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Un changement au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale est-il possible ?

by S. Gura | 2 Sep 2001

Un changement au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCAIR) est-il possible ?

 

SEEDLING,
Septembre 2001

par Susanne Gura

www.grain.org/fr/seedling/seed-01-9-1-fr.cfm

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La plus importante organisation mondiale de centres de recherche agronomique publics s'efforce toujours de trouver sa voie. La participation de la société civile dans les travaux du groupe consultatif n'a jamais été aussi importante mais cela ne semble pas faire avancer les choses. Les décisions du Groupe consultatif devant conduire à une gouvernance centralisée qui se concrétisera au mois de mai à Durban en Afrique du Sud, seront prises lors de sa réunion annuelle à Washington à la fin du mois d'octobre. Cet article expose les problèmes que le Groupe consultatif continue d' affronter après une dizaine d'années de mobilisation pour une agriculture adaptée à l'environnement, pour une approche scientifique prenant en compte les savoirs paysans, et pour défendre les biens publics contre la main mise des sociétés privées.

Le Groupe consultatif (voir encadré), qui a accompli la Révolution verte des années 60 et 70, doit faire face à des crises institutionnelles et financières depuis le milieu des années 80. Devant son absence de résultats en Afrique, et face à une pression toujours plus grande des bailleurs de fonds en faveur des questions de durabilité, d'équité et de participation, la crise continue. Cela a provoqué une restructuration du programme, et une réduction du nombre des centres internationaux de recherche du Groupe consultatif de 18 à 16, ainsi que des suppressions de postes significatives.

Un sommet ministériel a été réuni en 1994 pour essayer de résoudre cette situation de stagnation financière et répondre aux demandes pour une recherche respectant l'environnement.
Sous la nouvelle présidence de Ismael Serageldin, alors responsable des questions de développement pour un environnement durable à la Banque mondiale, on espérait beaucoup que cette réunion provoquerait une restructuration profonde du Groupe consultatif. Mais le processus de réorientation et de réorganisation du GCRAI (le " processus de renouvellement "), lancé lors de cette réunion, se révéla en l'occurrence très superficiel et confirma le statu quo. Bien qu'il ait échoué à faire rentrer plus de moyens financiers, le "Renouvellement" a pu en suspendre la diminution envisagée et a servi a remonter le moral de l'équipe du Groupe consultatif.


Qu'est-ce que le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale ?

Le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCAIR) est une association informelle composée de 58 membres (22 pays en développement, 21 pays industrialisés, 3 fondations privées, et 12 organisations régionales et internationales). Il a été créé en 1971 par les fondations Ford et Rockefeller et par la Banque mondiale. Le PNUD (Programme des nations Unies pour le développement) et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture) participent à son financement.

Ces dix dernières années, son budget annuel s'élevait à 340 millions de dollars environ. La mission de ce Groupe consultatif est de contribuer à la sécurité alimentaire et à l'allègement de la pauvreté dans les pays en développement, par le biais de la recherche agronomique, le renforcement des capacités et l'appui aux politiques publiques. Il agit par l'intermédiaire de 16 centres internationaux de recherche agronomique, qui se dénomment eux-mêmes centres de la "Récolte future" (" Future Harvest ") et emploient plus de 8500 scientifiques et techniciens dans plus de 100 pays. Les membres du Groupe consultatif se réunissent habituellement deux fois par an, au mois d'octobre lors de la Semaine des Centres internationaux à Washington, pour établir un bilan et planifier les actions et en mai pour une réunion intermédiaire. Les réunions intermédiaires seront abandonnées en 2002 et remplacées par des réunions plus fréquentes du Conseil exécutif restreint.

Les programmes de recherche des centres internationaux du Groupe consultatif se sont ouverts, dans les années 70, aux programmes sur les racines et les tubercules, les légumes, le bétail, les ressources génétiques et la recherche sur les zones arides; et dans les années 80, pour inclure le renforcement institutionnel et la recherche sur les politiques alimentaires. Dans les années 90, les programmes ont inclus l'agroforesterie, la foresterie, la gestion des ressources naturelles et celle des ressources aquatiques. Au cours de ces dernières dizaines d'années, les chercheurs ont transféré certains de leurs travaux de recherche en dehors des stations pour mener des essais dans les champs des agriculteurs. Certains commencèrent à réorienter leurs travaux et passèrent de la recherche sur les produits à la recherche sur les systèmes agricoles. Les centres sont des institutions autonomes mais ils commencent à collaborer les uns avec les autres dans des programmes à l'échelle du système sur des sujets tels que la recherche participative, la gestion intégrée des traitements insecticides, l'action communautaire et les droits de propriété. Ils commencent aussi à solliciter la participation de partenaires de recherche en dehors du système du GCAIR, principalement celle des instituts nationaux de recherche agronomique, mais parfois aussi celle des organisations non-gouvernementales.

 

Une seconde chance de trouver une orientation

Entre 1997 et 1999, le GCAIR a été poussé, principalement par les bailleurs de fonds et les organisations de la société civile, à entreprendre une évaluation, la première depuis 17 ans. Cette évaluation, le "Troisième examen à l'échelle du système" a pris beaucoup de temps, d'argent et s'est avérée très ambitieuse. Tous les sujets, sauf celui concernant le nombre de centres, ont du être abordés par les 19 groupes de discussions: la mission du Groupe consultatif, la gouvernance, les stratégies de recherche, et les financements. (voir Seedling, décembre 1998).

Mais cet Examen n'a pas été à la hauteur en ce qui concerne la consultation avec les agriculteurs ou les organisations non-gouvernementales. A l'issue de dix-huit mois de discussions avec les scientifiques et les décideurs politiques et avec un coût de 1, 5 millions de dollars, le rapport d'enquête tant attendu ne s'est révélé rien de plus qu'un nouveau feu vert au statu quo, et il n'a pratiquement pas fait avancer la question de la gouvernance. Alors que le "Renouvellement" avait conforté la Groupe consultatif dans sa forme collégiale et informelle, et voté contre l'établissement d'une organisation formelle, l' " Examen " a recommandé le contraire. Il a donc été proposé de créer une structure légale qui servirait d'organe central au système.

Trois raisons ont été avancées pour renforcer la centralisation qui permettrait ainsi :

d'assurer une gestion adéquate de la question des droits de propriété intellectuelle à l'intérieur du GCAIR. Parmi les questions soulevées, l'Examen avait justement mis en lumière l'importance croissante du programme du GCAIR sur les biotechnologies et son orientation de plus en plus affirmée vers le secteur privé.

de garantir une diversification plus grande des sources de financement.

et d'étudier les positions défendues par le Groupe consultatif. Les plus importantes étant celles ayant trait aux droits des agriculteurs et aux droits de propriété intellectuelle.



Les membres du GCAIR ont rejeté la proposition de création d'un organe central. A la place, un Conseil consultatif a été établi pour définir les politiques du GCAIR. Cela signifie que les principaux bailleurs de fonds se réunissent désormais plus de deux fois par an, et en petit comité.

Comme l'Examen avait échoué, un autre processus a été mis en route pour contribuer à l'orientation du GCAIR. Ce processus a impliqué plus de personnes que pour le Renouvellement ou l'Examen, mais celles-ci étaient pour la plupart des membres du GCAIR. Cette dernière initiative a été conduite par le Comité de conseil technique établi à Rome, qui présenta son rapport, "Perspectives et stratégies" à la réunion intermédiaire de mai 2000 à Dresde. Les points principaux présentés lors de cette réunion recommandaient:

de mettre l'accent sur les questions relatives à l'allègement de la pauvreté et de la faim;

de mettre l'accent sur les questions relatives à l'allègement de la pauvreté et de la faim;

d'appliquer les recherches "de pointe" portant sur les questions relatives à la pauvreté et à l'insécurité alimentaire;

de donner la priorité aux régions de l'Afrique sub-saharienne et de l'Asie du Sud;

de favoriser l'approche régionale à la mise en place et à la planification de la recherche;

de rechercher de nouveaux partenaires pour améliorer l'identification des problèmes, la recherche et la diffusion des résultats;

de créer des groupes spécialisés pour répondre aux enjeux prioritaires;

et de servir de catalyseur dans l'organisation de la recherche agronomique mondiale.

La nouvelle stratégie du CCT (Comité de conseil technique) a reçu le feu vert à Dresde et a été adoptée par le GCAIR un peu plus tard dans l'année, en même temps que l'établissement des activités de l'agenda dans une approche régionalisée.

Le Forum mondial de la recherche agronomique (FMRA) : coopération ou cooptation?

La réunion de Dresde a été accompagnée de la première réunion du Forum mondial de la recherche agronomique, lancée par le GCAIR. Coopérer avec les futurs usagers de la recherche agronomique mondiale a toujours été un défi constant pour le Groupe consultatif. Les chercheurs scientifiques du GCAIR ont trouvé de plus en plus d'intérêt à collaborer avec les ONG, leur objectif principal étant d'atteindre les agriculteurs par les résultats de leurs recherches.


Les objectifs du Forum 2000:

développer une Perspective mondiale commune pour la recherche agronomique et le développement;

promouvoir des partenariats de recherche dans les domaines scientifiques majeurs suivants:

1)

la gestion des ressources génétiques et les biotechnologies;

2)

la gestion des ressources naturelles et l'agroécologie;

3)

la chaîne alimentaire (y compris les cultures commerciales et sous-utilisées ne faisant pas partie des programmes du GCAIR);

4)

la gestion des politiques agricoles.

développer une Organisation de partage des savoirs agricoles au niveau mondial.


La recherche participative a été développée de manière extrêmement limitée dans les centres internationaux du GCAIR, plus de manière superficielle, en façade, que comme approche fondamentale. En 1995, la mise en place de Commissions de représentants d'ONG et du secteur privé a élargi la participation à la gouvernance au GCAIR, mais les agriculteurs n'étaient toujours pas représentés.

Le FMRA est un forum expérimental et informel qui réunit des instituts de recherche avancée dans le Nord, des instituts nationaux de recherche agronomique dans le sud, des bailleurs de fonds, des industriels, des organisations non-gouvernementales et des organisations paysannes. Le fonctionnement du FMRA est déterminé de la manière suivante: le budget du GCAIR ne couvre que 4% du budget global de la recherche agronomique et les 96 % restant sont fournis par les instituts nationaux de recherche agronomique et les universités (de moins en moins), et par le secteur privé (de plus en plus). L'idée étant que tous ces acteurs faisant partie d'un système global, ils devraient se retrouver au sein d'un même forum pour discuter et établir les priorités. Les ONG font pression sur le Forum mondial de la recherche agronomique pour qu'il joue un rôle réel dans l'établissement du programme de travail du GCAIR, mais il n'est pas évident que cette vision soit partagée par le Groupe consultatif.

Certains des représentants de la centaine d'organisations non-gouvernementales et des organisations paysannes des 35 pays qui participaient au Forum de Dresde restaient sceptiques, alors que d'autres gardaient l'espoir que la nature participative et la multiplicité des intérêts en jeu au sein du forum apporteraient un changement significatif. On peut constater que le Forum se concentre étroitement sur la recherche et s'intéresse peu au développement (voir encadré). Pendant le forum de Dresde, les discussions ont tourné autours des solutions technologiques, ignorant les questions plus fondamentales comme celles des sans-terres, l'accès et le contrôle sur les ressources naturelles, les droits des agriculteurs, et la souveraineté alimentaire. Les petits paysans (représentés par Via Campesina) se sont vus accorder la parole seulement à la dernière minute, et suite à une demande émanant des organisations de la société civile. Le Forum était censé aboutir à une Perspective commune mondiale, adoptée par tous les participants. Mais les groupes de la société civile n'ont pas pu adopter la déclaration finale, à cause des positions du Forum promouvant le génie génétique et la libéralisation du marché, dans le monde agricole, et son ouverture lourde de conséquences à l'influence du secteur privé sur la recherche agronomique publique. Malgré les protestations des organisations non-gouvernementales, le président du FMRA, RS Paroda, n'a cessé de déclarer que tous les groupes d'intérêts avaient adopté la déclaration de Perspective commune. Ce revirement a alimenté les craintes des groupes de la société civile de voir que le Forum était plus intéressé par la cooptation que par une réelle collaboration.

Les premières réalisations concrètes du Forum ont renforcé ces inquiétudes. La première étude pilote accomplie en Amérique centrale s'est heurtée à la résistance locale. Les représentants de huit organisations de petits paysans, de huit organisations non-gouvernementales et de deux universités de la région se sont récemment rencontrés au Costa Rica afin de débattre des priorités établies par l'enquête pilote mise en place par le Forum mondial et son antenne régionale (FORAGRO). Leur Déclaration de Guacimo affirme que l'enquête du Forum et du Foragro, censée élargir la participation, en a jusqu'à présent exclu les paysans, les populations indigènes, les organisations non-gouvernementales et les universités. Ils demandent que le projet soit recommencé en partant réellement de la base. Les temps changent.

Alors que les demandes pour une restructuration et une transformation de la gouvernance au sein du GCAIR continuent, une équipe travaillant à l'élaboration et à la gestion du changement (Change Design and Management Team (CDMT)) a été mis en place lors de la Semaine des centres internationaux en octobre 2000. Cette équipe a rédigé des propositions concrètes sur les questions de gouvernance, d'organisation et de structuration qui seront présentées à la réunion du Groupe consultatif en 2001 à Durban, en Afrique du Sud. Toutes les parties insistaient pour que le processus soit pour une fois ouvert et participatif, mais les résultats n'ont pas montré aux ONG qu'elles avaient été plus écoutées qu'auparavant.

Les propositions du CDMT pourraient conduire à plus de centralisation et ont en fait écarté les propositions de régionalisation du Comité de conseil technique. La Fondation internationale pour l'avancement rural (Rural Advancement Foundation International - RAFI) et le Forum allemand pour l'environnement et le développement ont proposé une stratégie alternative de régionalisation. Ils ont contesté l'idée que pour adopter une stratégie de gouvernance régionale, le GCAIR devrait réduire les dépenses des centres de manière radicale. Ils ont plutôt suggéré de réduire le nombre de membres des équipes internationales à 500 personnes en créant des groupements régionaux de scientifiques qui opèreraient comme catalyseurs, animateurs et chercheurs en partenariat avec les organisations paysannes, les organisations non-gouvernementales et les autres groupes.

De cette manière, le GCAIR pourrait réduire les dépenses courantes annuelles à 60 millions de dollars, libérant près de 290 millions de dollars par an pour les programmes régionaux et inter-régionaux. En même temps qu'une participation et un soutien plus grand attribués au Forum mondial, et en particulier aux forums régionaux, de nombreux problèmes existant depuis longtemps et relatifs à la gouvernance et aux financements pourraient être résolus. Et cela pourrait stimuler les coopérations nationales et régionales.

Les organisations non-gouvernementales africaines présentes à la réunion de Durban n'ont pas trouvé beaucoup de points communs entre leurs priorités en recherche agronomique et celles du GCAIR (voir encadré). Les demandes des organisations non-gouvernementales pour la régionalisation ont été ignorées. Les délégués sont parvenus à prendre quatre décisions majeures, dans la lignée des propositions du Comité de conseil technique:

la création d'un petit Comité exécutif et le remplacement des réunions bi-annuelles par une assemblée générale annuelle. La question de la participation reste un problème puisque tous les membres ne seront pas représentés dans les réunions du Conseil. Les organisations d'agriculteurs ont de nouveau été grugées car aucun siège n'a été prévu pour elles au Conseil, et le président a mis de l'huile sur le feu quand il a déclaré que les agriculteurs formaient la majeure partie du secteur privé.

la transformation du Comité de conseil technique en Conseil scientifique;

la création d'un Bureau des systèmes (Systems Office), localisé à Washington, qui conjuguerait les fonctions de secrétariat du GCAIR, les relations publiques et les recherches de financements. Le lancement d'une série de programmes prioritaires (Challenge Programs) afin de réorienter l'agenda du GCAIR concernant la recherche. Ces mesures visent à établir des relations et à élargir les partenariats extérieurs entre les Systèmes de recherche agronomique nationaux, le Forum mondial, et les organisations régionales, dans l'espoir de générer un processus conduit par la demande, du bas vers le haut, pour définir et identifier les programmes prioritaires.


L'appel des organisations non-gouvernementales africaines pour une recherche menée par les agriculteurs :

Les débats concernant une recherche menée par les agriculteurs ont dominé les discussions des organisations non-gouvernementales et celles des petits paysans au cours de la dernière réunion du GCAIR en Afrique du Sud. Quelques 30 représentants d'organisations des pays d'Afrique de l'Est et du Sud ont déclaré que la recherche avait toujours ignoré les besoins des pauvres et des paysans marginalisés. Or, les questions de recherche concernant les préoccupations fondamentales des pauvres devraient être prises en compte en priorité. Cela signifie qu'il faudrait inclure la question du développement dans les programmes de recherche du GCAIR. Dans cette perspective, il est demandé au Groupe consultatif:

de s'orienter vers les questions éco-régionales plutôt que vers les questions centrées sur les produits;

d'encourager la recherche menée par les agriculteurs afin de développer une technologie nécessitant peu d'intrants extérieurs pour améliorer la productivité;

de mettre la recherche au service de l'utilisation, de la conservation et de la promotion de la biodiversité agricole et des pratiques traditionnelles qui y sont associées;

d'étudier l'impact du commerce et des autres politiques sur les petits propriétaires paysans et sur les chercheurs;

d'analyser et d'améliorer la fertilité du sol et de la gestion de l'eau dans les régions où vivent les petits propriétaires paysans.

