Un changement au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCAIR) est-il possible ?
SEEDLING, par Susanne Gura www.grain.org/fr/seedling/seed-01-9-1-fr.cfm |
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La plus importante organisation mondiale de centres de recherche agronomique publics s'efforce toujours de trouver sa voie. La participation de la société civile dans les travaux du groupe consultatif n'a jamais été aussi importante mais cela ne semble pas faire avancer les choses. Les décisions du Groupe consultatif devant conduire à une gouvernance centralisée qui se concrétisera au mois de mai à Durban en Afrique du Sud, seront prises lors de sa réunion annuelle à Washington à la fin du mois d'octobre. Cet article expose les problèmes que le Groupe consultatif continue d' affronter après une dizaine d'années de mobilisation pour une agriculture adaptée à l'environnement, pour une approche scientifique prenant en compte les savoirs paysans, et pour défendre les biens publics contre la main mise des sociétés privées. Le Groupe consultatif (voir encadré), qui a accompli la Révolution verte des années 60 et 70, doit faire face à des crises institutionnelles et financières depuis le milieu des années 80. Devant son absence de résultats en Afrique, et face à une pression toujours plus grande des bailleurs de fonds en faveur des questions de durabilité, d'équité et de participation, la crise continue. Cela a provoqué une restructuration du programme, et une réduction du nombre des centres internationaux de recherche du Groupe consultatif de 18 à 16, ainsi que des suppressions de postes significatives. Un sommet ministériel a été réuni
en 1994 pour essayer de résoudre cette situation de stagnation
financière et répondre aux demandes pour une recherche
respectant l'environnement.
Une seconde chance de trouver une orientation Entre 1997 et 1999, le GCAIR a été poussé, principalement par les bailleurs de fonds et les organisations de la société civile, à entreprendre une évaluation, la première depuis 17 ans. Cette évaluation, le "Troisième examen à l'échelle du système" a pris beaucoup de temps, d'argent et s'est avérée très ambitieuse. Tous les sujets, sauf celui concernant le nombre de centres, ont du être abordés par les 19 groupes de discussions: la mission du Groupe consultatif, la gouvernance, les stratégies de recherche, et les financements. (voir Seedling, décembre 1998). Mais cet Examen n'a pas été à la hauteur en ce qui concerne la consultation avec les agriculteurs ou les organisations non-gouvernementales. A l'issue de dix-huit mois de discussions avec les scientifiques et les décideurs politiques et avec un coût de 1, 5 millions de dollars, le rapport d'enquête tant attendu ne s'est révélé rien de plus qu'un nouveau feu vert au statu quo, et il n'a pratiquement pas fait avancer la question de la gouvernance. Alors que le "Renouvellement" avait conforté la Groupe consultatif dans sa forme collégiale et informelle, et voté contre l'établissement d'une organisation formelle, l' " Examen " a recommandé le contraire. Il a donc été proposé de créer une structure légale qui servirait d'organe central au système. Trois raisons ont été avancées pour renforcer la centralisation qui permettrait ainsi :
Comme l'Examen avait échoué, un autre processus a été mis en route pour contribuer à l'orientation du GCAIR. Ce processus a impliqué plus de personnes que pour le Renouvellement ou l'Examen, mais celles-ci étaient pour la plupart des membres du GCAIR. Cette dernière initiative a été conduite par le Comité de conseil technique établi à Rome, qui présenta son rapport, "Perspectives et stratégies" à la réunion intermédiaire de mai 2000 à Dresde. Les points principaux présentés lors de cette réunion recommandaient:
La nouvelle stratégie du CCT (Comité de conseil technique) a reçu le feu vert à Dresde et a été adoptée par le GCAIR un peu plus tard dans l'année, en même temps que l'établissement des activités de l'agenda dans une approche régionalisée. Le Forum mondial de la recherche agronomique (FMRA) : coopération ou cooptation? La réunion de Dresde a été accompagnée de la première réunion du Forum mondial de la recherche agronomique, lancée par le GCAIR. Coopérer avec les futurs usagers de la recherche agronomique mondiale a toujours été un défi constant pour le Groupe consultatif. Les chercheurs scientifiques du GCAIR ont trouvé de plus en plus d'intérêt à collaborer avec les ONG, leur objectif principal étant d'atteindre les agriculteurs par les résultats de leurs recherches.
Le FMRA est un forum expérimental et informel qui réunit des instituts de recherche avancée dans le Nord, des instituts nationaux de recherche agronomique dans le sud, des bailleurs de fonds, des industriels, des organisations non-gouvernementales et des organisations paysannes. Le fonctionnement du FMRA est déterminé de la manière suivante: le budget du GCAIR ne couvre que 4% du budget global de la recherche agronomique et les 96 % restant sont fournis par les instituts nationaux de recherche agronomique et les universités (de moins en moins), et par le secteur privé (de plus en plus). L'idée étant que tous ces acteurs faisant partie d'un système global, ils devraient se retrouver au sein d'un même forum pour discuter et établir les priorités. Les ONG font pression sur le Forum mondial de la recherche agronomique pour qu'il joue un rôle réel dans l'établissement du programme de travail du GCAIR, mais il n'est pas évident que cette vision soit partagée par le Groupe consultatif. Certains des représentants de la centaine d'organisations non-gouvernementales et des organisations paysannes des 35 pays qui participaient au Forum de Dresde restaient sceptiques, alors que d'autres gardaient l'espoir que la nature participative et la multiplicité des intérêts en jeu au sein du forum apporteraient un changement significatif. On peut constater que le Forum se concentre étroitement sur la recherche et s'intéresse peu au développement (voir encadré). Pendant le forum de Dresde, les discussions ont tourné autours des solutions technologiques, ignorant les questions plus fondamentales comme celles des sans-terres, l'accès et le contrôle sur les ressources naturelles, les droits des agriculteurs, et la souveraineté alimentaire. Les petits paysans (représentés par Via Campesina) se sont vus accorder la parole seulement à la dernière minute, et suite à une demande émanant des organisations de la société civile. Le Forum était censé aboutir à une Perspective commune mondiale, adoptée par tous les participants. Mais les groupes de la société civile n'ont pas pu adopter la déclaration finale, à cause des positions du Forum promouvant le génie génétique et la libéralisation du marché, dans le monde agricole, et son ouverture lourde de conséquences à l'influence du secteur privé sur la recherche agronomique publique. Malgré les protestations des organisations non-gouvernementales, le président du FMRA, RS Paroda, n'a cessé de déclarer que tous les groupes d'intérêts avaient adopté la déclaration de Perspective commune. Ce revirement a alimenté les craintes des groupes de la société civile de voir que le Forum était plus intéressé par la cooptation que par une réelle collaboration. Les premières réalisations concrètes du Forum ont renforcé ces inquiétudes. La première étude pilote accomplie en Amérique centrale s'est heurtée à la résistance locale. Les représentants de huit organisations de petits paysans, de huit organisations non-gouvernementales et de deux universités de la région se sont récemment rencontrés au Costa Rica afin de débattre des priorités établies par l'enquête pilote mise en place par le Forum mondial et son antenne régionale (FORAGRO). Leur Déclaration de Guacimo affirme que l'enquête du Forum et du Foragro, censée élargir la participation, en a jusqu'à présent exclu les paysans, les populations indigènes, les organisations non-gouvernementales et les universités. Ils demandent que le projet soit recommencé en partant réellement de la base. Les temps changent. Alors que les demandes pour une restructuration et une transformation de la gouvernance au sein du GCAIR continuent, une équipe travaillant à l'élaboration et à la gestion du changement (Change Design and Management Team (CDMT)) a été mis en place lors de la Semaine des centres internationaux en octobre 2000. Cette équipe a rédigé des propositions concrètes sur les questions de gouvernance, d'organisation et de structuration qui seront présentées à la réunion du Groupe consultatif en 2001 à Durban, en Afrique du Sud. Toutes les parties insistaient pour que le processus soit pour une fois ouvert et participatif, mais les résultats n'ont pas montré aux ONG qu'elles avaient été plus écoutées qu'auparavant. Les propositions du CDMT pourraient conduire à plus de centralisation et ont en fait écarté les propositions de régionalisation du Comité de conseil technique. La Fondation internationale pour l'avancement rural (Rural Advancement Foundation International - RAFI) et le Forum allemand pour l'environnement et le développement ont proposé une stratégie alternative de régionalisation. Ils ont contesté l'idée que pour adopter une stratégie de gouvernance régionale, le GCAIR devrait réduire les dépenses des centres de manière radicale. Ils ont plutôt suggéré de réduire le nombre de membres des équipes internationales à 500 personnes en créant des groupements régionaux de scientifiques qui opèreraient comme catalyseurs, animateurs et chercheurs en partenariat avec les organisations paysannes, les organisations non-gouvernementales et les autres groupes. De cette manière, le GCAIR pourrait réduire les dépenses courantes annuelles à 60 millions de dollars, libérant près de 290 millions de dollars par an pour les programmes régionaux et inter-régionaux. En même temps qu'une participation et un soutien plus grand attribués au Forum mondial, et en particulier aux forums régionaux, de nombreux problèmes existant depuis longtemps et relatifs à la gouvernance et aux financements pourraient être résolus. Et cela pourrait stimuler les coopérations nationales et régionales. Les organisations non-gouvernementales africaines présentes à la réunion de Durban n'ont pas trouvé beaucoup de points communs entre leurs priorités en recherche agronomique et celles du GCAIR (voir encadré). Les demandes des organisations non-gouvernementales pour la régionalisation ont été ignorées. Les délégués sont parvenus à prendre quatre décisions majeures, dans la lignée des propositions du Comité de conseil technique:
Ces changements proposés peuvent conduire à
centraliser le pouvoir à Washington. Ils vont à l'encontre
des propositions des ONG pour une régionalisation. Certains bailleurs de fonds ne sont pas pressés de fournir de nouveaux financements pour ces programmes. Au contraire, ils préfèreraient transférer leur financement habituel aux programmes prioritaires, ne serait-ce que pour forcer les centres à se restructurer et à collaborer plus étroitement avec les systèmes de recherches agronomiques nationaux et régionaux dans le Sud. Mais certains observateurs font remarquer que les propositions existantes pour des programmes potentiels ne semblent pas plus faire partie des priorités régionales que d'autres programmes du GCAIR. Ils font valoir que cette priorité régionale reste tout à fait théorique sans incitation financière. Le rôle que les programmes prioritaires joueront par rapport aux programmes du GCAIR reste flou et la manière dont ces décisions seront mises en pratique n'est toujours pas claire. Elle sera décidée au cours de la réunion annuelle de l'assemblée générale, en octobre prochain à Washington. Un conseil exécutif intérimaire a été chargé de présenter des propositions spécifiques sur la manière de développer et de mettre en oeuvre les nouveaux programmes, la composition et les procédures de travail du Conseil exécutif, les fonctions et les modalités du Bureau des systèmes , ainsi que le Conseil scientifique. Les futurs statuts légaux des programmes de
systèmes du GCAIR y compris ceux concernant les ressources génétiques
dans les banques de gènes du Groupe consultatif, sa politique
sur les brevets et les droits de propriété intellectuelle
n'ont pas été convenablement négociés à
Durban. Le GCAIR et la recherche publique dans son ensemble bénéficieront
largement de l'adoption de "L'engagement international sur les
ressources génétiques" prévu pendant la Conférence
de la FAO en novembre, et devraient faire pression sur les membres de
la FAO pour qu'ils le ratifient. Mais la question reste en suspend de
savoir si, et par quels moyens, les centres du GCAIR pourront assurer
leur position en tant que producteurs de biens publics mondiaux en s'engageant
profondément dans des partenariats privé-public alors
que les objectifs et les termes qui les définissent restent flous.
Conclusions: Il est impressionnant de voir combien de temps, d'énergie et de ressources ont été consacrées à la réorientation du Groupe consultatif au cours des sept dernières années. Le "Renouvellement", l'Examen, le Forum Mondial, le Comité de Conseil Technique, tous inscrits en lettres majuscules et annoncés en fanfare, ont eu en fait très peu d'effets sur le Groupe consultatif. Rien de bien déterminant en matière de changement n'en ressort jusqu'à présent. Au mieux, on est parvenu à quelques tours de passe-passe organisationnels, et à cette occasion, le GCAIR a commencé à révéler les mécanismes quasi secrets de son fonctionnement. Cependant le Groupe consultatif a aussi instauré l'habitude dérangeante de solliciter la participation de la société civile, quoiqu'en ignorant son influence et son action tout aussi unilatéralement qu'auparavant. De nombreuses ONG et organisations paysannes ont déjà renoncé au GCAIR à cause de sa mauvaise volonté à prendre en compte leurs problèmes et leurs préoccupations. Mais le GCAIR n'est pas monolithique. Les ONG peuvent trouver un soutien considérable auprès de quelques décideurs à l'intérieur du système, concernant les questions qu'ils défendent, sur la recherche et le développement orientés vers l'écologie et intégrant les populations, et ces bailleurs de fonds considèrent les ONG comme des alliés valables. Les ONG ont été admises dans les commissions où sont prises les décisions. Certains membres du GCAIR prennent enfin en considération la possibilité d'une commission d'agriculteurs qui évalueront la pertinence des propositions et des sujets de recherche, et de représentants des agriculteurs et des ONG dans des Groupes de direction des programmes d'orientation. C'est le résultat du combat incessant des ONG à l'intérieur et à l'extérieur de leur Commission. Toutefois, les ONG sont encore rarement écoutées. A moins qu'il n'agisse bientôt, le GCAIR risque de se couper lui-même des bailleurs de fonds et des ONG qui l' ont patiemment encouragé à trouver sa voie toutes ces années. Sans leur soutien, le fonctionnement du GCAIR deviendra obsolète. Susan Gura dirige le projet de recherche agronomique
international au sein de l'ONG allemande Forum pour l'environnement
et le développement, Bonn, Allemagne, Sources principales :
Référence pour cet article : Gura S, 2001, Change and the CGIAR: A contradiction in terms, Seedling, Volume 18, Issue 3, September 2001, GRAIN Publications Lien sur internet : www.grain.org/fr/seedling/seed-01-9-1-fr.cfm
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Un changement au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale est-il possible ?
by S. Gura | 2 Sep 2001Author: S. Gura
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