https://grain.org/e/382

Les sanghams de femmes de la Société de développement du Deccan

by P.V. Satheesh et M. Pimbert | 1 Jun 1999
vie

Juin 1999

Les sanghams de femmes de la Société de développement du Deccan

P.V. Satheesh et M. Pimbert

Des paysannes de la zone aride indienne ont mis en place un système innovant et qui connaît un grand succès. Ce système, décentralisé et géré par la communauté, organise la production, la conservation et la distribution des semences des céréales mineures (sorgho, mil, millet….) au niveau local. Les femmes Dalit, les plus pauvres parmi les pauvres de la caste la plus défavorisée, ont mis en place et pris le contrôle de cette variante locale du système public de distribution (SPD). La sécurité alimentaire locale, la capacité d'adaptation de la communauté et la biodiversité s'en sont trouvées renforcées de manière évidente. S'il est permis à cette initiative de se répandre, les paysannes pourraient mettre en place le premier des systèmes de distribution publique décentralisé en Inde qui ne nécessite pas d'être constamment soutenu par des subventions année après année.

Le système public de distribution indien a joué un rôle crucial dans la prévention des famines après l'indépendance. Il achetait le grain dans les régions surproductrices afin de constituer des stocks pour les transférer dans les régions déficitaires : tant dans les zones rurales que les zones urbaines. Le gouvernement indien a été ainsi en mesure de fournir de la nourriture à des prix abordables pour les gens bénéficiant de très peu de moyens par l'intermédiaire de magasins pratiquant des prix équitables. Le SPD est aussi un outil de planification essentiel pour la sécurité alimentaire et la stabilité politique en Inde. Toutefois, le système s'est développé comme partie intégrante des politiques agricoles du gouvernement indien, tournées vers le marché et basées sur une agriculture irriguée. Cette politique a favorisé les régions les mieux loties et les plus riches et a négligé les besoins et les ressources des gens vivant dans les zones les plus vulnérables, sèches ou semi-arides, qui abritent 50% de la population la plus pauvre de l'Inde.

Le SPD a favorisé de nouvelles habitudes de consommation alimentaire dans les régions tropicales semi-arides de l'Inde. Les pauvres se sont de plus en plus détournés de la consommation des céréales pluviales cultivées localement comme le sorgho et le millet, pour celle du riz et d'autres cultures importées des zones irriguées plus favorisées. Cela a conduit à une diminution importante des céréales de culture sèche dans leur région ainsi que celle des cultures légumineuses associées (cajan ou pois de pigeon, pois chiche et autres haricots). En conséquence, la diversité agricole a sérieusement baissé à l'intérieur et autour des exploitations. Les terres en friche ont aussi augmenté de même que l'insécurité alimentaire chronique chez les pauvres. Un certain nombre d'initiatives locales dans les zones arides de l'Inde cherchent à renverser ces tendances en prenant en main le contrôle de la production et de la distribution des ressources alimentaires.

Un système public de distribution alternatif

Le SPD opère dans les villages entourant Zaheerabad (district de Medak, dans l'Ouest de l'Andhra Pradesh), comme partout ailleurs en Inde. Chaque mois, chaque famille ayant accès à ce système (presque 50% de la population rurale) peut acheter 25 kg de riz, 2 kg de sucre et 2 litres de kérosène à un prix subventionné. C'est devenu la ration de survie des familles pauvres. Auparavant, dans la région semi-aride du plateau du Deccan, ceux qui avaient de meilleures terres cultivaient des cultures de rente comme la canne à sucre, le gingembre, la pomme de terre et récemment aussi le coton. Les gens pauvres pratiquaient une agriculture mixte, de terres arides, qui couvrait un grand nombre de leurs besoins. Cette agriculture leur fournissait une nourriture équilibrée incluant des légumineuses, des céréales et des végétaux à feuilles vertes. Elle procurait des aliments pour leur bétail, des matériaux pour les clôtures et pour les maisons et du chaume pour les toitures. Mais ces cultures des gens pauvres - le sorgho, le petit mil, le vulpin, le niger, le cajan et le horsegram - ont été de plus en plus délaissées au profit du riz bon marché. Ces paysans des zones arides ont été lentement et insidieusement évincés de leur agriculture. Leurs terres ont été laissées en friche et les modes de vie en zone rurale ont été progressivement détruits.