Les délégués des ONG ont recommandé que des relations de collaboration soient établies entre le GCAIR et le monde des ONG. Cela semble logique puisqu'en principe, ils travaillent tous pour le même objectif: l'allègement de la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie des populations. Pour que cette collaboration soit possible, les organisations dirigées par les paysans doivent bénéficier des mêmes statuts que les autres comités et participants aux débats du GCAIR. Les ONG doivent aussi se tenir plus informées concernant l'innovation paysanne pour que le Comité des ONG fournisse des informations pertinentes au GCAIR. Les programmes de recherche doivent s'orienter vers la mise au point d'une technologie intégrant savoirs locaux et savoirs scientifiques adéquats, un respect accru pour les savoirs locaux et ses évolutions, et une collaboration avec les autres acteurs du développement. Les instituts de recherche doivent ancrer leur travail dans la réalité locale.

Bien que le GCAIR déclare avoir accompli des progrès considérables, très peu ont contribué à accroître la sécurité alimentaire dans l'Est et le Sud de l'Afrique, ni les revenus des paysans pauvres dont il était censé aider à diminuer la pauvreté. La question la plus importante posée au GCAIR et qui a été laissée sans réponse au cour de la réunion de Durban a été : " Qui écoutez-vous pour établir les programmes de recherche, et pourquoi?".

Source:
Mutizwa Mukute,
PELUM Association,
PO Box MP1059,
Mt Pleasant, Harare, Zimbabwe.
Tél.: (263-4) 744117/744237/744509,
fax: (263-4) 744470,
E-mail: [email protected]

 

Ces changements proposés peuvent conduire à centraliser le pouvoir à Washington. Ils vont à l'encontre des propositions des ONG pour une régionalisation.
Si la proposition pour les programmes prioritaires est suivie, deux ou trois programmes seront déterminés pour commencer, et mis en oeuvre avec de nouveaux financements. Cela sera suivi par la restructuration de 50% des Programmes du système de recherche pendant une période de cinq ans. Que cette réorientation apporte ou non des financement supplémentaires reste à voir.

Certains bailleurs de fonds ne sont pas pressés de fournir de nouveaux financements pour ces programmes. Au contraire, ils préfèreraient transférer leur financement habituel aux programmes prioritaires, ne serait-ce que pour forcer les centres à se restructurer et à collaborer plus étroitement avec les systèmes de recherches agronomiques nationaux et régionaux dans le Sud. Mais certains observateurs font remarquer que les propositions existantes pour des programmes potentiels ne semblent pas plus faire partie des priorités régionales que d'autres programmes du GCAIR. Ils font valoir que cette priorité régionale reste tout à fait théorique sans incitation financière. Le rôle que les programmes prioritaires joueront par rapport aux programmes du GCAIR reste flou et la manière dont ces décisions seront mises en pratique n'est toujours pas claire. Elle sera décidée au cours de la réunion annuelle de l'assemblée générale, en octobre prochain à Washington. Un conseil exécutif intérimaire a été chargé de présenter des propositions spécifiques sur la manière de développer et de mettre en oeuvre les nouveaux programmes, la composition et les procédures de travail du Conseil exécutif, les fonctions et les modalités du Bureau des systèmes , ainsi que le Conseil scientifique.

