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OGM ET GERMES DE LA NOUVELLE MISERE EN AFRIQUE

by Roger Gbegnonvi | 1 Oct 2003

octobre 2003

Par M. Roger GBEGNONVI, Professeur de Lettres à l'Université d'Abomey-Calavi (BENIN) - NOUVELLE TRIBUNE N° 403 DU MARDI 2 SEPTEMBRE 2003

OGM ET GERMES DE LA NOUVELLE MISERE EN AFRIQUE

Dès sa sortie des prisons de France, le Français José Bové – qu'on ne présente plus est allé au Larzac prêcher aux paysans de France et de Navarre la bonne parole de la désobéissance civile dans les champs de la mondialisation de l'agriculture, par le biais de l'imposition des Organismes Génétiquement Modifiés, les biens nommés OGM. Pour que José Bové et les siens anti-mondialistes courent ainsi le monde pour sonner le tocsin, il faut qu'il y ait péril en la demeure. Les Nègres, à qui l'on promet le bonheur – enfin ! par le biais des OGM savent-ils la nature de la sauce à laquelle on veut les manger cette fois-ci ?

1) Les OGM, comme des œufs de poules pondeuses non fécondables

Les OGM sont à l'agriculture ce que sont à l'élevage les œufs des poules pondeuses : ces œufs sont exclusivement consommables et non fécondables. Ainsi en est-il du maïs génétiquement modifié. Il est certes « mille fois plus performant » que le maïs naturel, maigre et chétif du paysan de Bembéréké ou de Savi (villages du Bénin), mais il n'est pas reproductible, et le paysan devra toujours se tourner vers l'industriel et le commerçant pour lui acheter la semence génétiquement modifiée, au lieu que dans la situation actuelle, il lui suffit de prélever sur sa récolte présente la quantité de graines qu'il lui faut pour la prochaine saison des semailles, ce qui le rend dépendant de lui-même et de lui seul.

2) La plupart des paysans africains deviendront des ouvriers agricoles

La mondialisation de l'agriculture par l'imposition des OGM transformera tout paysan et le paysan africain en particulier en ouvrier agricole dépendant étroitement des grandes firmes occidentales productrices et vendeuses des OGM. Bien entendu, cette dépendance ne sera pas celle, uniquement du paysan, mais celle aussi de tout le peuple qu'il nourrissait vaille que vaille avec ses poulets-bicyclettes et ses semences naturelles, maigres et chétives, en comparaison avec les semences sorties des laboratoires de clonage.

3) Les OGM, c'est avant tout pour enrichir les firmes qui vont contrôler l'agriculture mondiale

L'imposition une fois réussie, si le gouvernement béninois ou camerounais ou mozambicain évalue à sept tonnes environ les besoins du pays en maïs génétiquement modifié pour une saison donnée, les grandes firmes productrices pourraient ne lui en vendre que cinq tonnes et lui demander de combler le manque à gagner par l'achat d'autres semences génétiquement modifiées qu'elles tiennent à sa disposition. Ainsi l'on nous fera acheter ce que l'on voudra bien nous vendre et, sans crier gare, l'on modifiera pour le meilleur et pour le pire nos habitudes alimentaires. On les fera entrer dans le tronc commun mondial du Worldfood, de sorte que de Bembèrèkè à Boston en passant par Cancun et Calcutta, nous mangions toutes les mêmes choses à base des mêmes organismes génétiquement modifiés, pour le bonheur, c'est-à-dire le pus grand profit des industriels et commerçants du monde.

4) Avec les OGM, c'est la réduction de la diversité de nos habitudes alimentaires

On aura abouti à la suppression de toute exception alimentaire, à l'unification des modes alimentaires, l'UMA suite aux OGM. L'unification de la pensée n'est pas loin. Lors donc que l'on dit que, par le biais des OGM, on veut lutter contre la famine et la pauvreté en Afrique, il ne faut pas seulement se méfier, il faut se rebiffer, car c'est notre misère que l'on veut creuser, et notre dépendance que l'on veut pérenniser. Misère et dépendance totales et globales. Et au plus fort du nouvel enrichissement des riches commerçants et industriels du monde, l'on constatera doctement que l'Afrique, loin d'émerger de quoi que ce soit, s'enfonce dans les épidémies, les pandémies, les famines, les révoltes et les guerres idiotes.

5) Il ne faut donc pas seulement se méfier, il faut se rebiffer

Ce sera alors le ballet de l'humanitaire, et les concertations pieuses à Rome autour de ce truc italiano-catholique venu subitement au monde pour apaiser les tensions en Afrique et qui, bien entendu, n'a rien à dire des tensions en germe dans les OGM. Le bluff de l'humanitaire et le cynisme des légionnaires de la bienfaisance universelle. Il ne faut donc pas seulement se méfier, il faut se rebiffer. Il faut prendre aujourd'hui les armes intellectuelles du refus, pour que demain nos enfants ne prennent pas les armes matérielles de la guerre contre eux – mêmes et contre nous leurs parents, et apportent ainsi du grain à moudre à l'indécente croisade de tous les médecins sans frontières, qui pensent en ce moment que les OGM, c'est bien pour les Africains.

Author: Roger Gbegnonvi