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Dernière chance pour un régime de libre accès ?

by GRAIN | 1 Jun 2001

Dernière chance pour un régime de libre accès ?

 

GRAIN
Juin 2000

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La renégociation de l'Engagement international sur les ressources génétiques des plantes pour l'alimentation et l'agriculture est sur le point de se terminer. Certains considèrent que l'an 2000 sera l'année du " Maintenant ou jamais " pour l'Engagement, la dernière chance pour mettre en place un accord légalement contraignant pour l'accès et l'utilisation des ressources génétiques agricoles. Mais le texte de compromis vers lequel les négociateurs semblent se diriger reconduisant le statu quo dans ses grandes lignes, est bien loin de ce que ne nombreuses ONG et organisations paysannes ont défendu à l'origine.
Quelle alternative reste-t-il? Qu'il n'y ait pas d'Engagement du tout serait pire, car la biodiversité tomberait alors dans le domaine des contrats bilatéraux et de l'appropriation privée. Cet article rappelle l'historique de ce débat, et analyse quelques-uns des développements les plus récents de la négociation en questionnant son utilité pour les agriculteurs.


Les négociations concernant l'accès et l'utilisation des ressources génétiques vont bientôt atteindre la borne de leur 20ème anniversaire, bien que certains négociateurs aient tendance à penser qu'en fait de borne (milestone) le terme de meule (millstone) serait plus approprié. En novembre 1981, les quelques 150 états membres de l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ont proposé d'établir une convention internationale pour conserver la biodiversité agricole, afin de s'assurer qu'elle pourra être utilisée pour le bénéfice de tous, et pour empêcher toute pratique restrictive qui en limiterait la disponibilité. Deux années plus tard, la FAO adopta l'Engagement international sur les ressources génétiques des plantes (appelé " l'Engagement " dans le texte), malgré une forte opposition de la plupart des pays industrialisés, qui s'arrangèrent pour transformer cette demande de convention légalement contraignante en un engagement volontaire.

Un regard en arrière

Depuis le commencement des négociations, la stratégie des pays en développement, et celle des ONG qui les soutenaient, était de créer un instrument multilatéral légal qui pourrait aider à mettre un frein au développement de la privatisation des ressources génétiques agricoles. Cet instrument permettrait l'installation d'une plate-forme politique puissante au sein des Nations unis en mettant ces ressources sous le contrôle des gouvernements. C'était l'époque où les institutions de recherche agricole des promoteurs de la Révolution verte organisaient, à partir des champs des agriculteurs du Sud, les flux de gènes massifs vers les banques de gènes contrôlées par le Nord. C'était aussi l'époque où les compagnies transnationales du secteur agrochimique ont commencé à acheter les entreprises de semences à travers le monde, et où les pays industrialisés se sont mis à appliquer les droits exclusifs des obtenteurs sur les variétés cultivées. Les pays en développement et les personnes concernées par le développement éco-agricole avaient donc de sérieuses raisons de s'inquiéter.

Le Sud proposait alors de traiter les ressources génétiques comme " l'héritage commun de l'humanité " et de le garder dans le domaine public. Les grandes puissances industrialisées se sentirent évidemment menacées par ces propositions et s'opposèrent fortement à ce mouvement. La lutte fut particulièrement acharnée face à l'insistance du Sud réclamant un accès libre et non restreint aux lignées et aux variétés sélectionnées par les semenciers. Après plusieurs années de discussion intense, une issue à cette situation inextricable fut trouvée en 1989 par le biais d' une résolution, annexée à l'Engagement, qui d'une part reconnaissait que les droits des sélectionneurs-obtenteurs n'étaient pas en opposition avec l'Engagement, et qui d'autre part reconnaissait les " droits des agriculteurs ". Les droits des agriculteurs établissaient, entre autres choses, les droits des paysans et de leurs communautés à participer entièrement aux bénéfices dérivés de leurs ressources génétiques. Pour concrétiser ces droits, un Fonds international devait être établi pour soutenir la conservation et l'utilisation des ressources génétiques dans le Sud. Les droits des agriculteurs furent conçus pour servir de contre-poids aux droits des obtenteurs, et pour contrebalancer le contrôle grandissant de la biodiversité par un petit nombre de grandes firmes, et peut-être y mettre fin.

