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Le Programme alimentaire mondial et l'aide alimentaire génétiquement modifiée au Soudan et en Angola

by African Center for Biosafety | 22 Feb 2005

(Source : Appel adressé au Directeur du PAM, initié par African Center for Biosafety - Afrique du Sud)

 

1. Introduction

Au cours de l’année 2004, des ONG d’Afrique ont fait part de leur inquiétude pour le non respect par le Programme alimentaire mondial (PAM) du droit de l’Angola et du Soudan de choisir, d’accepter, ou de refuser l’aide alimentaire génétiquement modifiée. Pourtant, le PAM a le devoir de respecter leur choix. Cette attitude du PAM a été révélée au cours des mois de mars et d’avril 2004 dans plusieurs articles de journaux. Ces journaux contiennent des critiques acerbes faites par le PAM et l’USAID, à propos des décisions des gouvernements d’Angola et du Soudan qui ont imposé des mesures de restriction sur l’importation d’aide alimentaire génétiquement modifiée. En outre, le PAM et d’autres donateurs ont trompé ces gouvernements en leur présentant un scénario de NON CHOIX : s’ils refusent l’aide génétiquement modifiée, ils doivent en assumer les conséquences fâcheuses.

2. Cas de l’Angola

En 2002 – 2003, le PAM était au centre de la controverse concernant l’aide alimentaire génétiquement modifiée quand 5 pays ont imposé des restrictions sur cette aide. Donc, le PAM devrait être bien informé des enjeux concernant le choix : la souveraineté et la biosécurité. Il est alors étonnant de constater que le PAM n’a pas mis en place des mécanismes appropriés pour empêcher la répétition de pareils scénarios et controverses.

La décision de l’Angola de refuser des céréales génétiquement modifiées est en accord avec les recommandations du Comité de Conseil de la SADC sur la biotechnologie et la biosécurité qui ont demandé que « l’assistance alimentaire comprenant des graines et tout matériel végétal de multiplication soit moulue avant d’être distribuée aux populations destinataires ».

La réponse du PAM selon laquelle la décision prise par l’Angola est problématique car elle augmentera les coûts et les délais de livraison de la nourriture aux populations affamées, suggère de manière implicite que l’Angola n’a pas d’autre choix que d’accepter l’aide alimentaire génétiquement modifiée. En fait le PAM n’offre pas de choix réel au gouvernement d’Angola, mais au contraire il l’incite à un scénario de « prendre ou laisser ». Il remet donc en question le droit de choisir du pays. Le PAM n’a aucun droit de remettre en question des décisions souveraines, ni de présenter au gouvernement un scénario de non-choix.

Le rôle du PAM en Angola devrait être de respecter les décisions des bénéficiaires de l’aide alimentaire et de rechercher activement des alternatives au niveau national et régional. Des alternatives à l’aide alimentaire génétiquement modifiée existent comme le maïs non – OGM, le sorgho et le mil, tout comme les autres aliments comme le manioc, la patate douce, le haricot, les arachides et les plantains qui sont des cultures vivrières d’Angola.

3. Cas du Soudan

Le PAM a été prévenu depuis 2003 de l’intention du soudan de réglementer les importations de l’aide alimentaire génétiquement modifiée. Depuis mai 2003, le PAM a reçu une lettre de l’Organisation soudanaise des normes et de la météorologie les informant de l’éminence de réglementations pour restreindre les aliments génétiquement modifiés entrant dans le pays. Le PAM avait dix mois pour prendre des mesures appropriées pour offrir des alternatives au Soudan. Nous soulignons que le Soudan en prévenant à l’avance le PAM, a amplement suivi les directives sur la gestion de l’aide alimentaire génétiquement modifiée recommandées par le PAM.

Selon les propres politiques du PAM, une fois qu’il a été informé de l’existence d’une réglementation limitant les importations d’aide alimentaire génétiquement modifiée, il est obligé de prendre des mesures en coopération avec le bureau régional et le siège à Rome pour ajuster les rations, les procédures d’approvisionnement des aliments et les plans de distribution de l’aide. Ainsi les aliments distribués par le PAM doivent être importés selon les nouvelles réglementations sur les aliments génétiquement modifiés.

Par ailleurs, selon un rapport du PAM et de la FAO en février 2004, le Soudan possède des excédents de céréales à cause d’une récolte record de 6,3 millions de tonnes dont 82 % de sorgho. Le rapport indique que « la situation alimentaire globale est alors très favorable » (sauf à l’Ouest où la situation est moins transparente). Le rapport estime également que des quantités importantes de céréales pourraient être exportées si les marchés d’exportation sont assurés principalement dans les pays voisins.

L’insécurité alimentaire au Soudan est d’abord la conséquence d’une guerre civile. Elle supposerait de rendre disponibles les surplus du Soudan dans certaines régions du pays. Curieusement, cette conclusion est aussi soutenue par le rapport du PAM/FAO. Selon ce rapport, « au regard de la grande disponibilité des céréales produites localement, l’achat local d’aide alimentaire est fortement recommandé pour soutenir les marchés et assurer que les variétés de céréales soient acceptées par les populations.

Tant que des alternatives existent dans le pays, il n’y a aucune justification de contraindre à accepter l’aide alimentaire génétiquement modifiée.

4. Le PAM doit garantir de vraies alternatives 

Tout pays a le droit de décider d’accepter ou de refuser l’importation d’aide alimentaire génétiquement modifiée. Le protocole de Cartagena sur la biosécurité reconnaît expressément en vertu du principe de précaution, le droit des pays importateurs de rejeter l’aide alimentaire génétiquement modifiée ou d’imposer des restrictions sévères lorsqu’ils acceptent l’aide alimentaire génétiquement modifiée.

Des alternatives doivent toujours être offertes aux bénéficiaires de l’aide alimentaire. Si des alternatives ne sont pas proposées, le droit de choisir est menacé.

En raison de tout ce qui précède, 60 organisations signataires ont réclamé que :

    • Le PAM et tous les donateurs respectent le droit international, les directives régionales et les réglementations nationales concernant l’aide alimentaire génétiquement modifiée. Pour cela, le PAM et les autres donateurs de l’aide alimentaire ne doivent pas remettre en question les décisions souveraines qui imposent des restrictions à l’aide alimentaire génétiquement modifiée comme cela s’est passé pour le Soudan et l’Angola. Ils doivent immédiatement cesser de présenter un scénario de non-choix ;
    • Le PAM et les autres donateurs offrent un réel choix aux pays qui imposent des restrictions sur l’aide alimentaire génétiquement modifiée. Sans cela, le principe du droit de choisir auquel le PAM prétend souscrire est une pure hypocrisie. Dans le cas du Soudan et de l’Angola, le PAM a le devoir de chercher activement toutes les options existantes pour l’approvisionnement en aliments non génétiquement modifiés, qui sont en fait disponibles ;
    • Le PAM encourage tous les donateurs à offrir une aide alimentaire par le biais de dons monétaires, afin de permettre d’acheter des aliments au niveau local et régional. Les dons d’aide alimentaire en nature ne sont qu’un moyen de créer un marché parallèle, afin que les grands pays producteurs de matières premières agricoles, en particulier les Etats-Unis puissent écouler leur surplus.
Author: African Center for Biosafety