Le SPD et la sécurité alimentaire en Andhra Pradesh

L'Etat indien oriental de l'Andhra Pradesh est un important producteur de riz. Le riz fourni par le système public de distribution en Andhra Pradesh provient des zones bénéficiant des grands programmes d'irrigation dans les régions du delta des rivières Krishna et Gadravi. Ces régions irriguées font partie des zones agricoles les plus riches de l'état et ont été les pionnières de la Révolution verte en Inde. La Révolution verte a entraîné une augmentation considérable de la productivité dans la culture des céréales irriguées, et l'augmentation des quantités de riz sur le marché qui en a résulté a alors facilité l'établissement du SPD dans les années 80. Une politique d'encouragement des prix du riz à l'échelle nationale favorisa l'adoption de ce qu'on appelle les variétés à "haut rendement" et de nouvelles pratiques de culture. Pendant la récolte du riz, le gouvernement absorbe les surplus de riz sur le marché afin d'éviter une chute des prix et afin de rassembler la quantité de riz planifée. Ce riz est ensuite distribué à des prix subventionnés par le SPD du gouvernement. Toutefois l'approvisionnement se limite à des cultures irriguées comme le riz et le blé et n'inclut pas les céréales mineures comme le sorgho, les millets, etc. produites dans des conditions arides et qui composent la nourriture de base des populations pauvres. Le système existant crée des centres de croissance dans des zones privilégiées conduisant à un développement régional inégal. Il prélève l'argent dans les régions pauvres et le transfère dans les régions plus riches de l'Andhra Pradesh, encourageant le gaspillage et des dépenses ostentatoires. De plus, ce développement inégal a conduit à diverses formes de dégradation du sol. Dans les régions riches et mieux pourvues, la productivité a diminué à cause d'une salinisation croissante et une saturation en eau. En même temps, la désertification a gagné les zones agricoles arides caractérisées par des pluies irrégulières, des sols pauvres, l'hétérogénéité écologique et une sécheresse récurrente. L'importation du riz subventionné par le système public de distribution a rendu non-rentable pour les petits paysans la culture des céréales et des légumineuses, colonne vertébrale de leur agriculture et alimentation traditionnelle de leurs communautés. Cela a provoqué par conséquent une augmentation rapide de la dégradation des terres productives suite a la mise en friche d'un nombre croissant de parcelles. De telles parcelles se trouvent pour la plupart appartenir à de petits paysans marginalisés. Le résultat a été un déclin notable de la disponibilité des céréales et du fourrage traditionnels. Cela a affecté la teneur nutritionnelle de la ration alimentaire des populations rurales (en particulier pour les femmes et les enfants) et a accru la dégradation causée par la sécheresse. Ces friches sont aussi le lieu de multiplication de mauvaises herbes comme le Parthemium spp., toxique, qui affecte le potentiel de production des terres cultivées avoisinantes.

Les femmes de Zaheerabad ont mis quelques années avant de se rendre compte des conséquences de l'arrivée dans leurs cuisines du riz fourni par le SPD' en particulier l'effet sur les pratiques agricoles locales et sur les terres. Un autre phénomène alarmant a concerné la nutrition des populations pauvres. Le riz est riche en hydrocarbones, mais n'apporte rien de plus. Sans compléments suffisants par les légumineuses et les végétaux, l'apport nutritionnel offert par le riz ne convient pas à des organismes qui doivent fournir un travail intensif. Un nombre croissant d'enfants et de femmes ont commencé à devenir anémiques. Elles ont constaté que le déficit nutritionnel dans leur régime alimentaire était lié au riz fourni par le SDP, exprimant leur colère dans les propos suivants: "Quel progrès! Acheter du riz, le mettre sur la cuisinière, boire de l'eau chaude!", "Nos propres récoltes étaient tellement nourrissantes!", et "Nous avions l'habitude de manger toutes sortes de végétaux et nous étions résistants. C'est comme cela que nous pouvions accomplir un grand nombre de travaux durs."

Le 'roti' ou galette du matin consommé par les populations rurales était leur principale source alimentaire. Le 'roti', préparé avec du sorgho et du mil à chandelles est en train de rapidement devenir un vieux souvenir. Mais c'est plus qu'un petit déjeuner nourrissant qui disparaît. A peu près 50 % du travail dans les champs de sorgho était effectué par les femmes qui désherbaient et moissonnaient collectivement. Cela leur procurait un revenu direct et représentait un moment important de rencontres et de travail en commun. Dans le district de Medak, plus de 100 000 hectares de terres ont été mis en friche ces dix dernières années, en conséquence directe du SDP. Cela a entraîné une perte de revenus pour 250 000 femmes, ainsi que la disparition d'occasions importantes de se retrouver.

La confiance et l'estime de soi que les femmes peuvent ressentir pour elles-mêmes sont liées à leur rôle comme productrices d'aliments, compétentes et gardiennes des semences dans leurs communautés. Lorsque les nombreuses habitudes instaurées par le SPD se sont enracinées dans la vie des populations et dans le paysage agricole, le statut des femmes a périclité. Se voir réduites à être de simples consommatrices de nourriture a entamé le respect qu'elles avaient d'elles-mêmes. De plus, cela a affecté plusieurs célébrations relatives à la production de nourriture et aux récoltes. Les cérémonies rituelles associées aux labours, aux semailles, la cérémonie des épis (ndt: voir plus loin) et enfin celles liées aux moissons renouvelaient constamment les liens des populations avec leurs terres et maintenaient vivante cette culture rurale. Beaucoup d'agricultrices et de travailleuses agricoles du village de Zaheerabad et de ses alentours en arrivèrent donc à la conclusion que le SPD les menaçait dans leurs pratiques alimentaires, économiques, sociales et culturelles. Comment en sortir?

Les femmes de la Société de développement du Deccan (DDS, voir encadré) qui se sont organisées dans des 'sanghams', associations bénévoles de femmes pauvres Dalit, ont discuté de ce problème dans des réunions qu'elles ont tenues dans presque 75 villages du district de Medak.

"Le riz bon-marché est attirant. Mais dans l'affaire, nous avons laissé nos terres en friche"
"Nous avons convoité du riz à 2 Roupies le kg et nous avons négligé nos propres terres"
"Maintenant nous devons nous remettre à fumer et à fertiliser nos terres pour cultiver nos plantes traditionnelles."

Le festival de la biodiversité chez les paysans du district de Medak

Les paysans des zones arides et la Deccan Development Society ont célébré la fête de la biodiversité appelée le Paata Pantala Panduga du 17 au 19 janvier 1999. Les agriculteurs et agricultrices y ont partagé leurs points de vue sur la biodiversité et son importance pour leurs exploitations. La fête, ou 'jatra', s'est déroulée sur un terrain de 5 acres, qui présentait l'intérêt d'être une ferme d'agriculture d'hiver typique abritant 23 espèces cultivées. Plusieurs espaces avaient été aménagés de chaque côté de la ferme:

1 - L'espace des semences. Il abritait une collection de plus de 85 types de semences représentant les différentes espèces et sous-espèces de plantes cultivées. Elles étaient exposées selon différents procédés de stockage, dans des paniers tressés et de vastes caissons de bois, et divers semoirs étaient présentés.

2 - L'espace des cérémonies. Les six fêtes et rituels agricoles traditionnels suivis par les fermiers locaux ont été recréés dans cet endroit. Ces rituels illustrent le profond respect que les paysans et paysannes éprouvent pour leur terre et leur bétail. Cela commence avec le Penta Pooja, la cérémonie du tas de compost. Suit le Chaviti Pooja, le culte des outils agricoles, qui a lieu lors de la fête Hindoue du Ganesh Chaviti, le jour célébré comme le plus favorable pour commencer toute entreprise humaine. Erokka Punnam se déroule juste après le début de la saison agricole, lorsque l'animal prisé par-dessus tout, le bœuf de labour, est célébré. Ensuite vient Dussehra, une fête qui dure 10 jours et qui célèbre la victoire des vertueux sur les mauvais. Pendant cette période, les femmes rassemblent les meilleures semences de leurs villages et les soumettent à un test de germination. La combinaison de la science et de la spiritualité est à la fois fascinante et impressionnante. Soonyam Pandugu est la cinquième cérémonie, moment où les paysans cuisinent des plats particuliers et visitent leurs diverses cultures qui sont alors en pleine floraison. Ils offrent de la nourriture à leur "mère la terre féconde" et prient pour son bien-être. Le dernier des rituels est le Endlagatte Punnam, lorsque les fermiers rapportent chez eux divers épis de leurs différentes cultures et les attachent sur leurs portes. Ils offrent cette pré-moisson de leurs cultures à Ooredamma, la déesse du village.

3 - L'espace du bétail. La présence du magnifique bœuf Deoni et de l'étonnante variété des races locales de volaille, progressivement remplacées par l'élevage de l'omniprésente leghorn blanche, étaient particulièrement étonnantes. Au centre de cet espace se trouvait une parcelle où étaient cultivées les nombreuses espèces traditionnelles de fourrage que l'on peut trouver dans cette région.

4 - L'espace des débats. C'était l'endroit où les femmes qui assistaient au jatra venaient pour discuter ensemble de leurs opinions, des questions soulevées lors du jatra et de l'avenir.
Au cours des trois journées que dura le jatra, à peu près 500 paysannes participèrent aux débats. Elles ont été confortées dans leur certitude concernant la force de leur système traditionnel de culture et de la diversité des productions qui les nourrissent. A l'issue de ces trois jours, à peu près 2000 paysannes et des centaines d'invités ont formé une ronde autour de la ferme et ont prononcé les engagements suivants dans leurs langues respectives:
"Nous nous engageons à continuer à protéger et promouvoir la diversité sur nos terres.
Nous nous engageons à bannir les traitements chimiques.
Nous nous engageons à créer une solidarité entre les paysans d'Asie du Sud et leurs organisations afin de combattre les forces qui opèrent pour déstabiliser la souveraineté sur la diversité et les semences."


L'une des solutions était de remettre les friches en culture et d'insuffler une nouvelle vie à leurs terres à moitié mortes. Mais cela nécessitait des investissements de l'ordre de 2 600 roupies (c'est à dire 60 $) par acre de terre (1 acre = 0.4 hectare). Aucune institution financière n'accorde de tels prêts à des petits paysans cultivant des plantes vivrières en zone aride. Mais les femmes décidèrent de se mobiliser pour une réforme de cette pratique. Le ministère du développement rural du gouvernement indien a été contacté par les sanghams de femmes à travers la DDS. Le ministère constata le bien fondé de cette cause défendue par les femmes et donna son accord en 1994 pour le financement du Fonds Communautaire du Grain qu'elles proposaient. C'est ainsi qu'une période de mise en valeur a commencé. Ces quatre dernières années, des groupes de femmes en majorité analphabètes et pauvres ont organisé un système public de distribution entièrement dirigé par les communautés et basé sur les semences communes produites localement, emmagasinées localement et distribuées localement dans trente villages autour de Zaheerabad.

