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Déclaration liminaire de la conférence relative au projet de la banque mondiale sur la biosécurité (Suite et fin)

by JINUKUN et COPAGEN | 15 Sep 2006

Organisée à Cotonou, le 04 Juillet 2006, par JINUKUN et COPAGEN (La coalition pour la protection du patrimoine génétique africain) (Suite et fin)

Quelles analyses critiques faisons-nous de ce projet :

Les points suivants méritent d’être soulignés par rapport à ce projet, qui de façon subtile comme à l’accoutumée, tente de cacher des objectifs mercantiles, au détriment de l’intérêt de nos Etats et des populations :

  1. Ce n’est pas un hasard si le coton, qui fait l’objet de beaucoup de polémiques au niveau international, liées entre autres aux problèmes de subventions des USA et de l’Europe, de l’accès aux marchés… est le premier produit proposé actuellement dans le cadre de ce projet.
  2. Le problème actuel du coton en Afrique de l’Ouest n’est pas celui de la production (quantité) mais bien ceux de la transformation/valorisation et de l’accès à des prix justes et équitables au producteur. Le coton Bt (coton OGM) ne sera donc pas la solution à ces problèmes.
  3. Il est évident que ce projet cherche à mettre en place un cadre réglementaire favorisant  l’introduction des cultures génétiquement modifiées dans la région.
  4. Il est choquant de constater que nulle part dans ce projet, la question fondamentale des droits des communautés locales sur leurs ressources génétiques n’est prise en compte.
  5. Les OGM ne peuvent pas contribuer à « l’augmentation des revenus des producteurs » comme mentionné dans le projet. Les OGM qui sont faits pour l’agriculture industrielle, éliminent non seulement les petits producteurs, mais créent une dépendance vis-à-vis des semences produites par les multinationales.
  6. L’objectif environnemental global cité dans le projet, à priori « séduisant », cache l’objectif inavoué de légaliser les tests (officiels et cachés) menés dans nos pays.
  7. Ce projet qui veut faire de nos pays « un espace attractif  pour les recherches et l’utilisation des biotechnologies » n’a d’autres finalités que de dégager les responsabilités des multinationales, en cas de dommages sanitaires, environnementaux, économiques, etc. causés par les OGM.
  8. L’UEMOA en tant qu’institution sous-régionale, n’a pas la légitimité d’autoriser la formulation et la mise en œuvre d’un tel projet sur la biosécurité. En effet, ceci relève de la souveraineté de chaque pays, du moment où le protocole de Carthagena et la Convention sur la Biodiversité indiquent que chaque pays doit prendre en compte ses propres spécificités et est souverain sur ses ressources biologiques.
  9. La Banque Mondiale, en tant qu’institution financière ne peut se donner le droit d’imposer à nos Etats une législation sur la biosécurité, pour légitimer l’utilisation et la consommation des produits qui font l’objet de polémiques et de rejet partout dans le monde.

Quelles conclusions tirées de cette analyse ?

Il est évident que ce projet de la Banque Mondiale intitulé : « Proposed West Africa Regional Biosafety Project » ne présente aucun intérêt ni pour notre sous-région, ni pour nos pays pris individuellement, pour les raisons suivantes :

  1. Les OGM ne sont pas une solution pour l’Afrique. Plusieurs alternatives scientifiquement maîtrisables, économiquement rentables et socialement durables existent de nos jours, en plus de toutes les ressources locales que possèdent nos pays pour se nourrir, mais aussi pour produire de la richesse.
  2. Les problèmes majeurs de l’agriculture dans nos pays sont entre autres : la maîtrise de l’eau, la fertilité des sols dans certains pays, l’accès aux moyens de production (notamment les questions de sécurisation foncière), l’accès aux crédits à des coûts acceptables, la transformation des produits pour une plus-value, l’accès aux marchés…
  3. Les lois sur la biosécurité ne sont pas une fin en soi. L’essentiel est de prendre en compte les préoccupations des communautés locales et de respecter leurs droits sur les ressources biologiques qu’elles ont protégées pendant des générations.
  4. L’UEMOA doit s’occuper de sa fonction originelle qui consiste à créer les conditions favorables pour permettre aux pays membres d’accéder aux marchés intérieurs et d’accompagner les initiatives économiques internes, en priorité au profit de nos populations. Elle ne doit pas constituer un frein au développement économique de nos Etats, en prônant des politiques d’ouverture suicidaires qui mettent en péril les intérêts de la population.
  5. La Banque Mondiale a largement contribué à déstabiliser les économies des pays de la sous-région en particulier, et de celles de toute l’Afrique en général, à travers les PAS imposés aux Etats. Tout le monde est unanime aujourd’hui pour reconnaître que les PAS ont consisté à drainer l’essentiel des revenus de nos Etats vers l’extérieur. Les OGM s’inscrivent dans cette même logique de dépossession et de dépendance de l’Afrique.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, JINUKUN et COPAGEN: 

- Demandent à l’UEMOA et aux décideurs des pays membres :

  1. L’arrêt immédiat de toutes les actions relatives à la recherche de financement et à la mise en place du projet de la Banque Mondiale intitulé « Proposed West Africa Regional Biosafety Project » ;
  2. Le respect des systèmes de gestion communautaires des ressources génétiques et des connaissances associées;
  3. La résistance à toutes les formes de pressions relatives à l’introduction des OGM dans l’agriculture africaine ;
  4. La valorisation des ressources locales et des savoirs qui y sont associés ;
  5. La promotion (application et diffusion) des alternatives aux OGM dans l’agriculture.

- Invitent les populations et les organisations de la société civile à :

  1. Résister à toute tentative d’introduction des OGM dans l’agriculture ;
  2. Valoriser les ressources locales pour une meilleure création de richesses de façon durable ;
  3.  S’informer et se former pour mieux comprendre les enjeux liés aux OGM afin d’agir en connaissance de causes.

Fait à Cotonou, le 04 juillet 2006. JINUKUN et COPAGEN



JINUKUN est un réseau d’ONG locales et nationales, d’organisations paysannes, d’organisations communautaires de base et de scientifiques de différentes spécialités du Bénin (biologistes, généticiens, sociologues, historiens, vétérinaires, …) travaillant pour une utilisation durable de la biodiversité au Bénin et en Afrique. Le réseau a fait de la lutte contre les OGM, et de la protection des droits des agriculteurs et des communautés locales, ses chevaux de bataille pour que la biodiversité du Bénin et d’Afrique soit réellement contrôlée par les communautés locales. JINUKUN travaille en partenariat avec les organisations paysannes, les ONG qui interviennent dans le domaine de l’agriculture, de la protection de la biodiversité ou de défense des consommateurs. Il produit une plaquette de liaison, du même nom, JINUKUN. JINUKUN est membre d’un réseau intervenant en Afrique de l’Ouest : la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN)


La Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN), est un mouvement social et citoyen. C’est un  regroupement non formel d’organisations de la société civile de l’Afrique francophone au Sud du Sahara, manifestant un intérêt pour la gestion durable et la valorisation des ressources biologiques du continent ; elle comprend comme principaux acteurs, des Organisations paysannes, des  ONG, des associations de consommateurs, des associations de développement, des syndicats, des mouvements des droits de l’homme, des organisations de jeunes, de femmes, des individus etc. Le mouvement soutient les droits collectifs des communautés locales et des agriculteurs sur le patrimoine génétique africain, et rejette le génie génétique dans l’alimentation et l’agriculture. La mission de la coalition est d’œuvrer pour la sauvegarde du patrimoine génétique africain, et pour une utilisation durable des ressources biologiques africaines, à travers la protection des droits des communautés locales et des agriculteurs. Le message de COPAGEN est : «  Oui pour une recherche scientifique indépendante qui valorise les ressources biologiques locales et les connaissances traditionnelles et endogènes dans l’intérêt des petits agriculteurs et des consommateurs africains, non au brevetage du vivant et aux OGM face à tous les risques avérés et potentiels actuels qui y sont attachés. » La coalition est actuellement active dans les pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Mali, Niger, Sénégal et Togo

 

Author: JINUKUN et COPAGEN