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NEPAD, Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique

by GRAIN | 5 Sep 2002

août 2002

Le NEPAD et les ressources génétiques africaines

Depuis plusieurs mois, l'on ne peut plus parler de développement de l'Afrique sans évoquer le NEPAD (New Partnership for the African Development, NEPAD en anglais, Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, NPDA en français). Mais qu'est-ce que le NEPAD ?

Historique

Le NEPAD est un programme de développement de l'Afrique, initié par les Présidents de la République d'Afrique du Sud, Thabo Mbéki, d'Algérie, Abdelazziz Bouteflika, du Nigéria, Olusegun Obasandjo et du Sénégal, Abdoulaye Wade. Il a été élaboré sous la forme d'un document de 59 pages et de 205 paragraphes. Ce document, conçu par des experts commis par ces autorités politiques africaines, a été élaboré sans aucune consultation des populations de leurs pays respectifs, et sans aucune concertation avec les différents corps constitués des pays concernés. Le NEPAD a été adopté par les chefs d'Etat d'Afrique à Abuja (Nigeria) en Octobre 2001, et devrait être mis en œuvre par l'Union Africaine, conformément aux décisions du dernier Sommet des chefs d'Etat en Afrique du Sud. Il devrait être soutenu par les parlementaires africains, à l'issue d'une rencontre prévue pour eux du 7 au 9 octobre 2002 au Bénin.

Philosophie et moyens d'action

La philosophie du NEPAD est basée sur le fait que depuis l'indépendance des pays africains, le développement de l'Afrique n'ayant pu être effectif, il faut faire de nouvelles propositions pour espérer résoudre les problèmes de pauvreté. Le NEPAD a donc été conçu pour proposer un nouveau programme de développement, qui prend plus en compte les investissements privés et qui soit basé sur une nouvelle forme de partenariat avec les pays développés. Dans ce contexte, le Groupe des 8 pays les plus riches du monde (G8) a été identifié pour financer cette initiative. C'est ce qui justifie la participation des 4 chefs d'Etat auteurs du NEPAD à la réunion du G8 en juin 2002 au Canada. De même, les bailleurs de fonds comme la banque mondiale, le Club de Paris,…..et différents accords bilatéraux avec les pays développés, comme par exemple l'AGOA (Loi américaine sur la croissance et le commerce en Afrique) devraient financer ce programme.

NEPAD et biodiversité : n'est-ce pas mal parti ?

« Le présent Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NPDA) est une promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée qu'il leur incombe d'urgence d'éradiquer la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durables, tout en participant activement à l'économie et à la vie politique mondiales…… ». Ainsi commence le document du NEPAD. Comme on le constate, dans le libellé (Nouveau Partenariat…..) comme dans l'esprit du NEPAD, il apparaît alors clairement que le développement de l'Afrique est basé sur le partenariat avec les pays développés et les principes de l'Organisation Mondiale du Commerce, qui dominent actuellement l'économie et la vie politique mondiales.

Or, dans le domaine des ressources génétiques, il est apparu ces dernières années que le commerce mondial (Organisation Mondiale du Commerce) qui promeut les droits de propriété intellectuelle sur les ressources biologiques est en opposition avec l'utilisation durable de la diversité biologique (Convention sur la diversité biologique)*. Ainsi, le développement durable (utilisation durable des ressources génétiques) ou développement économique qui est fait pour durer (socialement et sur le plan environnemental), et non un développement à court terme pour une minorité, ne peut être basé sur l'économie et la vie politique mondiales comme l'affirme le NEPAD. Le développement durable devrait plutôt être basé sur la valorisation des pratiques traditionnelles de chaque pays, pour une utilisation durable des ressources génétiques africaines, selon les modes de vie des populations africaines. Le NEPAD apparaît actuellement comme une promesse faite aux pays développés, pour que les pays africains adoptent des Droits de Propriété Intellectuelle ou des lois qui protègent l'exploitation commerciale des ressources génétiques et connaissances traditionnelles, à travers des monopoles exclusifs, tout en consommant et produisant des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), rejetés dans le Nord.

Les ressources génétiques (agriculture, forêts, plantes médicinales, ……) et la protection des valeurs et connaissances traditionnelles occupent une place importante dans le document du NEPAD. Et si l'on n'y prend garde, l'on pourrait hypothéquer l'avenir des générations futures par la mise en œuvre de cette initiative. La preuve, sous le titre « Programme d'action : stratégie africaine pour assurer un développement durable au 21ème siècle », deux « priorités sectorielles » nous intéressent : l'agriculture et la Culture à propos desquels il est écrit ce qui suit :

« 140. La culture fait partie intégrante des efforts de développement du continent. C'est pourquoi il est indispensable de protéger et d'utiliser correctement le savoir autochtone qui représente une dimension importante de la culture du continent et d'en faire bénéficier toute l'humanité. Le NEPAD consacrera une attention toute particulière à la protection et au développement du savoir traditionnel. C'est-à-dire, aux œuvres littéraires et artistiques nourries de tradition comme aux travaux scientifiques, performances, inventions, découvertes, conceptions, marques, appellations et symboles, informations encore non divulguées et toutes autres innovations et créations fondées sur la tradition et des activités intellectuelles dans les domaines industriel, scientifique, littéraire ou artistique. Ce concept englobe aussi le patrimoine génétique et les connaissances médicales traditionnelles qui y sont associées. »

« 141. Les dirigeants du NEPAD prendront d'urgence des mesures pour faire en sorte que le savoir autochtone de l'Afrique soit protégé par des législations appropriées. Ils favoriseront aussi sa protection au niveau international en travaillant pour ce faire en étroite collaboration avec l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). »….

A la lumière de ces extraits, l'on peut féliciter les initiateurs du NEPAD pour la place de choix accordée aux ressources génétiques et à la protection des connaissances traditionnelles liées à ces ressources. Mais là où le bât blesse, c'est quand, pour protéger les ressources génétiques, le NEPAD recommande de travailler en étroite collaboration avec l'Organisation Mondiale de Propriété Intellectuelle (OMPI). En effet, cette Organisation et sa succursale en Afrique francophone OAPI (Organisation Africaine de Propriété Intellectuelle) ont montré à maintes reprises, que le développement endogène de l'Afrique ne les intéresse pas. Ainsi, ils viennent de procéder (1996 à 2002) à la révision de la loi supranationale de seize pays francophones d'Afrique du Centre et de l'Ouest (Accord de Bangui), sur instruction de l'Organisation Mondiale du Commerce, sans informer ni les agriculteurs, ni les communautés locales dont les intérêts sont foulés aux pieds par cette loi. La protection des ressources génétiques africaines ne peut être faite de façon durable, que si tous les acteurs sociaux nationaux, les agriculteurs et les communautés locales en tête dans chaque pays, proposent, dans leurs propres intérêts et non dans celui des multinationales, des voies et moyens pour protéger effectivement leurs ressources génétiques et leurs connaissances traditionnelles.

*Commerce mondial et Biodiversité en conflit est le titre d'une série de document publié par GRAIN de 1998 à 2000. La version française de ces documents est également disponible sur le site web de GRAIN.


Référence pour cet article : Growing Diversity, 2002, Le NEPAD et les ressources génétiques africaines, août 2002

Lien sur internet : www.grain.org/fr/publications/note-6-fr.cfm

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Author: GRAIN
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