La société de développement du Deccan

La DDS, société de développement du Deccan, a été fondée il y a une quinzaine d'années dans le but d'atteindre les plus pauvres des pauvres par un développement rural innovant et équitable. Dès le départ, la DDS se rendit compte de l'importance de la formation d'un encadrement de médecins, d'experts et de techniciens agricoles aux pieds-nus pour s'occuper des besoins des communautés vivant sur le plateau aride du Deccan dans l'Andhra Pradesh. Au cours de cette période, l'accent a été mis sur le travail avec les femmes alors qu'auparavant les affaires se traitaient avec les hommes. La DDS vit dans ce service public de distribution alternatif une bonne occasion pour les femmes de prendre leur place dans la conduite des affaires concernant le développement et de parvenir à un niveau d'égalité entre les sexes plus élevé à l'intérieur de leurs propres familles et communautés. L'approche de la DDS a été de renforcer la base économique des groupes de femmes et cela s'est concrétisé par la création d'associations de femmes appelées "sanghams" dans une quarantaine de villages. Aujourd'hui, il y a approximativement 75 villages sanghams dans le district de Medak.

Des femmes rencontrent des femmes

Au départ, des réunions ont été organisées dans chacun de ces villages avec des projets en partenariat entre la DDS et les pauvres du village qui ont ensuite mis le programme à exécution sur leurs terres. L'argent nécessaire a été avancé aux paysannes pour une période de trois ans afin de couvrir les coûts pour les labours, le fumage, les semailles et le désherbage. Cet argent a été ensuite remboursé sous forme de grain récolté sur ces terres nouvellement développées. 2600 roupies par acre ont été avancées et le remboursement a été fixé à 860 kg de sorgho par acre sur une période de 5 ans. Après que chaque modalité a été expliquée, négociée et acceptée, des conventions en bonne et due forme ont été établies et un contrat signé entre chaque paysanne et la DDS.

Des comités de femmes se sont formés pour surveiller toutes les activités du programme dans chaque village. A peu près 100 acres de friches ont été recensées dans chacun des trente villages. Les femmes ont montré leur souci d'assurer l'égalité à l'intérieur des villages et entre les villages en veillant à ce que toutes les terres dégradées et en friche appartiennent bien aux pauvres et qu'aucun des villages ne soit désavantagé dans le partage des terres en friche. On a considéré que 2675 acres suffisaient pour le programme. Les femmes ont choisi 20 acres chacune et ont personnellement supervisé le travail de ces parcelles afin d'être sûres que les labours, le fumage, les semailles et le désherbage se faisaient à temps.

Les membres des comités de femmes recueillent les fonds de soutien et les distribuent à chacun des propriétaires de terres. Après la récolte, elles sont aussi responsables de la collecte des remboursements et de l'emmagasinage du grain. Pendant la période de pénurie alimentaire, les grains sont vendus par le comité aux foyers les plus pauvres du village. Elles déposent ensuite le produit de la vente sur un compte du CGF. Chacun des 30 villages possède son propre compte, contrôlé et géré par les membres des comités de femmes qui sont redevables devant les villageois et la DDS.

Chaque membre du comité est responsable de la production ramassée sur 20 acres, ce qui signifie qu'elle ramasse entre 3000 et 4000 kg de grains chaque année. Elles emmagasinent le grain en utilisant des techniques de stockage locales, tels les paniers confectionnés par les artisans du village à partir de feuilles de palmier et de roseaux comme le Vitex negundo et le Addatoda vasica, deux espèces qui ont des propriétés répulsives contre les insectes. Les paniers sont enduits de boue et de bouse de vache et ensuite séchés. Afin de garantir une protection à long terme contre les insectes, le grain est mélangé à l'intérieur des paniers avec des feuilles de neem (un pesticide naturel) et des cendres de bouse de vache. Le grain est conservé dans quatre ou cinq paniers séparés, chacun gardé dans une maison différente.

Les remboursements des prêts sont réintroduits dans l'économie locale des villages et utilisés pour subventionner la vente des grains aux plus pauvres, pour qu'ils puissent bénéficier de suffisamment de nourriture pour manger et devenir des membres plus productifs de la communauté. Après la récolte, les femmes du village sangham identifient dans chaque village une centaine de foyers pauvres pour distribuer du grain. Le recensement des foyers les plus pauvres dans chacun des trente villages a été en lui-même un exemple de fonctionnement démocratique très intéressant. Pour la première fois dans l'histoire de cette région, des femmes Dalit, pauvres et faisant partie de la classe sociale la plus défavorisée du village, ont été celles qui ont décidé qui parmi les villageois bénéficierait du grain récolté par la communauté. Une carte indiquant tous les foyers a été dessinée sur le sol de la place du village, avec la participation de tous. Cela a été fait pour chacun des trente villages et la carte était visible par tous pour que chacun puisse la consulter et la corriger. Les critères de pauvreté en milieu rural ont été établis par les villageois. Chaque degré de pauvreté était indiqué par une couleur différente et chaque maison a été ainsi identifiée d'un commun accord après des délibérations approfondies et des discussions collectives.

Les foyers sélectionnés ont reçu une carte d'attribution de sorgho de la part du sangham. Le riz distribué par le SPD du gouvernement coûte 3, 50 roupies (0.08 $) le kilo et il est distribué tout au long de l'année (un sac de 10 à 20 kg par foyer, selon la taille du foyer). Inversement, la carte du SPD local donne droit à une quantité mensuelle de sorgho par famille au prix subventionné de 2 roupies le kg (0.05 $) pendant 6 mois par an durant la saison des pluies (la période de l'année où les pauvres ne peuvent pas trouver de travail et où la nourriture se faire rare). Plus la famille est pauvre plus sa part est importante. Par exemple, les familles très pauvres reçoivent 10 kg par membre de la famille et les familles ‘seulement' pauvres 2 kg par tête avec un maximum de 10 kg par foyer.

Des procédures transparentes garantissent le dépôt de tous les bénéfices des ventes des récoltes sur le compte du Fonds Communautaire CGF. L'argent est utilisé comme fonds de roulement d'une année sur l'autre afin de remettre en culture plus de friches dans les villages. De plus en plus de nourriture est produite et vendue au niveau local, et davantage de possibilités d'emploi sont fournies aux personnes exclues des circuits économiques dominants.

Des conditions de vie améliorées en milieu rural

Les bienfaits sociaux, écologiques et économiques de ce SPD décentralisé ont été impressionnants et visibles au bout de deux années. Plus de 25000 acres de terre en friche ont été labourés. Dès la première année du programme, 800 000 kg de sorgho supplémentaires ont été produits dans les villages. Cela a montré que les villageois étaient en mesure de produire presque 3 millions de repas en plus dans trente villages - ou 1000 repas en plus par famille. Le fourrage produit par ces champs remis en culture a permis de nourrir plus de 6000 têtes de bétail dans trente villages. Finalement, et c'est le plus important, 7967 salaires supplémentaires ont été créés. Au cours des deux premières années, le programme a généré un total de 4830 jours de travail faisant bénéficier les communautés de 32 villages d'un revenu total de 72 450 roupies (1685 $).

Des évaluations plus détaillées réalisées par les femmes elles-mêmes et par le gouvernement confirment les résultats remarquables obtenus en termes d'égalité entre les sexes, de sécurité alimentaire, d'autonomie et d'aptitude des communautés locales, et de rétablissement de la biodiversité agricole et des terres dégradées, ainsi qu'en termes de durabilité. La comparaison de quelques traits distinctifs du SPD alternatif avec ceux du SPD gouvernemental met en lumière les pratiques les mieux à même de recréer des moyens d'existence durables et des écosystèmes variés dans les zones rurales de l'Inde aride.

Evaluation du système public de distribution alternatif par les paysannes

Les évaluations ont été réalisées par des représentantes et des membres des sangham de deux manières: d'une part par des diagrammes dessinés sur le sol et d'autre part par des entretiens collectifs. Le processus participatif lui-même a été animé par l'une des femmes analphabètes, Chilakama, du village de Krishnapur. Les évaluations des groupes ont impliqué 120 femmes de 22 villages CGF-SPD ainsi que des femmes de 18 autres villages. Quelques-uns des critères et indicateurs d'impact formulés par les femmes sont relevés ci-dessous:

1 - Une augmentation régulière de la productivité agricole:

"Depuis que nous pratiquons le fumage, les cultures se sont améliorées"
" La quantité de fourrage a augmenté - par le désherbage, les tiges de sorgho (jowar) et les gousses sèches ramassées"
" Le nombre d'animaux a augmenté et la production de lait s'est accrue d'à peu près 1 litre par jour pendant 4 mois par an"
"Il y a plus de lait - avant cela nous rapportait 800 à 900 roupies par saison, et maintenant cela nous rapporte presque 2000 roupies par saison."
"Là où nous arrivions à réunir 4 charrettes de fumier, maintenant nous en avons 8".

2 - Diminution de la dégradation des ressources naturelles:

" Nous avons amélioré nos terres en friche et les terres (rocailleuses) improductives"
"Nous cultivons maintenant différentes espèces de plantes - le niebe (pois à vache), les haricots des champs, le haricot jacinthe, le cajan ( pois de pigeon), le niger, le vulpin (millet des oiseaux), l'hibiscus, le sésame, le "kharif jowar"(sorgho de printemps), l'éleusine, le mil à chandelles (mil perlé), le petit millet, le riz, l'ambérique (variété grimpante appelée 'theega pesari')"

3 - Une meilleure résistance sociale et une moindre vulnérabilité:

"De meilleurs moyens d'existence (brathuku theruvu dorikindi - nous avons trouvé (notre) moyen d'existence)"
"Maintenant nous avons des réserves importantes dans nos maisons. Quand il y a à peu près 100 quintaux de grain dans chaque village, nous nous sentons beaucoup plus en sécurité et sûrs de nous"
"Les magasins du SPD habituel sont ouverts seulement 4 ou 5 jours par mois. Les nôtres sont différents. Nous donnons du grain aux gens chaque fois qu'ils ont faim, à n'importe quel moment du jour ou du mois"
"Les départs vers les villes ont cessé maintenant qu'il y a la terre: les gens reviennent. D'habitude, nous allions chercher du travail dans les autres villages, dans les usines et dans les villes; maintenant les gens viennent vers nous."
"les 'yerkalollu' (fabricants traditionnels de paniers dans la communauté) ont trouvé beaucoup de travail"
"Il y a plus d'emplois. Trente mille roupies: voilà ce qu'on gagne à peu près pour 100 acres dans un village SPD."