Jusqu'au début des années 1990, les revendications des pays du Sud concernant les ressources génétiques agricoles étaient les suivantes : un accès libre, aucun droit de propriété intellectuelle et un contrôle politique par le biais d'un cadre multilatéral et d'un forum. Puis, les orientations politiques commencèrent à changer de direction. La privatisation de la recherche agricole dans les pays industrialisés se poursuivait à une vitesse effrénée, propulsée par des politiques néolibérales et des développements technologiques, en particulier en biotechnologie. Le brevetage des ressources génétiques recevait un accueil de plus en plus favorable au Nord. Le Sud, impuissant, constatait qu'aucun de ses objectifs liés aux négociations sur la biodiversité n'était prêt d'être atteint. Aussi, il opta pour un changement radical de stratégie : il remplaça alors le concept d' " héritage commun " par celui de " souveraineté nationale " et le concept de " libre accès pour tous " par "le partage juste et équitable des bénéfices ". L'idée était que cela permettrait à chacun des états nations de mieux contrôler ses ressources biologiques propres (et d'en bénéficier). Certains observateurs considérèrent cette étape comme celle de la " bilatéralisation " du débat sur la biodiversité. Ces principes sont devenus les pierres angulaires de la Convention sur la diversité biologique (CDB), à la lumière de laquelle l'Engagement est maintenant renégocié.

Le changement d'approche de la question des ressources génétiques engendré par la CDB n'a pas encouragé le Nord, déjà récalcitrant, à contribuer au Fonds international qu'il avait accepté de mettre en place. Pour stimuler l'appui au Fonds, la FAO organisa un processus destiné à définir un Plan d'action mondial (PAM), qui établirait les priorités pour la conservation et l'utilisation des ressources génétiques des plantes. Un Plan en 20 points fut finalement accepté à la Conférence de la FAO à Leipzig en 1996. Bien qu'il contienne des propositions intéressantes pour travailler davantage dans le sens d'une gestion à la ferme de la biodiversité, et qu'il propose des mesures constructives pour élargir la base génétique de l'agriculture, il fut cependant critiqué par les ONG comme favorisant encore trop le système basé sur les banques de gènes.

Vers un nouvel Engagement ?

Quand le Plan d'action mondial fut présenté, il était évident qu'aucune initiative ne se mettrait en place tant que les règles du jeu ne seraient pas clarifiées. Un Engagement renégocié s'avérait nécessaire pour compléter la CDB. Par ailleurs, l'ensemble des ressources génétiques collectées avant la CDB, soit des millions d'échantillons de semences, était tenu à l'écart de tout accord. Aussi, les négociations traînèrent sur presque toute la décennie1990, s'orientant dans toutes les directions sans progresser, surtout à cause de la confusion sur ce qui était vraiment en jeu. Les négociations échouèrent aussi à mobiliser suffisamment les intérêts politiques pour obtenir un engagement sérieux, que ce soit sur l'accès, sur les financements, ou sur tout autre chose. La CDB servait d'excuse pour ne pas aller de l'avant, plutôt que d'inciter à conclure un accord.

La plus importante différence entre les pays résidait peut-être dans le degré d'appréciation du besoin même d'un Système multilatéral pour la biodiversité agricole. Un petit nombre de pays, menés par le Brésil avec les énormes ressources biologiques de sa forêt tropicale, inclinaient pour des accords bilatéraux, et défendaient une étendue limitée de l'Engagement. D'un autre côté, des pays comme la France et le Royaume Uni mettaient sans cesse en avant l'importance d'un régime d'accès libre, mais ne parvenaient à aucune proposition concrète en termes de support financier et de partage des bénéfices. La plupart des pays s'accordèrent cependant pour estimer que les approches strictement bilatérales étaient inappropriées dans le cas de la biodiversité agricole.

En 1998, les négociations ont été sur le point d'être complètement interrompues, quand en est sorti un texte excessivement long, illisible et dont de nombreux passages se trouvaient entre parenthèses, c'est à dire plein de réserves. Elles ont été sauvées in extremis par la réunion informelle d'un petit groupe de négociateurs clés qui produisirent un texte court, connu sous le nom des " Eléments du Président ". Ce document contenait des propositions de solutions pour plusieurs enjeux conflictuels clés et reçut alors suffisamment de soutien pour servir de base à un nouveau cycle de négociations.

Depuis lors, les progrès ont été considérables, au moins dans les débats. La réunion de la Commission en avril 1999, dans laquelle les " Eléments du Président " servirent de base centrale aux négociations, produisit un texte comprenant beaucoup moins de parenthèses pour trois articles centraux, y compris un article sur les Droits des agriculteurs sans aucunes parenthèses. Un groupe de contact (sous-comité) fut aussi créé pour accélérer les débats. En septembre 1999, ce groupe négocia la plus grande partie d'un autre article clé, celui concernant le partage des bénéfices et, en avril 2000, organisa une nouvelle rencontre qui sera capitale.

Les questions litigieuses concernant les ressources financières, la question du droit d'accès et les questions non résolues de l'article sur le partage des bénéfices étaient à l'ordre du jour. Alors qu'un accord était en vue, la délégation brésilienne jeta un pavé dans la mare en présentant une nouvelle variante de leur proposition, dont l'objectif, toujours le même, visait à limiter l'étendue du Système multilatéral. La proposition consistait simplement à limiter le Système multilatéral au seul matériel collecté avant que la Convention sur la diversité biologique n'entre en vigueur (au lieu de considérer à la fois le matériel collecté avant et après la CBD). Ce qui aurait ainsi presque vidé l'Engagement de son contenu.

Paradoxalement cependant, l'initiative des Brésiliens ne conduisit pas à une rupture mais à un bond en avant dans les négociations. Le Brésil avait compté sur le soutien des pays en développement. Mais après une longue journée d'intenses consultations régionales, tous les autres participants, du Nord comme du Sud, s'opposèrent au Brésil. Sur cette base, un nouveau texte fut compilé avec la plupart des articles restants. Bien que les questions politiques clés restaient encore non résolues, tous les éléments de la tractation étaient désormais en place.

Les éléments de la tractation

Le texte reste notablement très proche des "Eléments du Président " rédigé début 1999. Les points essentiels sont les suivants :
- Les Droits des Agriculteurs. La clé la plus importante qui permit de débloquer la négociation fut sans doute la formule qui désamorça la question des droits des agriculteurs. Le nouveau texte est un vrai compromis, et aucun des partenaires de la négociation n'en est sans doute très satisfait, mais tous peuvent s'en contenter. En d'autres termes, pratiquement rien ne change, mais chacune des parties a la possibilité de faire machine arrière sans perdre la face (voir encadré).

Qu'est ce que nous voulions des " Droits des agriculteurs " ?

La question des droits des agriculteurs a été au centre des luttes de nombreuses ONG et organisations paysannes, dont GRAIN, durant presque toute la dernière décennie. Le point culminant de cette lutte fut sans doute la Conférence de la FAO sur les ressources génétiques des plantes à Leipzig en 1996, où plus de 200 groupes de la société civile firent de cette question l'enjeu principal de la réunion gouvernementale.

L'objectif central pour les groupes de la société civile était d'assurer aux communautés locales le contrôle et l'accès à la biodiversité agricole, de manière à ce qu'elles puissent ainsi continuer à développer et à améliorer leurs systèmes agraires. Plutôt qu'un simple mécanisme financier de compensation, les ONG demandaient à ce que les Droits des agriculteurs soient des droits socio-économiques, y compris les droits au foncier, à une recherche agricole appropriée, à des moyens d'existence décents, et à une protection de leurs systèmes de connaissance. La défense des Droits des agriculteurs était aussi considérée comme partie intégrante du combat contre la privatisation et les droits de propriété intellectuelle sur la biodiversité et les savoirs qui y sont liés.

Qu'est ce que nous avons obtenu ?

Quand la renégociation de l'Engagement a commencé, on attendait vraiment un engagement plus clair et substantiel en faveur des droits des agriculteurs. Cependant le nouveau texte n'a pas répondu à cette attente. Le nouvel article sur les Droits des agriculteurs évite très prudemment tout nouvel engagement, et ne s'éloigne pas des anciennes dispositions. Il est laissé à la discrétion des gouvernements de dire comment les Droits des agriculteurs se concrétiseront, et aucun engagement minimum n'a été prescrit. Même le droit ancestral des agriculteurs de conserver et d'échanger les semences issues de leurs cultures n'est pas clairement garanti, mais reste " sous réserve des dispositions de la législation nationale et selon ce qu'il convient ". Les deux paragraphes de l'article sur les Droits des agriculteurs se présentent maintenant ainsi :

15.2. Les Parties contractantes conviennent que la responsabilité de la réalisation des Droits des agriculteurs, pour ce qui est des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture est du ressort des gouvernements. En fonction de ses besoins et priorités, chaque Partie contractante devrait, selon ce qu'il convient et sous réserve de la législation nationale, prendre des mesures pour protéger et promouvoir les droits des agriculteurs y compris :
a) La protection des connaissances traditionnelles présentant un intérêt pour les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture
b) Le droit de participer équitablement au partage des bénéfices découlant de l'utilisation des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture ;
c) Le droit de participer à la prise de décision, au niveau national, sur les questions relatives à la conservation et à l'utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

15.3 Rien dans cet article ne devra être interprété comme limitant les droits que peuvent avoir les agriculteurs de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de réplication, sous réserve des dispositions de la législation nationale et selon ce qu'il convient.

Peu, voir rien, de ce qui a été revendiqué par la société civile n'a été inclus dans le texte. Bataille perdue ? Dans le contexte de l'Engagement international, probablement oui (même si des questions soulevées par les ONG sur les Droits des agriculteurs se retrouvent dans les articles sur le partage des bénéfices et des droits de propriété intellectuelle). Il est difficile d'échapper à la conclusion que les gouvernements ne sont pas vraiment intéressés au renforcement du pouvoir des agriculteurs. La leçon principale que l'on peut tirer de la lutte pour les droits des agriculteurs à la FAO c'est que le vrai champ de bataille se situe avant tout aux niveaux local et national, plutôt qu'à Rome.

Champ d'application et étendue

La portée de l'Engagement s'étend maintenant à toutes les ressources génétiques des plantes pour l'alimentation et l'agriculture. Ce que couvrira le Système multilatéral, fondé sur les critères de sécurité alimentaire et d'interdépendance, sera cependant beaucoup plus limité. En pratique, la plupart des principales plantes alimentaires cultivées seront probablement couvertes par le Traité, mais la liste détaillée reste à négocier.

Partage des bénéfices.

Les larges perspectives qu'avaient ouvert au départ la question des droits des agriculteurs se réduisent maintenant au concept plus étroit de partage des bénéfices. Dans le nouvel Engagement international, cela réside en partie dans la valeur inhérente à l'existence même du Système multilatéral d'accès, et en partie dans des bénéfices financiers directs. Il n'y a pas d'accord formel sur le niveau de l'engagement financier, ni sur le coût du modèle de distribution, ni sur les montants. Le texte de négociation inclut une proposition de prélever dans le même mécanisme financier une partie des royalties des brevets sur les plantes.
Droits de propriété intellectuelle (DPI).

Bien qu'en général les droits de propriété intellectuelle ne soient pas contestés, il existe aussi un texte - entre parenthèses mais acceptable dans son ensemble- qui interdit tout droit de propriété intellectuelle sur le matériel reçu par le biais du Système multilatéral. Le débat est toujours ouvert pour savoir dans quelle mesure les DPI seront autorisés sur les modifications du matériel d'origine (nouvelles variétés, gènes isolés, etc.)

Comparaison entre les textes de l'Ancien Engagement et ceux du Nouvel Engagement International pour les ressources génétiques des plantes pour l'agriculture et l' alimentation

 

Ancien Engagement

Nouvel Engagement (possible/probable)

Statuts

Non contraignantSous la FAO

ContraignantDouble couvertures FAO/CDB

Objectifs

Prospecter, conserver, évaluer et rendre disponible les RPG. Accès libre

Conservation, utilisation durable et partage juste et équitable des bénéfices.Accès facilité

Champ d'application

Tous les RPG ayant un intérêt économique/social, mais limité à l'agriculture

Ressources Phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture

Propriété des Ressources Phytogénétiques (RPG)

Patrimoine commun (mais sous la "souveraineté nationale des états"

Souveraineté nationale (CDB)

Accès

Pour la recherche, la sélection et la conservation : accès libre

Pour la recherche, la sélection et la formation : accès facilité à la liste spécifique de plantes cultivées alimentaires importantes du système multilatéralSoumis au partage des bénéfices

Partage des bénéfices

Non réglementé formellement, mais reconnaît le besoin des agriculteurs de " participer complètement " aux bénéfices issus de la sélection des plantes

" Accepté et financement prévu" pour mettre en œuvre le Plan d'action mondial. Mesures pour partager les bénéfices commerciaux avec le secteur privé.

