https://grain.org/e/1271

L'AFRIQUE DEVRAIT TIRER LECON DES RECENTES ETUDES BRITANNIQUES SUR LES OGM

by Hervé KEMPF | 1 Nov 2003

novembre 2003

L'AFRIQUE DEVRAIT TIRER LECON DES RECENTES ETUDES BRITANNIQUES SUR LES OGM

Sous le titre « Les études britanniques sur les OGM font reculer la perspective d'une levée du moratoire européen », le journal français « Le Monde » a fait paraître les 19 et 20 octobre 2003, un article que nous reproduisons ici.

« Ces Etudes vont créer une onde de choc sur les décideurs : le climat a changé, une levée du moratoire rapide est moins évidente » : si aucun responsable à Bruxelles ne voulait, vendredi 17 Octobre, s'exprimer officieusement, on ne cachait pas officieusement le trouble créé par les études publiées à Londres la veille.

Jeudi matin, des experts indépendants, nommés par le gouvernement britannique, ont présenté le résultat d'études lancées en 1999 sur l'effet environnemental des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés). Menées dans plus de 250 champs et avec trois espèces (maïs, colza, betterave), ces études qui ont coûté 5,5 millions de livres (7,91 millions d'euros) ont comparé le comportement de plantes transgéniques et non transgéniques. Il en ressort que le colza et la betterave OGM ont un effet important sur la flore et les insectes ; l'impact du maïs serait au contraire positif, mais un débat technique sur l'herbicide utilisé rend difficile l'interprétation du résultat. Globalement, les études confirment que l'effet sur l'environnement des cultures transgéniques est réel.

Elles ont d'autant plus de poids qu'elles s'inscrivent dans une démarche cohérente engagée par le gouvernement anglais, pourtant pro-OGM, mais soucieux de s'informer exactement – et de se concilier une opinion publique hostile en s'appuyant sur des études indépendantes. Cette enquête scientifique succède à un rapport économique publié en juillet, qui montrait qu'il n'y a pas d'intérêt économique à court terme, pour la Grande-Bretagne, à cultiver les OGM. De surcroît a été publié le 24 Septembre, un rapport sur l'opinion des citoyens concluant, toujours à l'initiative du gouvernement de M. Blair, un processus de débats publics et de sondages : il a montré que l'opinion britannique avait à l'égard des aliments transgéniques une attitude générale de méfiance voir d'hostilité.

Le gouvernement de Tony Blair arrêtera sa position fin décembre. Mais il est clair que son enthousiasme pro-OGM est sérieusement refroidi. Comme l'expliquait récemment au Monde David King, le conseiller scientifique du premier ministre britannique, lors d'un passage à Paris «le gouvernement encourageait fermement, en 1999, les cultures transgéniques parce qu'il est persuadé que la biotechnologie est une source future de richesses pour le pays. Mais aujourd'hui, il est moins évident que les plantes transgéniques créeront de la richesse, tandis que leur non-adoption ne menace pas le reste de notre industrie biotechnologie, qui est très dynamique ».
Une prudence justifiée

Au niveau européen, ces études vont sans doute conduire à une nouvelle paralysie du processus d'ouverture de l'Union aux OGM. Déjà, lundi la commissaire à l'environnement, Margot Wallströn, avait raidi le ton à l'égard des firmes promouvant les OGM, expliquant à des journalistes anglais qu' « elles ont essayé de mentir aux gens et de leur imposer les OGM. (…) Quand elles parlent de nourrir les affamés, pourquoi n'ont –elles pas commencé avec de tels produits ? Nourrir les actionnaires, oui, mais pas les autres. »

On remarque par ailleurs à Bruxelles, avec satisfaction, que les études scientifiques anglaises vont renforcer la position européenne dans la procédure lancée par les Etats – Unis devant l'Organisation mondiale du commerce : il y a maintenant des éléments scientifiques solides pour justifier la prudence européenne dans le processus d'autorisation des OGM.

Ce processus, d'ailleurs, n'avance qu'avec lenteur : la Commission européenne doit publier incessamment deux règlements sur l'étiquetage et la traçabilité des aliments transgéniques règlements dont l'entrée en vigueur est censée permettre la mise sur le marché d'aliments transgéniques. Or, du fait de délais légaux d'application après la publication officielle de ces textes, ce n'est qu'en avril 2004 qu'une telle mise sur le marché serait possible.

Cependant, vingt et une plantes sont présentement dans le processus bureaucratique d'autorisation de culture : c'est le feu vert donné à l'une ou plusieurs d'entre elles qui signalerait la levée du moratoire. Mais, s'il serait légalement possible de le donner en l'état, on explique à la commission que, pour une pleine transparence, la décision devrait être prise au niveau politique. C'est lors d'un conseil des ministres de l'agriculture ou de l'environnement que la question pourrait être tranchée : mais la présidence italienne, qui établit l'ordre du jour de ces conseils, n'a pas encore inscrit la question à l'agenda. Le gouvernement italien, d'ailleurs, est un des pays européens les plus réservés à l'égard des cultures transgéniques.

De surcroît, plusieurs aspects du problème ne sont pas réglés : d'une part, celui de la coexistence entre cultures transgéniques et cultures non transgéniques, sujet sur lequel les Etats membres ne sont pas d'accord ; d'autre part, celui du taux de contamination admissible par les OGM dans les semences : une directive européenne est en cours d'élaboration, et suscite de vives oppositions des associations écologistes et agricoles. La bataille n'est pas finie, et ne tourne toujours pas à l'avantage des promoteurs des OGM.

Hervé KEMPF

TROIS QUESTIONS A… SIMON BARBER

Simon Barber, vous dirigez l'unité biotechnologie végétale de l'association d'industriels Europabio, à Bruxelles. Comment interprétez-vous le rapport sur l'effet environnemental des cultures transgéniques publié en Grande –Bretagne ?

Ces études montrent surtout que l'effet sur l'environnement des plantes transgéniques est différent selon les variétés cultivées. Cela veut dire qu'il faut raisonner au cas par cas, selon chaque plante transformée, et non pas sur les OGM en général. De ce point de vue, il n'y a là rien de nouveau. En fait, ces études peuvent servir aussi bien de moyen de propagande pour les opposants aux OGM que comme outil pour mieux gérer les pratiques agricoles.

Pensez-vous que cela va retarder la levée du moratoire en Europe ?

Si l'on analyse les OGM cas par cas, il n'y a pas de raison de maintenir le moratoire. On n'interdit pas toute la circulation automobile sous prétexte qu'un type de véhicule présente des défauts. Par ailleurs, toutes les procédures d'autorisation ont été adoptées au terme d'un processus démocratique, elles ont été largement discutées par le Parlement et par les gouvernements élus. Si le moratoire est maintenu, on pourrait se demander ce que cela signifie par rapport au processus démocratique lui-même. Les responsables politiques devraient mettre en œuvre les lois qu'ils ont élaborées.

La firme américaine Monsanto a annoncé qu'elle réduisait ses activités en Europe. Qu'en pensez-vous ?

Notez que Monsanto réduit ses activités sur les semences « traditionnelles », le blé et l'orge. C'est-à-dire des semences pour lesquelles il n'y a pas de variété transgéniques. Cette décision montre que l'industrie transgénique en Europe n'est pas en bonne santé, du fait qu'elle est sous une pression constante.

Propos recueillis par Hervé KEMPF - « Le monde » des 19 et 20 Octobre 2003.

Author: Hervé KEMPF