4 - Renforcement de l'autonomie et des aptitudes des groupes et des organisations locales:
"Les femmes ont plus confiance en elles"
"Nous nous répartissons nous-mêmes en plusieurs groupes et nous pouvons tout superviser (compétences en gestion)"
"Nous avons (brusquement) réalisé qui était pauvre et qui était plus à l'aise parmi nous (grâce à la carte ) maintenant, nous disons aux gens: il y a un miroir, regardez-le vous-mêmes"
"Nous pouvons maintenant mesurer nos terres - nous pouvons constater ce que représente réellement une acre - nous connaissons aussi les dimensions de nos terres et nous savons de quelle quantité de semences nous avons besoin"

5 - Le programme gagne d'autres régions et s'étend sans intervention extérieure:
"Il y a beaucoup plus de gens et de villages qui souhaitent participer au programme"
"Maintenant, tout le monde dans le village se rapproche de nous - les pauvres comme les castes et les classes supérieures - chacun vient vers nous pour avoir des conseils"

6 - Changements dans les procédures opérationnelles et les normes institutionnelles des organisations de soutien extérieures et dans les attitudes et les comportements des professionnels externes:
"Il n'y avait jamais eu aucun compte bancaire ouvert au nom d'une femme - maintenant il y en a. Les gens des banques nous disent que nous sommes devenues très informées".

Ces paysannes ont remis en culture des terres très marginales qui pouvaient à peine produire plus de 40 à 50 kg de grain par acre. Aujourd'hui, chaque acre de ces terres régénérées produit 200 à 300 kg de sorgho, 50 kg de cajan, 50 kg de légumineuses variées et d'amarante, de plantes cultivées à fibres, et une quantité de fourrage suffisante pour deux têtes de bétail par acre.

Les femmes ressentent qu'elles ont vraiment insufflé une nouvelle vie à leurs terres. Le plaisir que l'on ressent à se promener dans les campagnes tout comme les observations scientifiques montrent clairement qu'il y a sans conteste plus de biodiversité à l'intérieur comme à l'extérieur des parcelles. L'apport de fumier organique après les labours a rapidement entraîné un enrichissement de la fertilité du sol. La multitude d'espèces cultivées qui ont été réintroduites et les variétés locales apportent nourriture, refuge et de nouveaux abris pour une grande variété d'insectes naturellement présents, d'araignées, de champignons, d'oiseaux et de petits mammifères. L'association complexe des plantes cultivées mélange le cajan, l'amarante, le haricot-jacinthe, le niger, le niebe, le horsegram, le mil à chandelles, le greengram, le petit millet, le riz pluvial et l'arachide. Les composantes de l'agrosystème n'incluent pas seulement des mélanges de plantes provenant de plus de 10 variétés alimentaires différentes, mais aussi beaucoup d'espèces sauvages. Les plantes sauvages comestibles sont très nourrissantes et sont d'une grande importance pour la sécurité alimentaire locale tout au long de l'année.

Le système public de distribution alternatif ne se focalise pas sur la production maximale de monoculture mais développe une diversité productive et fonctionnelle qui permet de faire face au risque et à l'incertitude en répondant aux préoccupations des villages en matière de sécurité alimentaire. Les subventions peuvent être progressivement diminuées au fur et à mesure que les sols sont régénérés et que les différents agrosystèmes produisent eux-mêmes leur fertilité, le contrôle des nuisibles et la gestion de l'eau. De plus, la diversité utilisée dans ces différents contextes locaux reflète et renforce la prise en mains par les gens eux-mêmes de leur bien-être, leurs priorités et leurs savoir-faire. Les campagnes organisées de manière agro-écologique au niveau local sont ainsi devenues régénérées et modelées par les conceptions conscientes et inconscientes que les populations ont de la vie, de la culture et du bien-être qui incluent à la fois les mémoires du passé et les visons d'avenirs possibles.

La disponibilité alimentaire a été aussi accrue par un système de sécurité alimentaire autonome, équitable et bon marché dans lequel les critères des populations et leurs propres conceptions de la pauvreté sont centrales à la prise de décision. Les liens complémentaires entre les différentes formes de la biodiversité agricole et des modes de vie ruraux ont généré de nouvelles possibilités de travail, quelques surplus économiques au niveau local et un sentiment accru de leur dignité chez les villageois. Le programme a aussi développé une confiance extraordinaire parmi les femmes qui ont réalisé que les pauvres peuvent être des producteurs de nourriture pour le SPD et plus ses destinataires impuissants.

L'expérience des sanghams de femmes du district de Medak a occasionné un seul financement de la part du gouvernement au départ. Tout le reste des dépenses a été pris en charge au niveau du village. Comme l'un des responsables des statistiques au gouvernement l'a fait remarquer: "Le projet a prouvé que sur sept roupies dépensées, six sont allées directement aux populations, alors qu'au contraire, dans les détails chiffrés du SPD classique, on voit que le gouvernement dépensait sept roupies pour une seule qui allait aux populations. C'est une réduction phénoménale des charges"

Le système de stockage décentralisé présente un contraste absolu avec celui du SPD gouvernemental où tout le grain est stocké dans les entrepôts centraux de la Food Corporation of India (firme alimentaire de l'Inde). Chaque entrepôt emmagasine des millions de kilos de grain, ce qui du coup entraîne la rétribution d'un grand nombre de fonctionnaires, des pages et des pages de paperasseries et une bureaucratie très lourde, ainsi que des pertes considérables dans les stocks. Et qui plus est, le système existant ne peut opérer que dans un fonctionnement centralisé où des "professionnels" définissent les problèmes et les solutions à y apporter. Un investissement répété est aussi nécessaire chaque année pour faire tourner le programme, et cela aboutit à subventionner les intrants agricoles pour les riches agriculteurs, ou financer des transports sur de longues distances, et donc une consommation d'énergie, et de vastes réseaux de stockage et de distribution des marchandises.

De plus, le système public de distribution du gouvernement est basé sur une agriculture écologiquement et génétiquement uniforme dans des bonnes terres. Il utilise de grandes quantités d'intrants chers et nocifs pour l'écologie comme les engrais chimiques, l'eau et les pesticides. La portée du système existant se limite aux exploitations irriguées, qui demandent de gros investissements et sont entre les mains des exploitants fortunés, masculins, dans les régions les plus favorisées de l'Inde. Dans le domaine politique et social, on observe une corrélation entre la perte de la capacité des agriculteurs à une prise de décision autonome dès que les fermiers deviennent dépendants des approvisionnements nationaux et transnationaux en intrants agricoles externes (semences, produits chimiques, crédit, etc.). Les droits des agriculteurs sont ainsi réduits au seul droit de consommer dans le cadre de structures établies par des entités puissantes et lointaines. Au bout du compte, en répondant aux besoins d'un marché dominant et à des considérations économiques étroites, ce type d'agriculture supprime la biodiversité agricole dans les régions rizicoles favorisées et étouffe aussi l'agriculture riche en diversité ainsi que les potentialités des populations rurales dans les autres régions.

La solution réside dans le contrôle au niveau local :

La gestion décentralisée et participative du SPD ouvre des perspectives très intéressantes pour la réalisation d'objectifs concernant l'environnement et le développement. Par exemple, les sanghams de femmes ont démontré l'aptitude et la compétence nécessaires à la gestion de la biodiversité au niveau local. En effet, leur expérience dans la régénération de la biodiversité par l'intermédiaire du programme alternatif a montré l'importance et la nécessité de décentraliser les différents rôles et fonctions en dehors du gouvernement central afin de mettre en oeuvre les dispositions issues des traités internationaux comme la Convention sur la biodiversité.

Il est intéressant de remarquer que cette approche de la conservation de la biodiversité agricole va beaucoup plus loin que la plupart des systèmes de conservation des semences in-situ ou dans des banques communautaires de semences qui ont retenu l'attention des donateurs, des ONG et des institutions de recherche agricole au cours des dix dernières années. Les banques communautaires de semences sont utilisées par les paysannes pour conserver différentes variétés de plantes cultivées à Zaheerabad et dans les villages voisins. Toutefois, une grande part de la conservation de la biodiversité agricole ne peut être réussie que par l'utilisation active de la diversité par les agriculteurs et par l'intégration de cette diversité dans des systèmes contrôlés par les agriculteurs eux-mêmes et tenant compte à la fois des besoins humains présents et futurs. Les éléments clés qui font le succès de cette formule sont:

1) des systèmes d'agriculture efficaces et adaptés aux zones arides: le développement de la diversité en articulant sur le terrain la diversité génétique et la diversité spécifique de manière fonctionnelle dans des agrosystèmes complexes dont les nombreuses interactions seront gérées par les agriculteurs.

2) un système public de distribution alternatif: un système décentralisé, bon-marché, situé dans les villages et géré localement, distribuant de manière équitable et efficace les maigres ressources à ceux qui en ont le plus besoin.

3) des systèmes financiers contrôlés localement: dans chaque village, le Fond communautaire des grains (CGF) fournit l'argent dont les gens ont besoin pour produire leur alimentation en rendant possible la régénération des terres ainsi que la distribution de sorgho à des prix subventionnés aux plus pauvres.

4) des systèmes de partage des droits, des responsabilités et des bénéfices définis localement. A travers leurs analyses personnelles, leur aptitude à planifier, négocier et agir, les collectifs de femmes ont mis au point leurs propres réglementations pour répartir les droits, les ressources et les responsabilités. La classification des niveaux de vie établie de manière participative dans chaque village est une bonne illustration de la capacité des femmes, même pauvres et en majorité illettrées, à agir dans le domaine institutionnel et politique.

Les ressources génétiques adaptées au milieu, les savoir-faire des populations, les financements et les technologies ont été organisés dans des systèmes contrôlés démocratiquement et destinés à satisfaire le droit humain fondamental à l'alimentation. C'est dans le cadre de systèmes de ce type, plus étendus(mais toujours réalisés à une échelle locale), que la diversité agricole et la sécurité alimentaire peuvent être régénérées.

Le conflit d'intérêts pour développer le programme

Le soutien financier apporté par le Ministère du développement rural a été crucial pour démarrer le système public de distribution alternatif dans le district de Medak. Les petites contributions apportées par le gouvernement ont fourni la base nécessaire au renforcement économique des pauvres par les actions collectives et autosuffisantes des femmes des sanghams. Toutefois, d'autres instances de la bureaucratie gouvernementale furent moins favorables aux initiatives des femmes et ont par conséquent tout fait pour saboter, diffamer et faire échouer le projet du SPD alternatif.