DPI

Protection des variétés végétales reconnue explicitement

DPI reconnus explicitement, mais pas de DPI sur le matériel reçu du Système multilatéral. Possibilité d'un accès facilité au matériel protégé par brevet ?

Droits des agriculteurs

Reconnus. Doivent être mis en œuvre à travers un fond international

Reconnus.La responsabilité de leur réalisation dépend des gouvernements nationaux.

 

Qu'est ce qu'il contient pour les agriculteurs ?

Le nouvel Engagement aura peu d'impact direct sur les Droits des agriculteurs sur les ressources génétiques. La seule référence directe aux agriculteurs sélectionneurs précise qu'il leur sera désormais reconnu les mêmes droits sur leur matériel sélectionné, pendant la période de développement, que ceux accordés aux sélectionneurs du secteur formel. Ce n'est pas une nouvelle disposition, mais cela peut devenir une obligation légalement contraignante, qui peut servir de protection contre la bio-piraterie. Mais dans son essence, l'Engagement international concerne le secteur de la recherche formelle et de la sélection, qui bénéficiera presque exclusivement de ses effets directs.

On peut dire aussi qu' il y a indirectement des bénéfices tangibles pour les agriculteurs, l'Engagement promettant au moins quelques protections contre un système de gestion purement bilatéral et commercial des ressources génétiques des plantes. Cet accord n'est en aucune manière révolutionnaire, mais il semble évident qu'un monde avec Engagement vaut mieux pour les agriculteurs qu'un monde sans Engagement.

Les principaux effets potentiellement positifs de l'accord sont listés ci-dessous. La question de savoir combien d'entre eux se matérialiseront effectivement dépendra du stade final des négociations.

- Accès facilité à la biodiversité agricole. L'Engagement ré-établit entre les Parties, et dans les limites des espèces cultivées qu'il couvre, l'échange libre du matériel génétique, comme ce fut la norme avant l'arrivée des DPI. Dans un monde où l'interdépendance augmente, cela entraîne une différence considérable pour les sélectionneurs, en élargissant les choix et récompensant la coopération, tout en réduisant les coûts et le nombre incalculable de formulaires administratifs. Il faut souligner que contrairement à la Convention sur la diversité biologique, le Système multilatéral couvrira le matériel collecté avant et après la CDB.

- Renforcement du secteur public pour la sélection et la conservation dans les parties les plus pauvres du monde grâce à des engagements sur des financements plus stables venant de la partie la plus riche du monde. Bien que les institutions de recherche publique ne soient pas des systèmes parfaits pour la recherche et le développement agricole, ils demeurent, presque toujours, une meilleure alternative face aux compagnies transnationales qui dominent de plus en plus la recherche sur le développement.

- Un forum mondial solide consacré spécifiquement à la biodiversité agricole sera garanti. La Commission des ressources génétiques de la FAO, qui a été créée par le premier Engagement, a beaucoup contribué à faire avancer la discussion politique sur les ressources génétiques entre les gouvernements, et avec d'autres acteurs, dont les ONG et les organisations paysannes. Il existe un besoin certain et permanent pour un forum politique de cette importance. Si les nouvelles négociations de l'Engagement échouent, on ne voit pas bien quel serait le lieu légitime du débat sur les ressources génétiques.

- Un modèle pour l'accès multilatéral et le partage des bénéfices. Le nouvel Engagement pourrait aussi servir de modèle d'accord pour d'autres secteurs des ressources génétiques. La tendance actuelle vers la privatisation et la commercialisation se fait principalement au désavantage des systèmes locaux de subsistance basés sur les ressources naturelles (pêche, forêt, etc.). Les instances où les communautés locales peuvent bénéficier de la commercialisation sous contrats bilatéraux sont rares et éloignées les unes des autres.

