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1. Avec les stratégies locales de conservation des semences traditionnelles, les paysans africains résistent aux multinationales : Cas du Sud-Ouest Bénin

by JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN | 30 Aug 2008

Par JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN

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Première Partie : Les réalités des petits agriculteurs et pêcheurs

Depuis plusieurs décennies, les multinationales essaient tant bien que mal de contrôler les ressources génétiques africaines, surtout les semences agricoles. Parmi les stratégies qu’elles utilisent, nous avons l’introduction des intrants chimiques avec tous les inconvénients connus aujourd’hui, l’adoption des lois nationales et/ou régionales calquées sur les modèles européens pour la plupart, les projets américains comme AGOA, Millenium Challenge Account,…… Mais, les dignes communautés locales, sans bruit, résistent à ces stratégies, en transmettant de génération en génération, leurs propres pratiques culturales et leurs stratégies locales d’utilisation des semences et de la gestion de leurs ressources génétiques. Ainsi, sans coup férir, les communautés locales africaines continuent de contrôler leur patrimoine génétique, comme le montrent quelques exemples du Sud – Ouest du Bénin.

Les femmes sont les premières au front

Béatrice SOTONDJI, agricultrice du village de Fongba (Lokossa) dispose d’un champ pépinière de plantules de palmier à huile traditionnel, obtenu à partir des semences que son beau-père lui a généreusement offertes. Elle préfère le palmier à huile naturel car  celui sélectionné, même s’il produit beaucoup de régimes et beaucoup d’huile permettant de s’enrichir, la sauce-graine et l’huile extraite du palmier à huile traditionnel sont meilleurs sur le plan organoleptique*[1]. Leur village n’est pas une zone  de culture de palmier à huile et, il y a une cinquantaine d’années il fallait aller dans le village de Sè, à plusieurs dizaines de kilomètres de Fongba pour obtenir des plantules. Aujourd’hui, avec les pépinières de B.S, les paysans de Fongba qui le désirent peuvent aller  chercher gratuitement des plantules de palmier à huile pour ensemencer leur champ. Ce don de semences est l’une des caractéristiques fondamentales de l’agriculture paysanne. Mais parfois, si la demande est trop forte, quatre (4) plantules peuvent être vendues à 25 francs CFA (O,038 Euro).

B.S. dispose également d’un champ de cultures vivrières qu’elle cultive depuis neuf (9) ans, sans aucun engrais chimique. Et pourtant, elle a toujours un bon rendement dans le même champ. Seulement, avec l’inondation de cette année (catastrophe naturelle due au changement climatique dans toute l’Afrique de l’Ouest) seulement une partie du champ a pu être cultivée.
Généralement B.S. sélectionne elle- même ses semences pour les semis des années suivantes. Pour ce faire, elle sème le maïs et plante le manioc en association à différentes dates. A la récolte, elle ne mélange pas les produits obtenus des semis de dates différentes, pour pouvoir trier les semences issues des premiers épis récoltés secs. Ces derniers sont séchés au soleil, puis conservés au dessus de la cheminée de la cuisine pour éviter les attaques des charançons. Ce faisant, la saison suivante, toute graine semée germe. Elle n’a jamais acheté de semences pour son champ. Les semences qu’elle a reçues en don au démarrage de ses activités agricoles, il y a une dizaine d’années, lui servent jusqu’à ce jour.

Il en est de même avec Dassanou DOH, agricultrice, femme du délégué du  village de Fongba qui nous a accompagnées dans le champ de B.S. Ces deux femmes, sélectionnent leurs semences tout comme Marie DOSSA, agricultrice de Agbodougbé (Athiémé) et Présidente des femmes de Synergie Paysanne qui a organisé toute la visite. Mais elles reconnaissent que cette pratique n’est pas suivie par toutes les femmes agricultrices de Fongba. Certaines d’entres elles préfèrent acheter des semences vendues par les structures d’encadrement agricole de l’Etat (Centre Régional pour la Promotion Agricole / CeRPA) ou au marché. Toutes ces femmes connaissent les OGM, y compris « Terminator » car elles ont participé à la formation organisée par JINUKUN en Août 2007 à Kpinnou.

Des femmes de Synergie Paysanne dans un champ de maïs à Fongba (Commune de Lokossa) | aLes multinationales nous tuent vivants

La visite du verger  d’orangers de Félicien ZONGLAHOUN, un agriculteur qui dispose de plusieurs champs à Yénawa (Commune de Klouékanmè) a permis de constater qu’il a acheté les semences au marché local. Les orangers mis en terre il y a quatre ans ont commencé à produire cette année. Il dispose également de champ de haricot et d’arachide. F.Z. achète toutes ses semences au marché, car sa récolte est destinée à l’alimentation familiale et à la vente pour disposer d’argent pour les besoins familiaux et sociaux. Parfois, il lui arrive de sélectionner et de conserver des semences pour les prochaines plantations. Mais si des difficultés financières surviennent au cours de l’année, il vend toute la récolte, y compris les semences pour résoudre ses problèmes financiers. Dans ce cas, il se trouve dans l’obligation d’acheter au marché local de nouvelles semences. Il utilise de l’engrais chimique pour les cultures vivrières et traite les orangers avec les pesticides.

Il estime que ses terres sont pauvres, et qu’il est obligé de recourir aux intrants chimiques pour avoir de bons rendements. De son point de vue, il lui est difficile, tout comme aux autres paysans de ce village d’utiliser de la fumure organique. En effet, selon ses dires, seules les femmes continuent d’utiliser  exclusivement de la fumure organique, avec d’ailleurs de meilleures récoltes. F.Z. estime qu’il n’y a pas suffisamment d’ordures dans son village, pouvant suffire aux femmes et aux hommes. A propos des multinationales qui produisent les intrants chimiques, il reconnaît « qu’elles nous tuent vivants, nous mettent devant le tombeau, alors que nous sommes encore vivants ».

Son champ de palmier à huile comporte une pépinière de palmier à huile naturel, hérités de ses parents. Il les récolte pour son auto-consommation et pour la vente. Les grands pieds de palmier à huile sont souvent abattus pour extraire du vin de palme pour la boisson  et pour faire du Sodabi (alcool local). Il n’utilise ni engrais, ni pesticides chimiques dans sa palmeraie. Il affirme  que presque tous les villageois cultivent du palmier à huile traditionnel. Les quelques paysans qui cultivent du palmier à  huile sélectionné le font parce qu’ils ont plus de moyens financiers.

Il importe de préciser qu’il y a quelques mois, des Hommes d’affaires Malaisiens sont venus faire une tournée en Afrique de l’Ouest, à la demande du Président de la République du Bénin qui veut à tout prix faire de son pays, « un pays émergent ». N’ayant pas eu accès au dossier, il est difficile de dire le but visé par les 400 000 (quatre cent mille) hectares de palmier à huile qui devraient être produits dans ce cadre. Mais, vu l’engouement pour les agrocarburants au Bénin et en Afrique, il est fort à craindre que ces plantations soient destinées à cette utilisation.

(A suivre)

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[1] Organoleptique = qui affecte les organes des sens : goût, odeur, couleur, aspect, consistance, etc.

Author: JINUKUN, Synergie Paysanne et GRAIN