Le problème est venu en partie du grand succès rencontré par un système élaboré par des femmes pauvres, analphabètes et appartenant aux castes les plus défavorisées de l'Inde. Les politiciens locaux se sont sentis menacés par la confiance croissante que les femmes montraient et par le fait qu'elles deviennent moins dépendantes d'eux. Ils ont tout fait pour persuader le gouvernement de se méfier des résultats de l'évaluation qu'il avait lui-même menée. De façon classique, le pouvoir aux mains des riches et des puissants a fini par se liguer contre les femmes, les pauvres et les faibles.

Le style de gestion souple, local et adapté qui caractérise le système public de distribution alternatif est en désaccord total avec le schéma dominant de l'approche de la question du développement. L'apprentissage rapide basé sur l'expérience et les ajustements nécessaires face aux contraintes et aux opportunités concrètes ont conduit les femmes à réinterpréter un certain nombre de directives gouvernementales concernant par exemple les friches, le prix du grain, les subventions et la pauvreté. Certains bureaucrates du gouvernement ont vu cela comme un déni des normes officielles. Ils sont restés insensibles aux arguments émis par les femmes et la DDS qui affirmaient qu'un suivi rigide des schémas directeurs et des règles mettrait tout simplement fin au projet alternatif.

Malgré une évaluation très favorable établie par un organisme gouvernemental, une campagne internationale de pétitions, et des rencontres des délégations de la DDS avec de hauts responsables à New Delhi, une partie de la bureaucratie gouvernementale de l'Andhra Pradesh a réussi à retarder et à bloquer les financements accordés aux collectifs de femmes en 1997 et 1998. De plus, les premiers acteurs qui se trouvaient au départ de cette remarquable initiative ont été les cibles d'attaques dans la presse. Certains membres ayant des intérêts dans les milieux de la bureaucratie et de la politique ont demandé que la DDS soit déclarée illégale et que des procédures criminelles soient engagées contre elle. Le contexte politique a ainsi rendu difficile l'extension du SPD alternatif à un plus grand nombre de populations et de lieux, malgré son immense potentiel. Dans le district de Medak seul, il y a plus de 2 millions de personnes vivant dans 1200 villages où au moins 50 % des terres sont en friches.

Lorsqu'on leur demande quels conseils donner aux villages voisins sur la façon de démarrer un SPD alternatif, les femmes des sanghams répondent: " Il est essentiel de s'organiser en sangham - afin de partager le même état d'esprit. Nous avons besoin de mettre en commun les informations et les réflexions. Ensuite nous pouvons identifier les terres en friche et les remettre en culture tous ensemble". Ces déclarations sont à la fois émouvantes et courageuses: elles mettent l'accent sur ce qui doit être à la base d'un véritable engagement pour un programme de développement rural et de conservation. La disposition des agricultrices à lutter contre l'adversité est courageuse. Elles ont montré la volonté et la force de remettre en question les politiques et les pratiques bureaucratiques qui se coalisent contre le droit à l'alimentation, l'utilisation durable de la terre et la régénération de la biodiversité qui alimentent les modes de vie locaux. Leurs actions sont à la fois source d'inspiration et de renforcement pour les pauvres et les dominés partout dans le monde.

Les personnes ressources des sanghams de femmes qui ont rendu cet article possible sont indiquées dans le tableau 1.
PV Satesh est directeur de la DDS, que l'on peut contacter à l'adresse suivante: A-6 Meera Appartments, Basheerbagh, Hyderabad, AP 500 020, Inde. E-mail: [email protected]. Michel Pimbert travaille avec le Programme pour les moyens d'existence ruraux et l'agriculture durable de l'Institut international pour l'environnement et le développement et est consultant à l'Institut pour les études sur le développement au Royaume Uni, E-mail: [email protected]


Sources principales:

* KS Gopal, and M Sashi Kumar (1997). Food security in the semi arid regions: towards a new paradigm. Mimeograph published by the Centre for Environment Concerns, 3-4-142, Barkatpura, Hyderabad, Andhra Pradesh, India.

* Articles de presse: Deccan Chronicle, Times of India, The Hindu, The Indian Express

* V Ratna Reddy (1992). "Underutilisation of land in Andhra Pradesh: extent and determinants." Indian Journal of Agriculture and Economy. KS Gopal and M Sashi Kumar (1997), Food security in the semi arid regions: towards a new paradigm. Mimeograph published by the Centre for Environment Concerns, 3-4-142, Barkatpura, Hyderabad, AP, India.

* Communiqué de presse du Deccan Developement Society, 20 janvier 1999


Référence pour cet article : GRAIN, 2001, Reconquérir la diversité, restaurer des modes de vie, juin 2001, Seedling, GRAIN Publications

Lien sur internet : www.grain.org/fr/seedling/seed-jun992-fr.cfm


Notice de copyright : Les publications de GRAIN peuvent être reproduites, traduites et distribuées. Tout ce qu'on vous demande de faire c'est de citer les sources originales et d'envoyer une copie à GRAIN.


GRAIN, Girona 25 ppal, Barcelona E-08010, Espagne.


Author: P.V. Satheesh et M. Pimbert
Links in this article:
  • [1] http://www.grain.org/fr/seedling/seed-jun992-fr.cfm
  • [2] mailto:'