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Déclaration à l'issue du 3ème Forum annuel de COPAGEN

by COPAGEN | 12 Nov 2007

Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN)

Nous, membres de la Coalition des Organisations de la Société Civile pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN) du Bénin, du Burkina Faso, de la Cote d’Ivoire, de la Guinée Conakry, de la Guinée Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo, réunis du 23 au 28 juillet à Conakry pour le troisième forum de notre mouvement, avons comme par le passé, analysé la situation de l’agriculture africaine face aux dangers qui la menace, notamment la pression de plus en plus forte des pays du Nord et des multinationales qui se soutiennent mutuellement pour introduire les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) dans les pratiques agricoles du continent sous le couvert de la biotechnologie moderne.

Nous sommes particulièrement préoccupés par les nombreuses initiatives qui sont prises aujourd’hui par des institutions de financement toutes extérieures au continent africain, dans le but de lui imposer de l’extérieur, ce qu’elles ont convenu d’appeler la « nouvelle révolution verte ». Parmi les acteurs les plus importants de ladite révolution verte en Afrique, il y a la Fondation Rockefeller qui y a, par le passé, investi des sommes énormes pendant plus de 30 ans, pour que l’on s’aperçoive aujourd’hui que « l’Afrique a raté la première révolution verte » ou que « la première révolution verte à raté l’Afrique ».

Une des raisons importantes de l’échec du passé est la mise à l’écart des premiers concernés, les paysans africains. Malgré les discours appelant à l’implication des paysans, les acteurs de la révolution verte en Afrique, en particulier la Fondation Rockefeller, avaient peu pris en compte la situation des producteurs africains. Des centaines de millions de dollars avaient été ainsi déversés sur des instituts de recherche, souvent pilotés de l’extérieur du continent, comme si les problèmes de l’agriculture africaine n’étaient que techniques. Or des décennies d’expériences de développement avaient déjà prouvé que toute solution pensée, en dehors de ceux qui doivent l’appliquer et du contexte socio-culturel de leur application, n’est voué à autre chose que l’échec.

Si nous saluons la volonté exprimée de soutenir le développement de l’agriculture africaine par la mise en place de l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA en anglais), nous sommes en même temps très préoccupés par la démarche actuelle de cette alliance, qui ne semble pas avoir appris des expériences du passé. En effet, nous constatons déjà au niveau des instances dirigeantes de l’alliance, la quasi absence d’acteurs africains, actuellement impliqués dans la résolution pratique des problèmes de l’agriculture africaine : ni les organisations des paysans petits producteurs, ni les organisations non gouvernementales actives dans le domaine de l’agriculture sur le continent ne sont représentées dans les instances de décision d’AGRA.  Comment l’alliance peut-elle « travailler en relation étroite avec les paysans petits producteurs les plus pauvres d’Afrique », comme l’indique M. Gordon Conway le grand penseur de la révolution verte à la Fondation Rockefeller, sans les associer ni aux choix des orientations, ni aux prises de décisions ? 

Pour nous, à la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN), toute approche de solution pour le développement de l’agriculture africaine doit être holistique en accordant une attention équitable à tous les aspects du problème, notamment politique, économique, socio-culturel et technologique, mais surtout en associant à toute décision en la matière, les premiers acteurs concernés, les paysans.

C’est pourquoi nous prenons en très grande considération, les déclarations de Monsieur Kofi Annan, ex Secrétaire Général des Nations Unies, récemment nommée à la Présidence d’AGRA. Cité par le Business Daily (Kenya) du 17 juillet 2007, Monsieur Kofi Annan a en effet clairement affirmé, en tant que Président d’AGRA : « Nous, à l’Alliance, nous n’incorporerons pas les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) dans nos programmes. Nous travaillerons avec les paysans en utilisant des semences traditionnelles connues d’eux ». M. Kofi Annan, toujours cité par le même Business Daily, a bien précisé que c’est le bas prix des produits (agricoles) et non le type de semence, qui éloigne les producteurs de leurs fermes, malgré la spirale de l’insécurité alimentaire, et la pauvreté sur le continent. Il a ensuite souligné deux vrais problèmes que rencontre l’agriculture africaine :

  • l’insuffisance des infrastructures comme les routes, les moyens de stockage dérisoires et les faibles structures du marché ;
  • l’aide alimentaire encore utilisée pour nourrir des millions d’Africains, alors que nous avons les moyens de rendre l’Afrique autosuffisante.

Enfin, il met le développement des infrastructures au premier rang de l’agenda de l’alliance pour les cinq années à venir.

Dans l’espoir qu’à ce poste de très haute responsabilité pour la nouvelle révolution verte, M. Kofi Annan aura la capacité et l’opportunité d’influencer l’alliance dans le sens des orientations ci-dessus données, la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN) appelle solennellement les instances dirigeantes d’AGRA à engager sans délai avec elle et les représentants des organisations des paysans petits producteurs du continent, un dialogue politique à travers lequel des discussions approfondies seront menées sur les finalités, les objectifs, les actions et les moyens prévus, ainsi que les mécanismes de décision par lesquels l’alliance entend travailler à la relance de l’agriculture sur le continent africain. Sans un tel dialogue, AGRA court le risque de répéter les erreurs du passé et en sera tenue responsable devant l’histoire.

 Ont signé :

La coordination régionale de la COPAGEN
Toutes les coalitions nationales COPAGEN

 

Author: COPAGEN