Les futurs statuts légaux des programmes de systèmes du GCAIR y compris ceux concernant les ressources génétiques dans les banques de gènes du Groupe consultatif, sa politique sur les brevets et les droits de propriété intellectuelle n'ont pas été convenablement négociés à Durban. Le GCAIR et la recherche publique dans son ensemble bénéficieront largement de l'adoption de "L'engagement international sur les ressources génétiques" prévu pendant la Conférence de la FAO en novembre, et devraient faire pression sur les membres de la FAO pour qu'ils le ratifient. Mais la question reste en suspend de savoir si, et par quels moyens, les centres du GCAIR pourront assurer leur position en tant que producteurs de biens publics mondiaux en s'engageant profondément dans des partenariats privé-public alors que les objectifs et les termes qui les définissent restent flous.
L'institut de recherche internationale sur le riz a minimisé l'importance du riz doré qu'il avait été si prompt à annoncer aux médias trois mois plus tôt. Par contre, il a publié un communiqué de presse insistant sur le caractère plus ambitieux du projet de l'IRRI, visant à l'élimination de la pauvreté au Bangladesh grâce à l'aide à la recherche sur le riz, et présentant ce projet comme conduit par les agriculteurs, participatif, et sans OGM. Les progrès se font dans le domaine des droits de propriété plutôt que dans celui des droits de propriété intellectuelle…

Conclusions:

Il est impressionnant de voir combien de temps, d'énergie et de ressources ont été consacrées à la réorientation du Groupe consultatif au cours des sept dernières années. Le "Renouvellement", l'Examen, le Forum Mondial, le Comité de Conseil Technique, tous inscrits en lettres majuscules et annoncés en fanfare, ont eu en fait très peu d'effets sur le Groupe consultatif. Rien de bien déterminant en matière de changement n'en ressort jusqu'à présent. Au mieux, on est parvenu à quelques tours de passe-passe organisationnels, et à cette occasion, le GCAIR a commencé à révéler les mécanismes quasi secrets de son fonctionnement. Cependant le Groupe consultatif a aussi instauré l'habitude dérangeante de solliciter la participation de la société civile, quoiqu'en ignorant son influence et son action tout aussi unilatéralement qu'auparavant.

De nombreuses ONG et organisations paysannes ont déjà renoncé au GCAIR à cause de sa mauvaise volonté à prendre en compte leurs problèmes et leurs préoccupations. Mais le GCAIR n'est pas monolithique. Les ONG peuvent trouver un soutien considérable auprès de quelques décideurs à l'intérieur du système, concernant les questions qu'ils défendent, sur la recherche et le développement orientés vers l'écologie et intégrant les populations, et ces bailleurs de fonds considèrent les ONG comme des alliés valables. Les ONG ont été admises dans les commissions où sont prises les décisions. Certains membres du GCAIR prennent enfin en considération la possibilité d'une commission d'agriculteurs qui évalueront la pertinence des propositions et des sujets de recherche, et de représentants des agriculteurs et des ONG dans des Groupes de direction des programmes d'orientation. C'est le résultat du combat incessant des ONG à l'intérieur et à l'extérieur de leur Commission. Toutefois, les ONG sont encore rarement écoutées. A moins qu'il n'agisse bientôt, le GCAIR risque de se couper lui-même des bailleurs de fonds et des ONG qui l' ont patiemment encouragé à trouver sa voie toutes ces années. Sans leur soutien, le fonctionnement du GCAIR deviendra obsolète.

Susan Gura dirige le projet de recherche agronomique international au sein de l'ONG allemande Forum pour l'environnement et le développement, Bonn, Allemagne,
Tél.: (49-228) 948 06 70;
e-mail: [email protected];
Web: www.forumue.de


Sources principales :

CGIAR (1995), Renewal of the CGIAR. Ministerial-Level Meeting, Lucerne, Switzerland, February 1995. Summary of Proceedings and Decisions, CGIAR, Washington DC. www.cgiar.org

German NGO Forum Envi't & Dev't (2000), Food without Farmers. Agricultural Research Needs a Profoundly Changed CGIAR, May 2001. Available at: www.forumue.de

CGIAR (1998), Shaping the CGIAR's Future. The CGIAR System Review Report, Sept. 1998.

GRAIN (1998), "The CGIAR System-wide Review," Seedling, December 1998.

RAFI and German NGO Forum Env't and Dev't (2001), In Search of Common Ground II. CDMT - Can Dinosaurs Make Teammates? May 2001.

German NGO Forum Env't & Dev't (2000): Food For All - Farmers First In Research. Workshop report, October 2000.

Ann Waters-Bayer (2001), Update on Change in the CG System: Interim ExecutiveCouncil Meeting, Bonn, 7-8 September 2001, unpublished paper.


Référence pour cet article : Gura S, 2001, Change and the CGIAR: A contradiction in terms, Seedling, Volume 18, Issue 3, September 2001, GRAIN Publications

Lien sur internet : www.grain.org/fr/seedling/seed-01-9-1-fr.cfm


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Author: S. Gura
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