Etre ou ne pas être ?

Beaucoup reste encore à faire pour que l'Engagement devienne légalement contraignant et opérationnel. Les questions cruciales (et conflictuelles) sont clairement posées. Il est temps de les prendre au sérieux. Jan Borring, le chef de la délégation Norvégienne, fort de son expérience, déclare: " Les pays développés devraient réaliser qu'en l'absence d'un mécanisme crédible de partage des bénéfices, il n'y aura pas d'accord sur un Système multilatéral avec un libre accès aux ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture. D'un autre côté, les pays en développement devraient se rendre compte qu'aucun pays (riche) n'acceptera d'obligation nouvelle (pour des financements ou autre chose) pour un système dans lequel on n'appliquerait un accès libre ou facilité que pour un petit nombre d'espèces cultivées ". Jusqu'à présent aucun engagement sérieux n'a été pris. Cela doit changer.

Pour que l'Engagement international soit vraiment différent, nous avons besoin au minimum de :

1. Un engagement immédiat !

Les pays industrialisés doivent réaliser ce manière concrètes les engagements qu'ils ont pris. Pour mettre en œuvre le Plan d'action mondial, déjà accepté par la communauté internationale à Leipzig, un budget annuel de quelques 450 millions de dollars a été proposé. Cela ne représente pas une somme énorme pour la communauté des bailleurs de fonds. Et c'est assurément peu d'argent si l'on considère que le monde industrialisé bénéficie en retour d'un régime d'accès multilatéral relativement libre. L'Europe doit arrêter de tergiverser et donc aller de l'avant. Les Etats Unis et quelques autres pays doivent décider s'ils veulent faire partie du système, et alors s'y soumettre, ou s'ils veulent le quitter, et dans ce cas, ils doivent arrêter de bloquer les négociations.

2. Pas de DPI

Les pays industrialisés doivent réaliser qu'ils ne peuvent pas jouer sur les deux tableaux : bénéficier d'un accès libre d'une part et privatiser d'autre part. Pour que le Système multilatéral atteigne ses objectifs, le matériel couvert par le système et les dérivés de ce matériel doivent rester des biens publics, libres de tout DPI. C'est seulement alors que le Système multilatéral contribuera à renforcer une recherche agricole indépendante et appropriée, en liaison avec la gestion de la biodiversité faite par les agriculteurs.

3. Mettre en oeuvre les Droits des agriculteurs

La nouvelle formulation des Droits des agriculteurs est loin de refléter l'idée de départ. Cependant, même sous sa forme atténuée, un suivi précis et un mécanisme de révision sont néanmoins nécessaires au niveau de la Commission pour s'assurer que les gouvernements remplissent bien leurs obligations et que les droits des agriculteurs sont réellement pris en compte.

4. Améliorer et élargir la représentation

La Commission intergouvernementale abritée par la FAO et qui aujourd'hui gouverne et renégocie l'Engagement doit être politiquement renforcée. Il est nécessaire que les pays y envoient des représentants très compétents, capables de prendre à la fois des décisions et des engagements. Les gouvernements doivent se rendre compte que cela concerne les politiques et l'avenir de l'agriculture, et pas seulement l'administration d'une banque de gène, et se faire représenter en conséquence. De plus, les ONG et les organisations paysannes doivent être autorisées à jouer un rôle bien plus actif. S'il y a une leçon à retenir des accords internationaux précédents, c'est qu'à moins d'une implication active des groupes de la société civile dans le suivi et la mise en œuvre des accords, ceux-ci resteront pour la plupart lettre morte.

Préparation de la campagne des ONG

Lres ONG organisent une campagne de pressions sur les gouvernements afin qu'ils concluent un accord, sur le site : www.evb.ch/bd/food.htm.
Pour plus d'informztion par courrier électronique ou en version papier, vous pouvez contacter : Patrick Mulvany du " Intermediate Technology Development Group " au Royaume Uni : Patrick [email protected], ou François Melenberg de la " Déclaration de Berne " en Suisse : [email protected]


Référence pour cet article : GRAIN, 2000, Dernière chance pour un régime de libre accès? , Seedling, juin 2000, GRAIN Publications

Lien sur internet : www.grain.org/fr/seedling/seed-jun001-fr.cfm


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Author: GRAIN
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