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LA DECLARATION DE CAPE TOWN

by GRAIN | 15 Mar 2003

Mars 2003

LA DECLARATION DE CAPE TOWN

Nous, organisations de la société civile des pays africains suivants : Afrique du Sud, Bénin, Ethiopie Ghana, Kenya, Zimbabwe, Mali et Tanzanie, réunis à Cape Town en Afrique du Sud, du 30 novembre au 04 décembre 2002, ayant réfléchi sur la nature et les conséquences des technologies convergentes à l'échelle nano, en particulier la nanotechnologie / la technologie de l'atome, la technologie transgénique, la technologie de l'information digitale, les technologies de renforcement de l'être humain, les technologies cognitives et la science du génome, déclarons ce qui suit :

Nous affirmons qu'on ne devrait pas continuer de développer ces technologies sans mettre en application le principe de précaution ;

Nous devons chercher à définir et à résoudre nos problèmes, non pas à l'échelle atomique, mais sur le plan social et culturel ;

Nous nous opposons à la réduction de la vie et de la matière aux gènes et aux atomes. Nous célébrons la diversité et la complexité de la vie ;

Nous lançons un appel pour un moratoire mondial sur la nanotechnologie / la technologie de l'atome, le génie génétique, la science des manipulations, l'amélioration de l'être humain par la bionique et la science du génome, tant que ces technologies n'auront pas donné la preuve de leur sécurité. Elles doivent subir une évaluation complète aux plans social, économique, environnemental et sanitaire, considération faite de la sécurité et de leurs effets sur les communautés locales. Tout cela requiert un consensus démocratique explicite ;

Dans le cas de la nanotechnologie / technologie de l'atome, un tel moratoire doit inclure une suspension des pratiques de laboratoire requérant au préalable des protocoles agréés ;

Nous sommes contre tout Brevet sur la vie ou sur des éléments de matière vivante, qu'ils soient naturels ou modifiés. Nous condamnons totalement l'extension du projet sur la diversité du génome humain à travers le Projet « HAPMAP » et sommes effrayés que celui-ci soit étendu à l'Afrique. Cela constitue un déni total de nos valeurs culturelles et l'on doit y mettre fin. Nous en appelons aux gouvernements africains, aux institutions et aux particuliers pour qu'ils ne collaborent pas avec cette initiative ni ne la légitiment ;

Pour l'Afrique, nous avons besoin de construire, soutenir et renforcer une science et une technologie responsables, respectueuses de la culture, en faveur de la justice sociale et construisant un environnement durable. Une telle science et une telle technologie doivent être encouragées et rendues accessibles, par tous les moyens, aux Africains de tout sexe, de toute profession, de tout âge, de toute culture et de tout niveau, y compris les ressortissants des communautés pauvres;

Nous reconnaissons et affirmons l'existence des savoirs, des technologies et des langues locales ; de même nous affirmons la nécessité d'arrêter ou de freiner leur érosion causée par les technologies convergentes et les multinationales;

Nous exigeons une diffusion totale et sincère de toutes les informations relatives à ces nouvelles technologies ; de tous ceux qui les manipulent, nous exigeons aussi la transparence;

On ne doit pas prendre le prétexte de ces technologies en émergence pour mettre de côté toute la responsabilité morale qui incombait aux technologies précédentes et ne plus avoir des conduites responsables;

Les nations africaines ont le droit souverain de rejeter l'imposition de ces nouvelles technologies ; en particulier, nous en appelons aux autres nations pour qu'elles soutiennent la position de principe de la Zambie, de ne pas mettre la vie de ses citoyens en danger, aujourd'hui ni demain, par l'utilisation des produits génétiquement modifiés;

Reconnaissant l'impact de ces technologies sur les femmes et les hommes – leurs capacités, professions et cultures, sur les personnes âgées et les pauvres, en tant que partie de la société civile, nous érigeons en principe l'exigence de l'Organisation Internationale des Personnes Handicapées, à savoir : ²Rien sur nous, sans nous². Nous reconnaissons à chacun et à tous le droit de se définir, mais n'accordons à personne le droit de décider de la « normalité » de l'être humain;

Nous nous efforcerons d'inclure les mouvements des droits des handicapés dans toutes les activités que nous organiserons et tiendrons de telles manifestations en des lieux accessibles aux handicapés. Nous demanderons la pareille aux organisateurs d'activités auxquelles nous participons;

Nous condamnons fermement les institutions internationales tels que l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et CGIAR (Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale) qui refusent de protéger les gens et leur environnement des risques des produits transgéniques, et de la contamination transgénique de la diversité génétique à l'échelle mondiale. Nous soutenons et félicitons le comité des ONG du CGIAR d'avoir décidé de geler ses relations avec le CGIAR. Ces institutions devraient respecter le principe de précaution, plutôt que d'inverser la charge de la preuve;

Nous en appelons aux gouvernements africains pour qu'ils empêchent l'érosion culturelle des valeurs africaines, de l'environnement, des traditions et des institutions causée par des entreprises et institutions non-démocratiques, en échange de technologies dangereuses;

Nous sommes reconnaissants pour les initiatives progressistes émanant des organisations de la société civile. Nous invitons la société civile africaine à poursuivre l'exploration continue des effets de ces technologies, et nous sommes préoccupés que ni nos gouvernements ni ceux qui développent ces technologies ne requièrent ni n'acceptent la supervision publique. Dans tous les cas, nous sommes décidés à assurer cette supervision.

Nous demandons la mise en application des dispositions relatives aux personnes handicapées prises par la Conférence Mondiale de l'UNESCO sur les documents scientifiques. Nous tenterons également d'impliquer les mouvements des droits des personnes handicapées dans toutes les activités que nous organiserons ; et de tenir de tels évènements dans des lieux accessibles. Nous demanderons aux organisateurs des activités auxquelles nous participerons d'en faire autant.


Référence pour cet article : GRAIN, 2003, Semences de la biodiversité No.13, mars 2003

Lien sur internet : www.grain.org/fr/publications/note-13-fr.cfm

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Author: GRAIN
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