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3. Avec les stratégies locales de conservation des semences traditionnelles, les paysans africains résistent aux multinationales : Cas du Sud-Ouest Bénin

by JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN | 15 Oct 2008

Par JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN

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(Suite) Première Partie : Les réalités des petits agriculteurs et pêcheurs

Les choix du Pasteur – Paysan

Le frère ADJOGLO Edmond est à la fois paysan et pasteur. Son champ, d’une superficie d’un peu moins d’un hectare est ensemencé de diverses variétés de haricot (niébé), qu’il cultive depuis 8 ans.

Les différentes variétés de niébé qu’il cultive ayant des caractéristiques remarquables et recherchées par les consommateurs (couleur, taille des grains, caractères organoleptiques* , …), il a réalisé des hybridations entre des variétés pour la réunion des caractères recherchés chez l’hybride.

La méthodologie utilisée tient compte, non seulement des caractères des géniteurs, mais également de la longueur du cycle de floraison des géniteurs, et de la direction du vent, surtout pour favoriser la dispersion du pollen, et obtenir un bon taux de succès des hybridations. En plus de la mise en place du dispositif adéquat d’hybridation, ce qui distingue ce paysan, c’est l’option prise de ne pas utiliser d’engrais chimiques. L’option de n’utiliser que des engrais organiques est dictée par le fait que l’utilisation d’engrais chimiques donne un mauvais goût aux cultures vivrières. De plus, ces dernières pourrissent plus rapidement que celles obtenues avec les engrais organiques. En dehors du niébé, il cultive également du maïs, du piment, de la tomate et du manioc, tous des variétés locales.

Le Pasteur tenant des fruits de baobab
récolté à proximité de son champ

photoToutes les variétés cultivées sont celles locales. La récolte est destinée à l’autoconsommation (maïs) ou la vente (haricot surtout). Il y a environ 8 ans, pour démarrer l’agriculture, il a acheté les semences locales au marché du village. Mais depuis ce temps, à chaque récolte, il conserve les semences pour les prochaines plantations. Mais dans le village, il arrive parfois aux paysans d’échanger des semences entre eux par le troc : 1 kg de semence d’une variété X est échangé contre 1 kg de semence d’une autre variété Y. Dans le cas de la vente au marché local, pour la même variété, le prix des semences est supérieur à celui des graines destinées à la consommation. Le champ cultivé par le frère A.E. est loué. C’est également le cas de nombreux autres paysans qui sont des « sans terre ». Ces derniers sont, soit des allogènes, soit des autochtones dont les parents ne leur ont pas laissé de terre en héritage. Mais cette contrainte ne conduit pas ici aux luttes sociales semblables à celles de paysans sans terre connues au Brésil.

La pêche à Grand-Popo

Tout comme le monde de l’agriculture au sens strict, la pêche évolue à deux vitesses, avec la pêche traditionnelle souvent dénommée pêche artisanale, et qui reste aux mains des communautés locales, et la pêche moderne, proche de la pêche industrielle. Ici, l’on s’intéresse plus à la pêche artisanale, qui permet aux populations locales d’assurer leur subsistance.

Si les pêcheurs du quartier Ewécondji – Plage sont des autochtones, il faut reconnaître qu’il y a également des communautés allogènes de pêcheurs, dont des Ghanéens. Le Groupement autochtone de pêcheurs qui a bien voulu se prêter à nos questions en Novembre 2007 a pour chef, M. AGBOBLI AYIKOUE (Hounnonvio). Les différentes espèces de poissons pêchés ici sont réparties dans le temps, selon les saisons de l’année. C’est ainsi que l’espèce « Bobi » ne s’offre à la pêche que pendant trois mois dans l’année (Octobre - Novembre – Décembre). Mais la plupart des autres espèces sont pêchées presque toute l’année. Les fruits de mer sont destinés à la consommation et à la vente. Mais force est de constater qu’au fur et à mesure que les années passent, la taille des poissons pêchés diminue. Selon le Groupement des pêcheurs rencontré à Kingninhoué – Gbèkon, cette diminution est due au fait que chez la communauté Popo, les anciennes coutumes permettant de pêcher de gros poissons sont aujourd’hui délaissées. Or, ces anciennes pratiques permettaient aux alevins de grandir.

Mais de nos jours, les filets ramassent tous les poissons grands et petits, et les alevins n’ont plus le temps de grandir. Avec les conflits internes, les cérémonies traditionnelles qui concourent à la protection des poissons ne se font plus. Autrefois, ils consultaient le « FA ». A la suite de cette consultation, ils faisaient des sacrifices, « Sanvo » qui permettaient à la pêche d’être fructueuse. De leur point de vue, ceci fait partie de « La loi de la Nature ». Pour l’organisation de ces cérémonies, tous les propriétaires d’instruments de pêche cotisaient.

photoDeux espèces de poisson pêchées à Grand – Popo (Département du Mono)

Mais aujourd’hui, ces cotisations sont à la base de conflits. Les conflits entre les humains, ont également conduit aux conflits entre les « vodouns » (divinités locales). La preuve : le bœuf offert en sacrifice dans une pirogue, et conduit à plusieurs km au large ne revenait jamais. Mais, il y a quelques années, les différents conflits ont fait que le bœuf offert à la mer en sacrifice, s’en est retourné de lui-même sur la terre ferme.

Néanmoins, certaines cérémonies sont toujours respectées de nos jours. C’est le cas de « Glatin ». Tous les cinq jours, il est interdit de pêcher. C’est précisément le jour de repos des vodouns qui favorisent la pêche fructueuse. Certaines espèces de poissons spécifiques ne sont d’ailleurs visibles que ces jours – là.

(A suivre)

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Author: JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN