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Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) dans l 'agriculture : Enjeux et Etat des lieux en Afrique de l'Ouest

by Organisations paysannes du Mali | 25 Apr 2005

Communication faite pour les organisations paysannes du Mali, à la rencontre de " la fibre africaine ", organisée par la coalition pour la protection du patrimoine génétique malien et le Forum pour l 'Autre Mali. Bamako, du 28 février au 5 mars 2005.

1. Définition d 'un organisme génétiquement modifié (OGM)

Chez les êtres vivants, chaque caractère est gouverné par un ou plusieurs éléments internes à leurs organismes appelés gènes. Il y a encore quelques décennies, l 'amélioration et la sélection des plantes faisaient appel à la sexualité (hybridation) chez la plupart des végétaux. Avec le développement des biotechnologies modernes, un nouveau procédé biologique a été mis au point ; il s 'agit du génie génétique. Les outils de laboratoire développés ici sont comme des ciseaux et des colles biologiques qui permettent de découper un gène contrôlant un caractère d 'intérêt comme la résistance à des insectes, et de le coller dans l 'organisme d 'une espèce que l 'on veut améliorer. C 'est ainsi qu 'on obtient un OGM, contenant un gène étranger, appartenant souvent à une autre espèce que celle que l 'on veut améliorer. Ces OGM n 'auraient pas pu exister naturellement, sans les manipulations biologiques (génie génétique) effectuées par l 'Homme dans un laboratoire. Exemple : le coton Bt est un coton dans lequel le génie génétique a été utilisé pour introduire un ou quelques gènes, provenant d 'une bactérie du sol appelée Bacillus thuringiensis (Bt), produisant des toxines mortelles pour les ravageurs sensibles qui les mangent.

2. Les enjeux liés aux OGM

Ils sont importants et de différents ordres.

2.1. Les enjeux économiques

La production des OGM demande d 'importants moyens financiers et techniques qui n 'existent pas souvent dans la plupart des structures publiques de recherche scientifique. De ce fait, leur production se trouve la plupart du temps dans les mains des multinationales. Ces dernières n 'étant pas des philantropes, les investissements consentis pour la production des semences transgéniques seront récupérés avec les activités commerciales. C 'est l 'un des aspects de l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC), avec l 'article 27-3(b) des directives de l 'OMC, qui fait l 'objet d 'âpres négociations à l 'Organisation Mondiale du Commerce. Les semences transgéniques sont toutes brevetées, et sont plus chères que les semences traditionnelles, à cause des frais de technologies.

Ainsi, les intérêts économiques des sélectionneurs et des multinationales sont protégés, au détriment de ceux des agriculteurs et des communautés locales. Ces intérêts économiques des producteurs d 'OGM sont les principales raisons de l 'offensive actuelle des multinationales et de la coopération bilatérale comme l 'USAID et certaines coopérations des pays européens, sur toute l 'Afrique, ses organisations régionales ou sous-régionales (CEDEAO, UEMOA), et chacun des pays africains. Cette offensive vise à les contraindre à accepter sans précaution et sans tarder, l 'introduction des OGM. Tout ceci n 'a qu 'un seul but, le profit.

De plus, le gène d 'intérêt introduit dans l 'OGM peut ne pas être aussi efficace que les multinationales le prétendent. C 'est le cas du coton Bt qui ne contrôle pas tous les insectes qui prolifèrent sur le coton en Afrique de l 'Ouest. De ce fait, bien qu 'en payant cher les semences transgéniques, le gain prétendu par la réduction de l 'utilisation des pesticides n 'est pas vérifié.

2.2. Les enjeux culturels et éthiques

En Afrique comme partout dans le monde entier, la diversité culturelle est liée à la diversité culinaire et à la diversité génétique. Quelles seraient les conséquences des modifications de la diversité génétique sur la diversité culturelle ? Par ailleurs, les interdits alimentaires ou les totems font partie des réalités africaines dans la plupart des villages et des régions. Que se passerait-il avec les OGM ?

