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La souveraineté alimentaire et l'accord de partenariat économique (3)

by GRAIN | 17 Jul 2007

Deux sujets d’actualité relatifs a l’agriculture durable en Afrique

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Entretien avec Ndiogou FALL (Suite et fin)

Quels sont les objectifs du ROPPA ?

Le premier objectif est de défendre les petites exploitations familiales. L’agriculture ouest- africaine tire ses racines de la petite exploitation familiale. Les familles travaillent la terre avant tout pour se nourrir et ensuite pour vendre leurs produits. Certains considèrent ce type d’exploitation comme archaïque, mais c’est notre réalité. C’est ce qui produit emplois et nourriture et qui réduit la dépendance. Le deuxième objectif vise à défendre nos intérêts lors des négociations au niveau régional et international. De plus en plus de décisions sont prises à Abuja [Nigeria] pour la CEDEAO (Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest), à Ouagadougou [Burkina Faso] pour l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), et à Genève [Suisse] pour l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) qui tendent à toujours plus libéraliser les échanges. C’est à nous qu’il incombe de défendre nos intérêts lors de ces négociations, comme personne d’autre ne le fera jamais pour nous.

Au niveau international, notre objectif est de soutenir les organisations paysannes de chaque pays afin de s’assurer qu’elles ont la capacité de formuler des propositions et de mobiliser.
Nous projetons également de former des alliances. En agriculture, il y a de gros agriculteurs, transformateurs et distributeurs. Un dialogue doit s’ouvrir avec eux. Tout en conservant nos positions politiques, il est essentiel de parler directement avec les représentants des autres secteurs. Il en va de même au niveau international, où nous sommes tout à fait prêts à former des alliances avec d’autres organisations. Nous agissons ainsi, tout en veillant à conserver notre autonomie, selon nos propres réflexions et actions.

Quelle est l’importance des semences paysannes pour le ROPPA

Les semences paysannes sont essentielles. Nous avons parfaitement conscience de la place grandissante qu’occupe l’industrie semencière dans les sociétés transnationales. Ceci est très dangereux, car il est vital pour l’autonomie des paysans d’avoir leurs propres semences. Le ROPPA s’efforce de mobiliser sur ce problème à un niveau régional. La CEDEAO prépare une loi régionale sur les ressources phytogénétiques et nous avons défendu fermement nos intérêts lors des réunions ministérielles sur la gestion des ressources phytogénétiques. Bien que nous ne n’en soyons pas les instigateurs, nous sommes également impliqués dans l’élaboration d’un inventaire de ressources phytogénétiques potentiellement utiles. C’est vraiment lors des interventions politiques en haut lieu que nous pouvons peser le plus. Il nous est toujours difficile de faire progresser d’autres initiatives telles que les banques de semences. Nous savons bien que les transnationales avancent à pas de géant au niveau régional, et pourtant nous n’avons que très peu de plans concrets sur la manière d’arrêter ce processus.

Imaginez-vous le ROPPA organisant une campagne d’information sur ce sujet ?

Nous faisons déjà une importante campagne intitulée “Afrique Nourricière” qui montre qu’aujourd’hui l’Afrique, et en particulier l’Afrique de l’Ouest est capable de se nourrir elle-même avec ses ressources naturelles et agricoles. Il s’agit d’une campagne éducative qui décrit aussi les menaces pesant sur nos ressources naturelles et qui interroge sur le fait que ces ressources ne sont pas utilisées pour développer l’Afrique. C’est une initiative bénévole lancée au niveau national dans laquelle les groupes sociaux demandent au ROPPA une assistance technique. Par exemple, un groupe de femmes peut demander de l’aide et organiser des manifestations autour des questions alimentaires comme part d’une campagne visant à susciter un débat public avec les gouvernements. Notre campagne visant à trouver des volontaires pour nourrir leur famille avec seulement des aliments africains pendant une semaine en est un autre exemple. Nous les amenons à parler des problèmes qu’ils ont rencontrés à le mettre en pratique, tel que l’impossibilité de trouver une denrée africaine demandée par leur famille. Nous invitons les politiciens, chercheurs et paysans à débattre sur les moyens d’aider les ménages à consommer des denrées africaines.

Comment le ROPPA ressent-il le prochain accord UE–ACP? [voir aussi encadré]

Le ROPPA est bien connu pour s’opposer radicalement à l’accord, et lutte bec et ongles pour s’assurer que ces accords ne seront pas ratifiés. Nous avons de bonnes raisons de nous positionner ainsi. Ces accords seront une vraie catastrophe. Je pense que l’UE en est parfaitement consciente. Nous ne savons pas très bien pourquoi elle persiste dans ces négociations, qui pourtant ne rapportent rien commercialement, et risquent de gravement compromettre sa crédibilité. Nous ne sommes pas contre des accords, cependant ils doivent reposer sur le développement ; cela a toujours été l’intention – travailler ensemble pour le développement et combattre la pauvreté. Tout ce qui a soutenu la crédibilité de l’Europe pendant des années. Mais depuis que les négociations ont vraiment démarré, ils ont remplacé « développement » et « lutte contre la pauvreté » par l’économie. Tout ce qui est négocié maintenant sert à accroître le commerce.

L’UE nous impose la « démocratie », mais l’Europe, de son côté se doit d’être elle aussi démocratique. Une importante législation est sur le point d’être adoptée sans les membres du parlement ni les personnes concernées. C’est juste une poignée de fonctionnaires qui vient décider des intérêts de l’Europe. C’est un vrai problème car cela discrédite la démocratie. L’Europe ne peut se permettre de faire de telle déclaration [à propos de la démocratie] et ensuite, en coulisses favoriser des systèmes [décisionnaires] qui vont à son encontre.

Que pense le ROPPA de Nyéléni en tant que processus pour les paysans et qu’attend le ROPPA de l’après-Nyéléni?

Nous sommes très engagés dans l’organisation de la conférence parce qu’elle se déroule dans une partie de l’Afrique où nous sommes très actifs et bien connus. Que pouvons-nous faire pour la sous-région ? C’est à travers des échanges d’informations que les gens de la région réaliseront que la situation à laquelle nous faisons face n’est pas spécifique à l’Afrique, et que nous devrions conclure des alliances avec ceux qui sont victimes du même système. De plus, les autorités de notre région prendront conscience qu’il s’agit d’un débat international. Ce qui aidera nos mouvements sociaux. Après Nyéléni, nous espérons bien être plus efficaces pour lutter contre la libéralisation du commerce.

L’Accord de partenariat économique EU-ACP

En 2000, l’Union Européenne (UE) et le groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), qui sont tous des anciennes colonies, ont ratifié l’Accord de Cotonou, qui est un traité-cadre de commerce d’aide et de coopération politique. Il a remplacé la précédente Convention de Lomé et prévoit un ensemble de relations privilégiées entre l’UE et les pays de l’ACP en matière d’accès au marché, d’assistance technique et autres questions. L’objectif est de faciliter l’intégration économique et politique des pays de l’ACP dans un marché mondial libéralisé pour les 20 prochaines années.

Conformément à l’Accord de Cotonou, les parties acceptent de négocier un ensemble séparé de traités individuels bilatéraux entre l’UE et les pays participants du groupe ACP. Ces arrangements individuels donneront des droits et obligations spécifiques adaptés à chaque région du groupe ACP (Afrique de l’Ouest, Afrique orientale et australe, etc.). Ils les intitulent « Accords de partenariat économique (APE) ». Alors qu’il existe 78 pays dans le groupe ACP, seuls 76 seront soumis à l’APE (l’Afrique du sud et Cuba ont ou auront des arrangements séparés avec l’UE).

La phase préliminaire et très générale des négociations s’est déroulée de septembre 2002 à septembre 2003. La seconde phase a démarré en octobre 2003. D’ici à octobre 2008, toutes les négociations devront être achevées et les Accords APE être entrés en vigueur.

De : bilaterals.org – http://bilaterals.org/rubrique.php?id rubrique=17

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Author: GRAIN
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