https://grain.org/e/3732

Mali : Forum des peuples à Fana, 2005

by plusieurs | 14 Jul 2005
Les altermondialistes africains rejettent la privatisation du coton malien

Almahady Cissé
Inter Press Service (Johannesburg)
13 Juillet 2005

Fana, Mali
Rejetant la privatisation programmée en 2008 - de la Compagnie malienne de développement de textiles, le Forum des peuples, réuni à Fana, au Mali, a lancé une pétition pour dire "Non à la privatisation et à l'introduction des OGM" (organismes génétiquement modifiés) dans ce pays.
Créée en 1974 dans le but de gérer la filière cotonnière, la Compagnie malienne de développement de textiles (CMDT) est une entreprise d'Etat dont le rôle est d'organiser la production et la commercialisation du coton. Elle achète le coton graine aux producteurs et revend le coton fibre sur le marché international.

La production cotonnière au Mali est estimée à environ 600.000 tonnes pour la campagne 2004-2005, selon la CMDT.

Deuxième localité malienne grande productrice de coton après Koutiala, Fana est le chef-lieu d'une des 23 communes dans la région de Koulikoro, dans le sud du Mali. Fana a une population de 25.631 habitants, selon la mairie de la ville.

La pétition des altermondialistes africains, réunis en contre-sommet du G8 (Groupe des huit pays les plus industrialisés, qui se tenait à Gleneagles, en Ecosse), a recueilli plus de 1.000 signatures.

Pour la quatrième année consécutive, des mouvements sociaux africains se sont rencontrés au Mali, un pays d'Afrique de l'ouest, du 6 au 9 juillet, avec quelque 1.300 participants venus de la sous-région, mais également de Belgique, de France, de Suisse et du Canada.

Partie intégrante du Forum social africain et du Forum social mondial, le Forum des peuples se donne la spécificité de se réunir chaque année en contrepoint au sommet du G8. Avant Fana, c'était d'abord à Siby en 2002 et 2003, et Kita en 2004, deux localités du sud-ouest du Mali. Le secrétariat du forum est basé à Bamako, la capitale malienne.

Le Mali a été choisi pendant toutes ces années suite à une initiative des Maliens, selon la présidente de la Coalition des alternatives africaines dette et développement (CAD-Mali), Aminata Barry Traoré.

Selon le maire de Fana, Kader Traoré, la privatisation de la filière coton est un enjeu de mobilisation important pour la population de sa localité, et spécifiquement pour les paysans.

Pour les pétitionnaires, la privatisation de la CMDT, imposée par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, aura des conséquences très graves sur l'économie du Mali, et sur le monde paysan, en particulier, qui compte trois millions de producteurs de coton, selon des chiffres officiels.

Le gouvernement malien est favorable à la privatisation programmée initialement en 2006, puis reportée en 2008. La CMDT est déficitaire depuis des années, avec notamment la chute des cours de coton, provoquée par la subvention des cotonculteurs des Etats-Unis et d'autres pays.
En outre, la Banque mondiale exige, depuis septembre 2004, la privatisation de la CMDT, comme une condition indispensable à son aide financière au Mali.

Dans un entretien avec IPS, Banfing Diarra, président de la section du Syndicat des producteurs du coton et vivres, de Markakoungo - une localité située à 80 kilomètres de Bamako -, estime que les conséquences de la privatisation seront nombreuses.

"La privatisation de la CMDT va entraîner une réduction considérable des services sociaux de base - éducation, santé - la diminution des emplois agricoles et non-agricoles", a-t-il déclaré. La CMDT, qui est une entreprise publique, doit construire des écoles, de centres de santé et des pistes rurales dans les régions productrices de coton, explique-t-il.
"Auparavant, le coton rapportait quelque chose quand le prix était fixé à 210 francs CFA (environ 42 cents US) le kilogramme...Mais depuis deux ans, avec la chute des prix, nous sommes contraints de céder notre coton à un prix dérisoire de 160 FCFA (32 cents US) le kilo", s'indigne-t-il, mettant en cause, entre autres, les subventions agricoles aux producteurs américains dont le coton vendu à bas prix inonde le marché international.
Dans quatre pays africains -- Burkina Faso, Mali, Tchad et Bénin -- dont les économies sont basées sur la production cotonnière, le coton américain est en train d'être déversé à bas prix sur le marché et des moyens de subsistance sont en train d'être perdus, tout ceci au nom du commerce, a déclaré à IPS, à Gleneagles, en Ecosse, Devinder Sharma, un éminent spécialiste de l'économie agricole.