Il importe de rappeler que les semences qui servent de point de départ à la création de variétés améliorées ou transgéniques sont issues des travaux de sélection et de conservation des agriculteurs et des communautés locales pendant des générations, des siècles ou des millénaires. Or, les droits des agriculteurs et des communautés locales ne sont pas reconnus au même titre que les droits de propriété intellectuelle des sélectionneurs et des producteurs d 'OGM. Il faut préciser que le brevetage du vivant est contraire à l 'éthique africaine, qui a toujours consacré la propriété collective des semences et l 'échange de ces dernières entre paysans, parents ou amis.

Toutes ces pratiques d 'échanges de semences sont interdites avec les OGM. Avec les OGM, l 'on accepte implicitement le brevet sur le vivant, l 'on consacre les droits de propriété intellectuelle sur les plantes et les animaux, et l 'on ignore les droits des agriculteurs et des communautés locales. Or, le groupe Afrique auprès de l 'Organisation Mondiale du Commerce à Genève a rejeté depuis le Sommet de Seattle en 1999, le brevet sur le vivant, et depuis Juillet 2001, les chefs d 'Etat de l 'Union Africaine ont adopté la loi modèle de l 'OUA sur la " Protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et règles d 'accès aux ressources biologiques ". Mais jusqu 'à ce jour, rare sont les pays qui ont légiféré pour protéger les droits des agriculteurs et des communautés locales de leur territoire national.

Enfin, les OGM posent également d 'autres problèmes éthiques, dans la mesure où la barrière naturelle entre les espèces n 'existe plus. En effet, les gènes insérés dans la plante améliorée viennent souvent d 'une espèce étrangère. L 'on peut même insérer un gène d 'une espèce animale dans une espèce végétale et vice-versa. Connaissant l 'importance des espèces animales et végétales dans la vie quotidienne des africains, à savoir l 'alimentation, l 'artisanat, la santé, et surtout la spiritualité, avec les interdits alimentaires, les totems,…, il y a lieu de se poser des questions à propos des OGM en Afrique. En effet, la contamination des plantes et des animaux par des OGM constitue une attaque à ce dont l 'Afrique dispose de fondamental et de sacré, son patrimoine génétique (plantes et animaux d’Afrique).

2.3. Les enjeux écologiques ou environnementaux

Les champs de plants transgéniques ne pouvant pas toujours être isolés des champs conventionnels, les échanges ou flux de gènes conduiront inévitablement à des contaminations ou pollutions génétiques, comme c 'est déjà le cas au Mexique avec le maïs, et à Taïwan avec la papaye. D 'ores et déjà, l 'introduction des OGM expose les ressources génétiques africaines à la contamination par des gènes étrangers aux espèces de ces ressources génétiques. Dans l 'état actuel des choses, les conséquences de cette contamination sont imprévisibles.

Par ailleurs, le développement de la résistance des insectes aux plantes transgéniques est une éventualité dont les conséquences sur la biodiversité et l 'environnement sont actuellement inconnues et incalculables.

2.4. Les enjeux politiques

Depuis les indépendances, les pays africains ayant toujours du mal à financer leur recherche scientifique agricole, l 'acceptation des OGM entraîne nécessairement la dépendance des pays africains vis-à-vis des multinationales et des laboratoires internationaux pour les semences et l 'alimentation. En effet, l 'analyse de la situation de la recherche agricole dans chaque pays montre que le financement est la principale contrainte de leurs activités de sélection et d 'amélioration des plantes par les méthodes conventionnelles ou traditionnelles depuis plusieurs décennies. Avec les OGM, la dépendance de l 'extérieur s 'avère alors inévitable pour l 'alimentation et l 'agriculture. Dans ce cas, comment parler de sécurité ou de souveraineté alimentaire si l 'on doit dépendre de l 'extérieur pour son alimentation ou des semences ?

De plus, les enjeux économiques, environnementaux ou écologiques, culturels et éthiques déjà évoqués renforcent l 'importance des enjeux politiques des OGM. Ainsi, la participation de tous les acteurs nationaux concernés par le sujet à la réflexion, doit précéder toute décision politique relative aux OGM dans chaque pays africain.

(A suivre dans le prochain numéro )

Author: Organisations paysannes du Mali