées pour refroidir la planète, comme les agrocarburants, les OGM, les nanotechnologies, la biologie synthétique, le biochar, les arbres artificiels et la géo-ingénierie. Ces démarches technocratiques ne sont par essence qu’une manière de laisser le monde poursuivre sa voie suicidaire au profit d’une petite minorité.

Le groupe a également condamné les mécanismes dits “propres” d’échange et de spéculation pour détruire les forêts et semer des plantations, sous le prétexte de prévenir le changement climatique. Ce genre de mécanisme crée des marchés de droits à polluer, tout en considérant les communautés rurales comme des larbins et en leur refusant l’accès à leur propre territoire. Il était clair pour le  groupe que les crédits-carbone ne sont qu’une arnaque et que les prétendus projets de Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) sont particulièrement mauvais, car ils privent les peuples des forêts de la gestion de leurs terres pour la confier au marché du carbone.

L’une des principales conclusions du groupe était aussi que :

« L’expansion du libre-échange dans les accords de partenariat économique, les accords de libre-échange et la protection des investissements, pour ne citer que quelques exemples, sont une atteinte directe à la souveraineté des pays et des peuples, à l’autonomie des États et à la capacité des agences internationales à mener des actions multilatérales. »

Les lois sur les semences ont été condamnées parce qu’elles sapent la souveraineté des communautés, en ce qu’elles les privent des fondements mêmes de leur avenir : les semences. De la même façon, les droits de propriété intellectuelle ont été décrits comme « des instruments de privatisation qui détruisent les systèmes de connaissances locaux, traditionnels et scientifiques. » Selon le groupe, « la concentration actuelle de la propriété foncière et l’exploitation des océans par les groupes économiques, les multinationales et les fonds de couverture, tant publics que privés, sont l’une des atteintes les plus sévères et les plus imminentes contre les peuples et leur souveraineté alimentaire. »
Bien sûr, tout ceci a déjà été dit auparavant de diverses façons. Mais la force et la nouveauté résident dans le fait que la collaboration d’un groupe si divers ait réussi à systématiser et réorganiser les réflexions, et à atteindre un consensus sur un tableau aussi dramatique et complexe. En les diffusant plus largement, on peut espérer que ces conclusions pourront servir de guide et de cadre aux actions futures.

Comment continuer

Les conséquences de Cochabamba permettent de voir clairement comment orienter nos luttes concernant le changement climatique. Le refroidissement de la planète doit commencer avec les peuples indigènes et les communautés paysannes qui réclament l’autogestion, la souveraineté alimentaire et l’autonomie. Pour sortir de la crise climatique de façon positive, ces derniers défendent leurs forêts, leurs ressources aquatiques, leurs sources, leurs plantes indigènes, leurs pratiques d’agriculture, d’élevage et de pêche, leurs systèmes de santé et leur médecine traditionnelle. Ils défendent leur territoire et la biodiversité contre les projets de destruction environnementale qui cherchent à extraire des ressources de leurs terres et de leurs eaux. Ils demandent que leur résistance ne soit pas criminalisée.

Les communautés indigènes et paysannes sont capables de refroidir la planète mais comme le souligne la réflexion de Cochabamba, il faut

« une réforme agraire, généralisée et profonde et une reconstitution des territoires des indigènes et des Afro-descendants, la mise en place de politiques participatives tenant compte de la parité hommes-femmes,  de façon que les paysans et les indigènes, leurs cultures et leurs styles de vie retrouvent un rôle central et fondamental, vital dans l’agriculture mondiale pour garantir la souveraineté alimentaire et restaurer l’harmonie qui permettra d’atteindre l’équilibre climatique dans le monde. »

Les solutions véritables exigent d’identifier correctement les causes du changement climatique et de remettre en question le modèle industriel, en particulier l’agrobusiness et le système alimentaire des multinationales, puisque ceux-ci sont responsables de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Et surtout, les solutions véritables exigent de défendre l’agriculture paysanne qui produit la nourriture en fonction des besoins locaux, en-dehors du système alimentaire mondialisé. Cochabamba a permis d’y voir beaucoup plus clair et a contribué à ouvrir un horizon nouveau pour les mobilisations et les actions à long-terme.

Direction :Cancún

On ne sait pas encore si les propositions et la mobilisation de Cochabamba influenceront les négociations gouvernementales officielles ni dans quelle mesure. Mais cette conférence a réussi à stimuler la discussion, c’est le moins qu’on puisse dire. Certaines des conclusions de Cochabamba ont été incorporées dans le texte officiel des Nations unies pour les prochaines négociations. Mais, chose peut-être plus importante, Cochabamba a contribué de façon cruciale à l’avancement de deux idées : Premièrement, que la crise climatique n’est qu’un élément d’une crise environnementale désastreuse bien plus vaste, provoquée par l’expansion incessante des intérêts industriels et commerciaux. Deuxièmement, qu’il existe des solutions viables, si nous nous efforçons d’éliminer les causes du problème.

Le prochain sommet des Nations unies sur le climat aura lieu à Cancún, fin novembre. Déjà on assiste à la mobilisation collective des réseaux, des groupes, des communautés et des associations environnementales venus du monde entier et le rassemblement de Cochabamba a donné un nouvel essor à cette mobilisation. Via Campesina et l’Asamblea Nacional de Afectados Ambientales  (Assemblée nationale des victimes environnementales du Mexique) ont fait alliance pour promouvoir une vaste mobilisation au moment des négociations de Cancún en novembre. De fait, la probabilité que les gouvernements parviennent à un accord important à Cancún peut sembler déjà extrêmement faible, comme le soutient de façon assez convaincante George Monbiot dans les lignes ci-dessous. Cependant, la mobilisation des mouvements sociaux prend de l’ampleur et la compréhension partagée des enjeux et du travail à faire ne cesse de gagner en clarté.


Le processus est mort

George Monbiot

Il est déjà clair que les discussions de décembre sur le climat ne mèneront à rien. Alors qu’est-ce qu’on fait ?

Plus l’échéance approche, plus c’est désespérant. Le mieux qu’on puisse maintenant espérer du sommet de décembre sur le climat, c’est que certains délégués arrivent à rester éveillés durant les réunions. Une fois que les discussions ont échoué, comme ce fut le cas à Copenhague, les gouvernements se désintéressent de la question. Ils ne veulent pas être associés à un échec et n’ont aucune envie de dépenser du temps et de l’argent dans un processus en panne. Neuf ans après avoir été transférées au Mexique après leur échec au Qatar, les négociations sur le commerce mondial restent dans les limbes de la diplomatie. Rien dans la préparation des discussions sur le climat ne suggère qu’on puisse en attendre quoi que ce soit.

Une réunion, prévue en Chine pour le début octobre, est censée préparer le chemin pour Cancún. Ses hôtes ont déjà indiqué clairement que cela ne mènera à rien : Il y a encore, explique un haut responsable chinois du changement climatique, « d’énormes différences entre les pays développés et les pays en développement. » Chacun blâme les autres pour l’échec de Copenhague. Tout le monde insiste que ce sont les autres qui doivent bouger.

Mais personne n’est suffisamment impliqué pour vraiment s’engager. Les désaccords sont à la fois profonds et feutrés. L’ordonnance du docteur n’a pas été écrite et peut-être même ne le sera t-elle jamais, s’il faut sauver la face. Mais la dure réalité est que le processus est bien mort.

Le seul accord mondial pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le Protocole de Kyoto, expire en 2012. Aucun projet réaliste ne permet de penser que le protocole sera remplacé avant la date d’expiration. En effet l’accord existant avait nécessité cinq ans de négociations et huit ans de plus pour être mis en place. Si nous voulons être réalistes sur ce qu’on peut espérer en termes d’actions sur le changement climatique, nous avons nettement régressé par rapport à 1997, et même par rapport à 1992. Et ce n’est pas seulement que nous avons perdu 18 précieuses années : nous avons, durant cette période de bonnes intentions et d’effets d’annonce, fait en réalité un grand bond en arrière.

Les engagements régionaux et nationaux ne sont pas plus encourageants. Une analyse publiée il y a quelques jours par le groupe militant Sandbag fait une estimation de la quantité de carbone qui aura été économisée d’ici la fin de la seconde phase du système d’échanges d’émission de l’Union européenne, en 2012 donc. Après l’échec lamentable de la première phase de ce projet, on nous avait promis que les véritables réductions de carbone commenceraient à se faire vraiment sentir entre 2008 et 2012. Combien de carbone aura t-on alors économisé ? Moins de 0,3 pour cent.

Pire encore, la réduction de la production industrielle due à la récession a permis aux grands pollueurs de monter une banque de permis carbone qu’ils ont le droit de reporter sur la prochaine phase du projet d’échanges. Si rien n’est fait pour annuler ces permis ou pour abaisser le plafonnement (ce qui, au vu de la puissance des lobbies industriels et de la faiblesse de la résolution des gouvernements, est peu probable), ce surplus de permis ne peut que fausser aussi la troisième phase. Contrairement au Protocole de Kyoto, le système d’échanges d’émissions de l’UE, lui, doit perdurer. Il continuera également à ne servir à rien.

Beaucoup de nations, le Royaume-Uni par exemple, ont préparé des plans nationaux de réductions des gaz à effet de serre qui semblent relativement solides. Mais à l’exception des Maldives, leurs objectifs sont loin d’atteindre un niveau qui permettrait de réduire globalement les températures de plus de deux degrés.

De toute façon, aucun de ces plans n’est réel. Les réductions proposées ne tiennent pas compte des émissions nettes de gaz à effet de serre que nous avons délocalisées dans d’autres pays et importons aujourd’hui sous la forme de produits finis. Si ces dernières étaient incluses dans les comptes britanniques, avec les gaz provenant de l’aviation, de l’industrie de la pêche et du tourisme, les émissions du Royaume-Uni augmenteraient de 48  %. Plutôt que d’avoir réduit notre contribution au réchauffement global de 19 % depuis 1990, comme le prétend le gouvernement, nous l’avons augmentée d’environ 29 %. La même histoire se répète dans la plupart des pays développés. Notre succès apparent provient uniquement d’échecs ailleurs.

Un nuage noir plane sur l’ensemble : il est de plus en plus admis que les États-Unis ne vont pas rentrer dans le jeu. Pas cette année, et peut-être même jamais. Si le Congrès n’a pas été capable d’adopter une loi sur le climat si minime qu’elle consistait surtout en une série de failles, alors que Barack Obama était président et que les démocrates avaient la majorité dans les deux chambres, quelles actions peut-on envisager dans un contexte politique différent ? Mardi dernier, on a pu lire dans le Guardian que sur 48 candidats aux élections de novembre au Sénat, un seul acceptait l’idée qu’un changement climatique dû à l’homme soit une réalité. De qui s’agit-il ? De Mike Castle de l’État de Delaware, qui a été battu le lendemain par la candidate du Tea Party Christine O’Donnell, s’appuyant sur pleine chambre de négateurs  de la science. (…)
En d’autres termes, il n’existe pas d’instrument efficace qui puisse à lui seul restreindre le réchauffement global provoqué par l’homme sur la planète. La réponse au changement climatique que Lord Stern a décrit comme étant « le résultat de l’échec du marché le plus grave que le monde ait connu » est le plus grand désastre politique que le monde ait connu.

La Nature ne nous attendra pas. La National Oceanic and Atmospheric Administration du gouvernement américain révèle que les huit premiers mois de 2010 ont été aussi chauds que ceux de 1998, soit une chaleur record. Mais il y a entre ces deux chiffres une différence cruciale : 1998 avait connu un El Niño record [El Niño est la phase chaude de l’oscillation naturelle des températures dans le Pacifique]. En 2010, El Niño a été moins fort (son maximum se situant de façon inhabituelle à environ 1,8°C, plutôt que 2,5°C) et court, par rapport à ceux des années précédentes. Depuis le mois de mai, l’oscillation est dans sa phase froide (La Niña) et cependant, les mois de juin, juillet et août cette année ont été les plus chauds jamais enregistrés. Plus les avertissements sont graves, moins nous sommes capables d’agir.

Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? Comment répondre à cette réalité que nous nous sommes efforcés d’ignorer, à savoir qu’en 18 ans de promesses et de blabla, il ne s’est rien passé ? Les défenseurs de l’environnement ont tendance à  se blâmer eux-mêmes de ces échecs. Peut-être aurions-nous dû aider les gens à mieux apprécier leur vie ? Ou à moins l’apprécier. Peut-être aurions-nous dû susciter plus d’espoir. Ou de désespoir. Peut-être étions nous trop fixés sur nos visions de grandeur. Ou sur des trucs technologiques. Peut-être nous sommes-nous trop rapprochés du monde des affaires. Ou pas assez. La vérité est qu’il n’y a pas – il n’y en a jamais eu – de stratégie dont la réussite est garantie, parce que les puissances auxquelles nous sommes confrontés ont toujours été plus fortes que nous.

Les Verts ne sont qu’une force minable par rapport aux lobbies industriels, au manque de courage des gouvernements et à la tendance naturelle chez les humains de ne pas voir ce que nous ne voulons pas voir. Pour compenser nos faiblesses, nous nous plaisons à imaginer un  pouvoir paternaliste bienveillant qui agirait – même si les mécanismes politiques restent impénétrables, pour le bien de l’humanité. Nous nous sommes permis de croire, qu’avec un peu de pression et quelques protestations, quelque part, dans une lointaine sphère institutionnelle, des gens, qui acceptaient certes des compromis mais tout de même des gens honorables, prendraient soin de nous.  Mais ils ne le feront pas. Ils n’ont jamais eu l’intention de le faire. Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Je ne sais pas. Ces échecs ont exposé non seulement des problèmes politiques familiers mais aussi combien la faiblesse humaine est profondément enracinée. Tout ce que je sais, c’est que nous devons arrêter de rêver d’une réponse institutionnelle qui ne se matérialisera jamais, et commencer à faire face à cette réalité politique que nous avons tenté d’éluder. Cette dans cette optique qu’il faut maintenant réfléchir.


1 – Cet article a été publié initialement dans Le Guardian, le 21 septembre 2010. La version contenant toutes les références en anglais est disponible ici :
http://www.monbiot.com/archives/2010/09/20/the-process-is-dead/  

Author: GRAIN
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