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L'OAPI tourne le dos aux intérêts des agriculteurs en Afrique francophone

by GRAIN | 5 Mar 2002

Note d'information

Février / Mars 2002

GRAIN

en PDF et MS Word


LÂ’OAPI  tourne le dos aux  intérêts des agriculteurs en Afrique francophone

LÂ’Accord de Bangui révisé, loi supranationale de lÂ’Organisation Africaine de Propriété Intellectuelle (OAPI), est entré en vigueur le 28 février 2002, dans 16 pays francophones. Cet accord a été signé en février 1999, par 15 pays francophones dÂ’Afrique (à cette date, la Guinée Equatoriale nÂ’était pas encore membre), en instaurant un régime de propriété intellectuelle sur les semences ou obtentions végétales. Mais, ce qui pose problème, cÂ’est que lÂ’Accord  a été préparé de 1995 à 1999, sans aucune participation des paysans qui vont subir les graves conséquences. Les paysans en particulier, et les populations en général nÂ’ont même pas été informés, ni avant la signature, ni avant la récente entrée en vigueur, ni par la Direction Générale de lÂ’OAPI, ni par les autorités politiques des 16 pays concernés (Voir liste ci-jointe).

LÂ’idée de révision de lÂ’Accord de Bangui est née du fait que depuis 1995, la protection des obtentions végétales est devenue une obligation pour tout pays membre de lÂ’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ainsi, lÂ’UPOV (Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales) et lÂ’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) ont fait pression pour que lÂ’OAPI se précipite pour changer son texte fondamental, en adoptant des règles similaires à celles de lÂ’UPOV, alors que la plupart des pays pouvaient attendre jusquÂ’en 2006. Le système de droit sur lÂ’obtention végétale régi par lÂ’UPOV ne protège que les intérêts des multinationales et des supporters de lÂ’agriculture industrielle. Or en Afrique, lÂ’alimentation de la majorité des populations est assurée par lÂ’agriculture traditionnelle de type familial, et les plantes cultivées sont échangées entre parents et amis, ou vendus sur les marchés locaux.

Le nouvel Accord de Bangui accorde des droits commerciaux exclusifs (monopoles) à ceux qui produisent des variétés végétales qui sont nouvelles, distinctes, uniformes et stables. Les variétés traditionnelles et les connaissances qui y sont rattachées, alors quÂ’elles représentent la base même des variétés nouvelles, sont laissées de côté. Dès lors, les paysans auront à payer des redevances sur les nouvelles semences et nÂ’auront le droit de garder une partie de leur récolte pour les plantations futures, que sous certaines conditions. Ainsi, cet accord restreint le droit des agriculteurs de sauvegarder des semences, et impose un système de privatisation du vivant.

Avec lÂ’annexe X de lÂ’Accord de Bangui révisé, certains actes sont permis, et dÂ’autres sont interdits. Ainsi :

  • les sélectionneurs auront la possibilité dÂ’utiliser les variétés protégées pour la création de nouvelles variétés ; mais ils ne peuvent pas exploiter ces nouvelles variétés, si elles sont similaires aux variétés initiales.
  • Les paysans nÂ’auront la possibilité de sauvegarder, dÂ’utiliser et dÂ’échanger (jamais de vendre) les semences récoltées des variétés protégées que si cinq conditions sont remplies :

1)      Ils sont propriétaires de leur champ

2)      Il ne sÂ’agit pas dÂ’une espèce fruitière

3)      Il ne sÂ’agit pas dÂ’une espèce forestière

4)      Il ne sÂ’agit pas dÂ’une espèce ornementale

5)      Ils ont payé les redevances sur la variété initiale.

 

Enfin, lÂ’application de lÂ’Accord de Bangui entraînera de graves conséquences, non seulement pour les générations actuelles, mais également pour les générations futures des pays francophones. Au nombre de ces conséquences, lÂ’on peut citer, entre autres :

1)      au niveau de lÂ’agriculture, lÂ’exposition des agriculteurs à une dépendance totale des multinationales et des instituts étrangers de recherche scientifique ;

2)      une perte de diversité dans les champs, du fait que lÂ’Accord de Bangui révisé ne protège que les variétés qui sont uniformes ; cela entraîne une grande vulnérabilité pour les producteurs et les consommateurs ;

3)      au niveau de la santé, lÂ’augmentation des prix des médicaments de base déjà inaccessibles à nos populations. En effet, cet accord interdit les importations parallèles de médicaments moins chers (génériques), provenant des pays en dehors du groupe des 16 pays membres de lÂ’OAPI.

Et pourtant, dans le domaine de lÂ’agriculture, la « législation modèle africaine pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et pour des règles dÂ’accès aux ressources biologiques Â» constitue une base importante pour ouvrir la discussion et construire des alternatives, toujours en respectant les contraintes de lÂ’OMC.

___________________

 

Organisation Africaine de Propriété Intellectuelle (OAPI)

 Pays membres                                                            Date de ratification de lÂ’Accord de Bangui révisé

 Bénin                                                                                           -

Burkina Faso                                                                            8 juin 2001

Cameroun                                                                                  9 juillet 1999

République Centrafricaine                                                    -

Congo                                                                                         -

Côte dÂ’Ivoire                                                                             24 mai 2000

Gabon                                                                                         27 décembre 1999

Guinée Bissau                                                                           -

Guinée                                                                                         13 juillet 2001

Guinée Equatoriale (Adhésion récente)                              23 novembre 2000

 Mali                                                                                            19 juin 2000

Mauritanie                                                                                 5 juillet 2001

Niger                                                                                           -

 Sénégal                                                                                      9 mars 2000

Tchad                                                                                          24 novembre 2000

 Togo                                                                                           29 novembre 2001

 


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