Les prix du coton américain sont bas parce que 25.000 producteurs de coton américain reçoivent quatre milliards de dollars par an en subventions, a-t-il ajouté. "Ceci est visiblement en train de faire déprimer le marché en Afrique, et dans d'autres pays. Ensuite, ils demandent aux agriculteurs de ces régions de diversifier et d'aller vers d'autres cultures".

Un producteur de coton dans l'Etat américain de l'Arkansas reçoit des subventions s'élevant à six millions de dollars, équivalant aux revenus annuels combinés de 25.000 cotonculteurs au Mali, a indiqué Sharma, qui est un activiste de longue date pour les droits des agriculteurs dans le monde en développement.

Aujourd'hui, explique Diarra à IPS, ses cinq hectares de coton qui faisaient jadis son bonheur et celui des siens, n'arrivent plus à subvenir aux besoins de sa famille. "Avec la privatisation, c'est sûr qu'on va arrêter la culture de coton et se tourner vers des cultures vivrières comme le mil et le maïs". Ces produits permettent aux paysans de produire assez de la nourriture pour leur sécurité alimentaire, mais ce ne sont pas des cultures commerciales qui rapportent beaucoup d'argent comme le coton.
Les mêmes inquiétudes sont partagées par la présidente de "Badenya", un collectif d'associations féminines de Fana. Pour Kadidia Bagayoko, "à cause de la crise actuelle consécutive à la baisse des prix du coton, nos hommes n'arrivent plus à honorer leurs obligations : frais de condiments, de scolarisation des enfants et de santé".

Faisant allusion au débat en cours sur les OGM au Mali, Barry déclare donner l'alerte contre toute forme d'introduction d'OGM. Elle dit qu'elle craint qu'une fois la privatisation effectuée, les repreneurs de la CMDT n'introduisent les OGM dans la production de coton pour plus de rentabilité.

"La privatisation de la CMDT donnera le champ libre aux entreprises multinationales qui veulent imposer les OGM dans l'agriculture malienne. Elle aura pour conséquence la destruction du patrimoine génétique malien, l'appauvrissement du monde paysan, le contrôle de l'agriculture par des multinationales", affirme-t-elle. "C'est pour toutes ces raisons que nous, mouvements sociaux (associations de jeunes, femmes, confessions religieuses, coordination d'organisations non gouvernementales), refusons la privatisation de la CMDT et l'introduction des OGM", a souligné Barry à IPS.

Mais, les autorités ont rassuré les altermondialistes, indiquant que pour passer d'une production de rente à une agriculture industrielle et, même pour assurer la sécurité alimentaire et exporter, il faut d'abord expérimenter les OGM. Le ministre malien de l'Agriculture, Seydou Traoré, l'a dit récemment encore lors d'une rencontre, à Bamako, sur la problématique de l'introduction des OGM dans l'agriculture des pays de l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest (UEMOA).
Selon Barry, "aujourd'hui, le monde, et en particulier les pays du Sud dont le Mali, vivent une situation de délabrement social, économique, environnemental et culturel par la faute des pays riches". Elle estime que les subventions agricoles aux producteurs américains et européens ainsi que l'accès difficile des produits africains aux marchés des nations industrialisées, aggravent la pauvreté dans les pays pauvres, notamment en Afrique.

Selon le rapport 2004 du Programme des Nations Unies pour le développement, intitulé 'Décentralisation et réduction de la pauvreté', 65 pour cent des Maliens vit avec moins d'un dollar par jour, pour une population estimée à près de 11,7 millions d'habitants.

Pour cette raison, explique à IPS, Dounantié Daou, le secrétaire national de CAD/Mali, "Nous voulons que les leaders du G8 puissent prendre des actions concrètes pour le respect de leur engagement à lutter contre la pauvreté".

"Nous joignons notre appel à celui de la Campagne mondiale de lutte contre la pauvreté, pour dire aux chefs d'Etat des huit pays les plus riches du monde que les peuples d'Afrique et du Tiers monde payent un lourd tribut, vivent dans une pauvreté grandissante, sous-tendue par la diminution des prix des matières premières, le fardeau de la dette, la concurrence de nos produits, les exigences des investisseurs étrangers, et l'évasion des capitaux", a-t-il martelé.

Dans la même logique, Barry demande, dans un appel au G8, de "prendre des dispositions urgentes pour mettre fin aux inégalités qu'ils ont construites dans le monde, d'annuler la dette totale des pays du Tiers monde sans aucune conditionnalité".

Outre la tenue d'un symposium, des conférences populaires paysannes, et l'animation d'un "marché des peuples", de nombreuses autres activités culturelles se sont déroulées au forum de Fana.

Les travaux du Forum des peuples ont pris fin le samedi (9 juillet) par une marche au terme de laquelle la pétition a été remise au sous-préfet de Fana qui l'a transmise au gouvernement malien.

------------

Les paysans disent non aux OGM et à la privatisation de la CMDT

La conférence populaire paysanne a rejeté les OGM et refusé la privatisation annoncée de la Compagnie malienne de développement du textile (CMDT).

Venus de plusieurs contrées du Mali, les paysans maliens ont pris la parole, le 7 juin 2005, dans le cadre du IVe Forum des peuples, pour dire de vive voix qu’ils n’accepteraient pas la privatisation de la Compagnie malienne de développement du textile (CMDT) programmée par le gouvernement du Mali pour 2008. Selon les altermondialistes regroupés à Fana, cette privatisation, imposée par le Fonds monétaire international(FMI) et la Banque mondiale, aura des conséquences très graves sur l’économie du pays en général, et sur le monde paysan malien en particulier. Au nombre des conséquences de cette privatisation, les paysans ont dénoncé la disparition du prix garanti aux producteurs. “Le prix du coton sera désormais fixé par les entreprises multinationales qui vont s’offrir nos usines à moindre coût”, estime Kefa Diarra, de la section de Fana du Syndicat des producteurs de coton et vivriers. La CMDT fait pourtant vivre trois millions de Maliens. Culture millénaire, le coton a été introduit au Mali à la faveur du commerce transaharien. Sa culture était alors limitée à quelques champs de case. “Introduite au Mali par l’actuelle commune rurale de Fana , la culture du coton fut marginale à ses débuts.

Depuis bientôt trente ans, elle est devenue le moteur de l’économie du pays”, a-t-il-indiqué. Sidiki Diabaté du club Thomas Sankara a, quant à lui, indiqué que la privatisation de la CMDT va augmenter le chômage dans le pays avec la dimunition des emplois agricoles et non agricoles et la fermeture des entreprises de transport et des garages. “Parce qu’elle est un véritable instrument de développement, la CMDT doit rester dans le giron du Mali” Venue de Sikasso, Korotoumou Koné a impressionné toute l’assistance par la pertinence de ses exemples. “Cete entreprise n’a apporté que du bonheur au paysans. Mais depuis que des Maliens ont décidé de mettre la boîte à genoux, les malheurs des paysans ont commencé. Ils ont pillé la CMDT avec la complicité des autorités qui les nommaient et les maintenaient contre vents et marées malgré leurs fautes”, s’est-elle résumée. Assurant les cotonculteurs de toute sa solidarité, Mody Sissoko du syndicat Sexagon de Niono a souhaité une “union des forces paysannes” pour faire échec à la privatisation de la CMDT.

De son côté ; Bakary Blé Doumbia a fustigé la politique qui consiste à introduire des OGM dans l’agriculture d’un pays où les paysans n’ont avant tout besoin que d’équipements matériels pour gagner le combat de l’autosuffisance alimentaire. Révolté par la volonté des autorités d’introduire les OGM au Mali, le paysan venu de Bougouni a invité celles-ci à utiliser leurs propres champs pour expérimenter les OGM et à oser nourrir leurs familles avec ces récoltes.

Assane Koné

Forum des Peuples 2005 - Fana, Mali.
Coalitions des Alternatives Dette et Développement (CAD-Mali)

--------------

http://www.penserpouragir.org/article.php3?id_article=121

"Tous ensemble pour construire un monde juste et solidaire".

Déclaration du Forum des Peuples


Préambule

En contrepoint de la réunion des chefs d’Etat des huit pays les plus riches (G8) en Géorgie (USA) et pour marquer le refus de la résignation des peuples africains, des représentants de mouvements sociaux venus du Bénin, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, de Gambie, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, de la République démocratique du Congo, du Sénégal, du Tchad, du Togo et aussi de Belgique, du Canada, de France et de la Suisse, se sont réunis à Kita (Mali) du 6 au 10 juin 2004 dans le cadre du Forum des peuples. Après Siby en 2002 et 2003, la 3ème Edition du Forum des Peuples s’est illustrée par la participation massive des paysans venus des huit régions du Mali. Au terme de 4 jours de rencontres, d’échanges et de réflexions dans le cadre de conférences-débats et d’ateliers, les centaines de participants(es) (plus de 700) conviennent de la déclaration ci-après.

Considérant :

  la gravité des crises économiques, politiques, sociales et culturelles dans le continent africain du fait de son insertion dans la mondialisation capitaliste néo-libérale et ses effets désastreux sur les populations ;
  l’absence de visions et de stratégies globales dans les politiques de développement ;
  la destruction du tissu économique et social sous l’effet d’une dette odieuse, de l’application des Plans d’ajustement structurel et l’envahissement des marchés locaux par l’application des règles injustes de l’OMC ;
  la privatisation tout azimut des sociétés et entreprises d’Etat dont le corollaire est le chômage, la dislocation des foyers, la paupérisation croissante de toutes les couches sociales avec une accentuation de la féminisation de la pauvreté ;
  l’incurie des dirigeants des Etats africains, la gestion prédatrice des ressources publiques et naturelles (la terre, les forêts et les mines, ...) et le mépris des droits de la personne ;
  la non-association des populations à la conception des politiques de développement et la non-prise en compte de leurs préoccupations et droits fondamentaux ;

Le Forum des Peuples exige :

  le rejet des politiques néo-libérales (NEPAD, ACP-UE, AGOA, ...) et l’élaboration de stratégies et politiques fondées sur la satisfaction des besoins des populations ;
  la démocratisation véritable des systèmes politiques et le respect des droits humains ;
  une meilleure implication des peuples africains dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques de développement ;
  la prise en compte des alternatives portées par les mouvements sociaux et notamment la création d’un front de refus des chefs d’Etat africains face au diktat des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) et autres multinationales créatrices de misères ;
  l’annulation inconditionnelle de la dette odieuse de l’Afrique en particulier et du Tiers-Monde en général et la mise en place d’un tribunal international sur la dette ;
  l’arrêt immédiat des privatisations et la réappropriation par les peuples d’Afrique de leurs patrimoines nationaux bradés par les dirigeants sous la pression du FMI et de la Banque Mondiale ;
  la construction d’un véritable service public par l’établissement notamment d’un système éducatif et de santé, accessibles à toutes et tous et de qualité ;
  la reconnaissance pour tous les pays du droit, voire du devoir, de protéger son agriculture par des taxes à l’importation sur les produits alimentaires de base ;
  le rejet des OGM, la mise en œuvre de politiques de souveraineté alimentaire dans un cadre sous-régional, et d’une politique foncière adaptée aux besoins des sociétés paysannes ;
  la cessation du dumping (prix en dessous des coûts de production) et l’instauration de règles de commerce international justes et équitables ;
  un partenariat horizontal et équitable dans les relations Nord-Sud ;
  le renforcement des liens entre les mouvements sociaux du Nord et du Sud pour une synergie d’action et un renforcement des capacités.

Nous décidons d’ici la prochaine édition du Forum des Peuples :

  de mettre en place un comité international d’organisation et de suivi de la mise en œuvre des recommandations ;
  d’entreprendre des campagnes d’information et de dénonciation des politiques du FMI et de la Banque Mondiale à l’occasion du 60ème anniversaire des ces institutions qui a lieu cette année.

Nous disons :

Non au pillage de nos ressources et à la dégradation de l’environnement !
Vive l’unité d’action des mouvements sociaux dans le combat !
Vive le Forum des Peuples !


Par Coalitions des Alternatives Dette et Développement (CAD-Mali),


Author: plusieurs
Links in this article:
  • [1] http://www.penserpouragir.org/article.php3?id_article=121