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2. Avec les stratégies locales de conservation des semences traditionnelles, les paysans africains résistent aux multinationales : Cas du Sud-Ouest Bénin

by JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN | 15 Sep 2008

Par JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN

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(Suite) Première Partie : Les réalités des petits agriculteurs et pêcheurs

A propos du maïs, il reconnaît qu’au Sud-Bénin, les agriculteurs ont deux saisons annuelles de culture de maïs. Mais à Klouékanmè, ils ne font qu’une seule saison annuelle, à cause des attaques de ravageurs et de la pauvreté de leurs terres. Dans les localités voisines  comme Lalo et Lokossa où les terres sont encore fertiles, les agriculteurs continuent de pratiquer les deux saisons de cultures de maïs par an. Il n’est membre d’aucune organisation paysanne et n’a  jamais entendu parler des OGM.

Gilbert DANGLO, agriculteur à Yénawa II est également le secrétaire de l’Union Communale des Producteurs de Klouékanmè (UCP, une organisation paysanne décentralisée de la Fédération des Unions de Producteurs du Bénin – FUPRO - Membre fondateur du ROPPA - Réseau des Organisations de Paysans et Producteurs d’Afrique de l’Ouest). Il cultive des produits maraîchers (tomate, piment), du haricot et du palmier  à huile. S’il utilise de l’engrais chimique pour la tomate, tel n’est pas le cas avec les autres cultures. Sans nul doute qu’au nombre des semences de tomates achetées au marché, il y a des hybrides[*]. Les récoltes de ces cultures sont destinées à la vente, à l’exception des semences. La diversité génétique du niébé (haricot) et de la tomate de son champ est digne d’intérêt, avec différentes variétés portant des noms se référant à leurs caractéristiques biologiques ou culinaires.
Un grenier de maïs à Klouékanmè (Département du Couffo)
Un grenier de maïs à Klouékanmè (Département du Couffo)

Il sélectionne des semences pour ses cultures ultérieures. A Klouékanmè, ils reçoivent la variété améliorée de maïs «DMR » [**] dont la durée de conservation n’est pas aussi longue que celle des variétés locales. Il a déjà entendu parler des OGM et est contre ces cultures à cause des explications qu’il a entendues à la radio. Pour lui, les producteurs d’OGM nous considèrent toujours comme des inhumains. De ce fait, il ne peut pas accepter des OGM que des paysans et des consommateurs de pays développés qui sont actuellement les producteurs refusent. Mais il n’a jamais entendu parler de « Terminator »

Tout comme les autres paysans de la région, il cultive aussi du manioc car les femmes de cette région en font du gari ou du tapioca. Les boutures utilisées sont soit locales, soit améliorées et fournies par les services régionaux du Ministère de l’Agriculture. Il pourrait s’agir des variétés améliorées par l’IITA. Enfin, le pois d’angol est presque toujours mélangé aux autres cultures, et semé au début de la première saison de pluie. La localité tire d’ailleurs son nom de cette dernière culture : «KLOUE »  = pois d’angol et «KANME » = plantation ; elle augmente l’azote du sol.

Les pratiques culturales de cette région illustrent bien la contradiction qui existe entre la politique locale initiée et soutenue par les communautés locales dans les villages, et la politique nationale adoptée par le gouvernement du Bénin. Sinon comment comprendre que les agriculteurs s’adonnent en majorité aux cultures vivrières, alors que le gouvernement a déclaré la commune de Klouékanmè, zone cotonnière ? Selon Maxime TOKLO, Ingénieur agronome, et Président de l’ONG A2D (Association pour l’Agriculture et le Développement Durable), employé à la Mairie de Klouékanmè, les populations, après consultation, ont exprimé le besoin de développer les filières tomate et orange. La Mairie ayant des moyens limités, a choisi de les accompagner pour la tomate, avec l’appui de certains partenaires au développement. Ceci dénote du bon fonctionnement de la décentralisation dans la commune et dans le pays. Mais paradoxalement, l’un des partenaires qui avait accepté de soutenir la Mairie, a remis en cause les clauses du partenariat à cause de la décision gouvernementale.

En plus des vivriers, il y a aussi des agrumes

Quelques orangesDans le verger d’orangers plantés il y a dix ans par Davi KOUASSIVI (village de Davihoué), les jeunes plants avaient été achetés chez les sélectionneurs (greffeurs) d’orangers. Aujourd’hui, il associe la culture d’arachides sur billons, pour l’entretien  des orangers. En effet, l’eau retenue par les sillons pénètrent sous les orangers et permet une meilleure production. Pour démarrer, il a acheté les semences locales d’arachide au marché pour le premier semis. Depuis lors, une partie de la récolte est retenue chaque année comme semence de l’année suivante. La terre étant appauvrie, il utilise de l’engrais chimique autour des orangers, mais n’en utilise pas pour l’arachide. Ces productions sont destinées à la vente. Il dispose également d’un champ de palmier à huile traditionnel, dont les plantules proviennent des dons d’amis ou prélevés dans la nature. Il n’utilise jamais d’engrais chimiques pour ces palmiers à huile destinés à l’auto-consommation (sauce graine et huile rouge).

D.K. sait ce que c’est que les OGM pour avoir assisté à une conférence organisée par la Mairie de Klouékanmè. Il a également entendu parler de « Terminator ».

Il importe de préciser que tous les paysans rencontrés reconnaissent que l’utilisation de l’engrais chimique sur les cultures vivrières permet d’obtenir une meilleure production pour la vente. Mais très souvent, ils les excluent de leur propre consommation, et préfèrent consommer les cultures vivrières produites avec de l’engrais organique qui ont un meilleur goût.

(A suivre)

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* Un hybride est une semence améliorée en croisant deux variétés appartenant souvent à la même espèce, au même genre ou à la même famille. Un hybride est différent d’un organisme génétiquement modifié (OGM), non seulement par la technologie utilisée pour leur production (l’hybride respecte la nature en croisant des plantes ou des animaux qui sont proches naturellement, alors que l’OGM est produit par génie génétique qui touche au cœur du vivant et mélange des espèces qui appartiennent à des genres, des familles, des règnes différents). Si l’hybride ne pose pas trop de problèmes, ce n’est pas le cas des OGM qui posent des problèmes biologiques, économiques, sociaux, culturels et éthiques.

** DMR = Downy Mildew Resistant en anglais, Maïs résistant à certaines maladies. Il a été créé par le CIMMIT, le Centre International d’amélioration du maïs situé au Mexique.

Author: JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN